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“Sonia Delaunay” Les couleurs de l’abstraction
au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

du 17 octobre 2014 au 22 février 2015



www.mam.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 16 octobre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Sonia Delaunay, Couverture de Berceau, 1911, MNAM. © Pracusa 2013057.
2/  Portrait de Sonia Delaunay, cliché André Villers, 1971. © Pracusa 2013057. © BNF. André Villers © Adagp, Paris 2014.
3/  Sonia Delaunay, Couverture du catalogue de l'exposition de Stockholm, Autoportrait, 1916. © Pracusa 2013057. © BNF.

 


1462_Sonia-Delaunay audio
Interview de Fabrice Hergott, directeur du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 16 octobre 2014, durée 14'42". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires de l’exposition : Anne Montfort et Cécile Godefroy



Première grande rétrospective parisienne consacrée à Sonia Delaunay depuis 1967, l’exposition organisée par le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris rassemble, aux côtés de trois reconstitutions exceptionnelles d’environnements, plus de 400 oeuvres : peintures, décorations murales, gouaches, estampes, mode et textiles. Cette monographie qui suit l’évolution de l’artiste de l’aube du XXème siècle à la fin des années 1970, met en lumière l’importance de son activité dans les arts appliqués, sa place spécifique au sein des avant-gardes européennes, ainsi que son rôle majeur dans l’abstraction dont elle figure parmi les pionniers.

Le parcours chronologique, largement documenté, illustre la richesse et la singularité de l’oeuvre de Sonia Delaunay marquée par un dialogue soutenu entre les arts. L’ensemble des oeuvres choisies révèle une approche personnelle de la couleur, réminiscence de son enfance russe et de son apprentissage de la peinture en Allemagne.

Tandis que Robert Delaunay conceptualise l’abstraction comme un langage universel, Sonia Delaunay l’expérimente sur les supports les plus variés (tableaux, projets d’affiches, vêtements, reliures, objets domestiques) et crée à quatre mains avec le poète Blaise Cendrars La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France. Durant la Grande Guerre, son passage en Espagne et au Portugal coïncide avec un premier développement de ses activités dans les domaines du théâtre et de la mode qu’elle commercialise à Madrid dès 1918, puis à son retour à Paris dans les années 1920. La décennie suivante marque l’épanouissement d’une abstraction épurée, caractéristique du style international, et en harmonie avec l’architecture comme en témoignent les grandes décorations murales du Palais de l’Air de l’Exposition internationale des arts et techniques, présentées à Paris pour la première fois depuis 1937. Le rôle de « passeur » de l’artiste entre la génération des pionniers de l’abstraction et celle de l’après-guerre se manifeste à travers sa participation aux Salons des Réalités Nouvelles, son implication dans les projets d’architecture et sa présence au sein de la galerie Denise René. Dès l’après-guerre, la peinture de Sonia Delaunay connaît un profond renouvellement qui culmine, à la fin des années 1960, dans un art abstrait intensément poétique. Sa créativité formelle et technique s’exprime alors dans des oeuvres monumentales (peinture, mosaïque, tapis, tapisserie) et son oeuvre tardive connaît un ultime essor dans les albums d’eaux fortes et les éditions Artcurial.

Agrémentée par la reconstitution d’ensembles et de dispositifs inédits, ainsi que la présence de photographies et de films d’époque, l’exposition souligne le paradoxe d’une oeuvre atemporelle par ses recherches formelles mais profondément inscrite dans son temps – de la belle époque aux années 1970.

L’exposition sera ensuite présentée à la Tate Modern de Londres du 15 avril au 9 août 2015.

Exposition réalisée avec le concours exceptionnel de la Bibliothèque nationale de France et du Centre Pompidou




Extrait du catalogue - Préface de Fabrice Hergott, directeur du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

« Tout est sentiment, tout est vrai. La couleur me donne la joie ».

Sonia Delaunay, entretien avec Jacques Damase, extrait du documentaire de Patrick Raynaud, « Prises de vue pour une monographie », 197



C’est par ces quelques mots à Jacques Damase que Sonia Delaunay, tout à la fin de sa vie, conclut en 1972 ses « Prises de vue pour une monographie ». Grande dame de l’art pour ceux qui l’ont rencontrée, elle est pour le public un nom connu mais une oeuvre encore mal identifiée. Un paradoxe propre à la vie de l’artiste et imputable à un destin qui ressemble à celui de l’héroïne d’un roman dont l’histoire mouvementée se confond avec celle du siècle dernier. Née dans une modeste famille juive d’Odessa, elle est recueillie par un oncle fortuné à Saint-Pétersbourg où elle découvre la culture russe et européenne. À 18 ans, elle part étudier à Karlsruhe en Allemagne avant de s’installer à Paris l’année suivante. Très vite, elle fréquente les milieux artistiques d’avant-garde grâce à Wilhelm Uhde, puis à Robert Delaunay qu’elle épouse en 1910. Le salon du couple Delaunay devient alors un point de ralliement pour de nombreux artistes étrangers — Sonia pratique couramment plusieurs langues — et pour les poètes. Les Delaunay collaborent avec Apollinaire et Cendrars qui écrivent sur eux et pour eux. Exilés en Espagne et au Portugal durant la Première Guerre mondiale, ils rencontrent les artistes avant-gardistes portugais, reçoivent Diaghilev, correspondent avec Tristan Tzara. Pour Sonia, cette période marque un tournant dans sa carrière. Ruinée par la révolution russe de 1917, elle ouvre la Casa Sonia, un espace dédié à la mode et à la décoration et parvient à en faire vivre sa famille. De retour à Paris en 1921, ils sont accueillis par leurs amis Dada, Iliazd et Tzara. Les activités de Sonia dans le domaine de la mode et de la décoration prennent un nouvel essor dans le Paris des Années folles, mais le krach de 1929 met fin à l’entreprise. Dans une société durement frappée par la crise économique, les Delaunay se prennent à rêver d’une cité idéale, où les artistes, réunis au sein de coopératives, travailleraient ensemble à des oeuvres monumentales. En 1937, l’Exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne leur donne l’occasion de concrétiser ce rêve. Mais la guerre, puis la mort de Robert Delaunay en 1941, pousse Sonia à s’abstraire du réel pour se consacrer entièrement à la poursuite de ses recherches esthétiques. Elle se remet à peindre à la Libération, tout en oeuvrant à la reconnaissance de Robert, incarnant désormais, selon ses propres mots, « la veuve du plus grand artiste français ». Jamais, elle n’a été aussi active : à la fois présente et décisionnaire dans les grandes manifestations artistiques, aidant ses amis « à entrer au musée », apportant son soutien à de jeunes artistes, s’investissant dans des projets d’architecture. Il faut cependant attendre 1967 pour que son oeuvre rencontre enfin une reconnaissance officielle avec sa première grande rétrospective au musée national d’Art moderne. Dans les années 1970, elle estime toujours devoir agir en faveur de l’art moderne et des idées démocratiques qu’il porte. Elle est ainsi l’inspiratrice d’Artcurial, cette aventure novatrice et utopique lancée en 1975 par la société L’Oréal, afin de rendre l’art moderne accessible au plus grand nombre grâce à l’édition limitée d’objets d’art. Du fait de ses origines russes, et sans doute parce que sa condition féminine l’y autorise, Sonia Delaunay poursuit ses recherches esthétiques sans faire de discrimination entre arts appliqués et beaux-arts. Elle possède une mobilité du regard qui lui permet de passer d’une technique à l’autre, en exploitant en profondeur toutes les possibilités, et d’atteindre dans chaque réalisation, chaque gouache, chaque peinture, un sentiment de vitalité et de fraîcheur exceptionnels. La variété et la précocité de ses recherches font d’elle un des esprits les plus libres et les plus innovants de l’art moderne. Et, c’est là le second paradoxe propre à Sonia Delaunay : celui d’une oeuvre inscrite dans l’histoire de l’art comme celle d’une fondatrice, mais qui, au cours d’une vie longue de près d’un siècle, n’a cessé de réinventer, de transcender la modernité et de lui ouvrir des voies dont nous commençons seulement à entrevoir l’importance à travers cette grande rétrospective. Le fait que les oeuvres de ces dernières décennies soient parmi les plus vives qu’elle ait peintes n’est d’ailleurs pas la moindre surprise. Des expositions que le musée d’Art moderne de la Ville de Paris a dédiées à des artistes femmes, figures clés de la modernité — Helene Schjerfbeck, Claude Cahun, Sophie Taeuber-Arp ou Charley Toorop —, se détache une audace particulière, la volonté de s’exprimer avec force et détermination. Si les Delaunay ont inventé ensemble un nouveau langage pictural, Sonia a su le développer de manière originale et l’appliquer aux usages de la vie quotidienne, bien longtemps avant que la couleur en mouvement n’entre dans nos vies de consommateurs compulsifs d’images et de flux colorés.

Fabrice Hergott, directeur du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris