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“Robert Delaunay” Rythmes sans fin
au Centre Pompidou, Paris

du 15 octobre 2014 au 12 janvier 2015



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 14 octobre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Robert Delaunay, Mosaïque, 1935-1937, pâtes de verre sur ciment. 80,5 x 59 cm. Donation Sonia et Charles Delaunay,1964. Crédit photographique : © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN / Photo : Jean-Claude Planchet.
2/  La façade principale du Palais des chemins de fer et le hall tronconique du Palais de l’air vus de nuit. Photo : D.R. Crédit photographique : © Centre Pompidou, Bibliothèque Kandinsky / Photo : Bruno Descout.
3/  Robert Delaunay, Manège de cochons, 1922, huile sur toile, 248 x 254 cm. Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris. Don Sonia Delaunay, 1956. Crédit photographique : © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN / Photo : Georges Meguerditchian.

 


1461_Robert-Delaunay audio
Interview de Angela Lampe, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 octobre 2014, durée 10'39". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat : Angela Lampe, conservatrice au service des collections modernes du musée national d’art moderne



L’exposition Robert Delaunay, Rythmes sans fin met en lumière l’extraordinaire richesse du fonds Robert et Sonia Delaunay dans la collection du Centre Pompidou. Grâce notamment à l’importante donation que Sonia et son fils Charles firent en 1964 à l’Etat, cet ensemble est aujourd’hui sans égal au monde.

Au travers d’environ quatre-vingt oeuvres; peintures, dessins, reliefs, mosaïques, maquettes, photographies, cette exposition explore la seconde période du maître de « la peinture pure », celle qui débute à l’issue des années de guerre et qui reste encore méconnue. Robert Delaunay s’émancipe alors du cadre de la toile pour réaliser, à partir des années 1930, des oeuvres murales et investir l’espace architectural.

Sous l’effet des nouveautés urbaines allant du gigantisme de la tour Eiffel à l’impact des panneaux-réclames et l’électrification des rues, Robert Delaunay perçoit la modernité comme un débordement visuel, une sensation optique qui submerge, à la fois monumentale, éblouissante et fulgurante. L’acte de voir s’impose alors comme le sujet de sa peinture marquée par les recherches sur la simultanéité. Agissant directement sur la sensibilité du spectateur, la peinture revêt ainsi pour l’artiste « un aspect populaire » ce qui, successivement, le conduit à élargir le champ de son travail à l’environnement contemporain (décoration intérieure, cinéma, architecture).

Les disques colorés, inventés avant la guerre, se muent en modules circulaires, lesquels, répétés à l’infini, deviennent synonyme du rythme de la vie moderne. En 1935, Robert Delaunay expose des revêtements muraux en relief et en couleurs d’une totale nouveauté technique, réalisés avec une extraordinaire variété de matériaux, les surfaces s’animent alors par un jeu de textures. L’artiste ne vise rien de moins qu’une révolution dans les arts, non plus dans le champ pictural, mais sur le terrain de l’architecture. L’association de la couleur et de la lumière permettent à Robert Delaunay une mise en rythme totale de son oeuvre.

« Je fais la révolution dans les murs »

Le deuxième volet de l’exposition est consacré aux étonnants aménagements décoratifs que Robert Delaunay - avec le jeune architecte Félix Aublet - réalise pour le Palais des Chemins de Fer et Palais de l’Air qui firent sensation à l’Exposition Internationale de 1937 à Paris.

Grâce à un ensemble de photographies documentaires inédites, issues des collections de la Bibliothèque Kandinsky et présentées sous forme de diaporama, ainsi que des maquettes, études préparatoires et un choix de plans de bâtiments empruntés aux Archives nationales, ce projet spectaculaire prendra à nouveau vie dans les salles d’exposition.

Rythmes sans fin réactualise la lecture de l’oeuvre de Robert Delaunay et l’inscrit dans l’histoire de l’art moderne, au-delà de l’Orphisme et de l’Abstraction optique auxquels il est trop souvent réduit.

Le catalogue de l’exposition, publié aux Editions du Centre Pompidou, contient plusieurs anthologies de textes, dont une sur l’actualité de l’art mural dans les années 1930 et une autre sur les écrits, rares et souvent inédits, de Robert Delaunay entre 1924 et 1930.





Extrait de texte du catalogue…


Robert Delaunay : une modernité à débordement

Par Angela Lampe, commissaire de l’exposition

Si pour Baudelaire la modernité se définit par la temporalité – le transitoire contre l’immuable –, elle se présente pour Robert Delaunay par sa démesure. Sous l’effet des nouveautés urbaines allant du gigantisme de la tour Eiffel à l’impact des panneaux-réclames, en passant par l’électrification des rues et l’essor de l’aviation, il perçoit cette modernité comme un débordement visuel, une sensation optique qui nous submerge. Elle est monumentale, éblouissante et fulgurante; la grande ville est son emblème. Comment transposer en formes et en couleurs la profusion des angles de vue inédits, la mobilité accrue, la stimulation incessante de nos nerfs optiques, tous ces chocs simultanés qui rythment la vie urbaine moderne ? Voilà la grande question qui anime le projet delaunien. Très rapidement, cette quête d’une « peinture pure », qui met « l’oeil du spectateur en prise directe avec l’agitation du réel », se confond avec une mise à l’épreuve du médium même de la peinture de chevalet. La série Tour Eiffel, qui débute en 1909, révèle la difficulté qu’a Delaunay de rendre, dans les limites imposées par le rectangle de la toile, les effets de monumentalité que lui inspire ce « monstre de ferraille ». L’artiste choisit alors une représentation amputée de la Tour. Le sommet coupé par le bord supérieur du tableau donne l’illusion que le monument se prolonge à l’infini. Blaise Cendrars décrira ainsi ce procédé : « […] il tronqua [la tour Eiffel] et l’inclina pour lui donner ses trois cents mètres de vertige, il adopta dix points de vue, quinze perspectives, telle partie est vue d’en bas, telle autre d’en haut, les maisons qui l’entourent sont prises de droite, de gauche, à vol d’oiseau, terre à terre. » Conscient des limites de cette approche analytique de la forme, Delaunay abandonne cette phase « destructive » pour miser à partir de 1912 sur une solution plus synthétique en travaillant sur la couleur et son potentiel à évoquer « l’énergie vibratoire de la lumière ». Grâce au rythme des contrastes simultanés qui animent la surface de ses Fenêtres, Delaunay parvient à dissoudre la matérialité du support. La composition prismatique se mue en un champ illimité de pure agitation chromatique. Le simultanéisme, écrira plus tard Delaunay, est un « mouvement statique ». L’expansion picturale s’accentue encore avec l’ensemble des Formes circulaires, peint l’année suivante. Inspiré tant par les théories astrales que par le mouvement des hélices et des halos des lampes électriques, Delaunay réussit à intégrer une dynamique giratoire dans ses compositions. La rotation des anneaux et des prismes semble les faire sortir du plan de la toile, non plus par une prolongation du plan, mais par une propulsion vers l’avant. En résulte un effet d’éblouissement que Delaunay amplifie encore dans les deux grandes compositions qui marquent la période d’avant-guerre : la deuxième version du Manège de cochons (1913), que l’artiste détruit pour ne reprendre ce sujet qu’en 1922, et l’Hommage à Blériot (1914), conservé au Kunstmuseum de Bâle. Le monde moderne s’est transformé en un tourbillon de disques hypnotisant. Durant ces années, Delaunay cherche, d’une série à l’autre, à dépasser les limites imposées par le format de la toile. Avec le premier Disque qui se présente sous la forme ronde d’une cible rythmée de cercles chromatiques, il semble aller à l’extrême en adaptant la forme du support au champ visuel du spectateur. Les « vibrations extra-rapides », que l’oeil perçoit devant ce disque correspondraient pour l’artiste à une expérience qu’il qualifie de « coup de poing ». Si l’acte de voir même devient le sujet de sa peinture et si, dans le sens où elle agit directement sur la sensibilité du spectateur, cette peinture revêt pour Delaunay « un aspect populaire », on comprend l’acte d’abandonner le chevalet et de sortir de l’atelier. Ne devrait-on pas voir la peinture simultanée partout, dans la rue, dans les magasins, au théâtre, au cinéma, sur les murs de bâtiments, à l’intérieur comme à l’extérieur ? En d’autres termes, ne faut-il pas revenir sur le projet de Delaunay, trop généralement cantonné à son cheminement vers une abstraction orphique, pour mettre en valeur son élargissement du champ pictural à l’espace quotidien ? […]