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“Les habitants & Ballade pour une boîte de verre” 1473
à la Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris

du 25 octobre 2014 au 22 février 2015



www.fondation.cartier.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 22 octobre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Musings on a Glass Box, 2014. © Diller Scofidio + Renfro.
2/  Guillermo Kuitca, Étude préparatoire pour l'exposition Les Habitants, © Guillermo Kuitca.

 


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Interview de Thomas Delamarre, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 octobre 2014, durée 15'11". © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Pour ses 30 ans, la Fondation Cartier a fait appel à 3 artistes, à l’origine de deux propositions complètement différentes et qui occupent les deux plus grands espaces d’exposition. Quand les deux architectes Elizabeth Diller et Ricardo Scofidio choisissent de mettre en valeur le bâtiment lui-même, le peintre argentin Guillermo Kuitca s’appuie sur une œuvre de David Lynch pour réinterpréter les productions d’artistes déjà exposés par la Fondation Cartier grâce à un réseau d’échos et de contrastes et retraçant ainsi l’histoire de l’institution.

Balade dans une boîte de verre
Tel est le nom de l’expérience à la fois visuelle et sensorielle à laquelle nous convient Diller et Scofidio. De premier abord, l’installation nous laisse perplexes. Dans la plus grande salle, un unique seau rouge motorisé erre à l’aveuglette selon une chorégraphie qui paraît complètement aléatoire. Le second espace d’exposition est, lui, occupé par une large plaque suspendue au-dessus du plafond alors que retentissent des sons étranges, comme des fulgurances. Le visiteur doit alors devenir acteur – et non plus se contenter d’être spectateur – de l’œuvre et se glisser sous la plaque pour qu’enfin l’installation révèle son incroyable profondeur. C’est l’image du plafond que l’on découvre, filmé par une caméra installée dans le seau, mais déformée par à-coups, tranquille un instant puis vibrante ou soudain floue la seconde suivante, telle l’eau plane d’une mare que serait venue bouleverser une goutte tombée à sa surface… Mais si cette fameuse perturbation ne venait-elle pas finalement du bâtiment lui-même ?

Car c’est en jouant avec l’organisme de l’édifice – ses tuyaux, sa plomberie, son électricité – que les deux artistes ont conçu leur installation. Aux images troublées, parfois psychédéliques, s’ajoute une ambiance sonore composée par David Lang et l’ingénieur du son Jody Elff, qui semble amplifier le bruit provoqué par la goutte d’eau heurtant la surface du seau pour la transformer en un véritable chœur antique de voix humaines. Placé sous la plaque, le spectateur-acteur subit la balade dans laquelle l’emmène le seau au gré de ses errances tandis que tout le bâtiment devient le sujet de son regard fasciné mais aussi troublé par les variations inattendues qui bouleversent l’image. L’édifice, dont les parois en verre virent lentement à l’opaque, nous coupant ainsi peu à peu du monde extérieur avant de s’éclaircir à nouveau, se détache alors de sa fonction pour devenir une œuvre à part entière.

Les Habitants
Pour « Les Habitants », qui emprunte son titre à la production du cinéaste arménien, Artavazd Pelechian, Guillermo Kuitca a réuni des œuvres d’artistes déjà exposés par la Fondation Cartier, établissant entre elles tout un jeu de correspondances en les réinterprétant à sa manière. La reproduction et la mise en scène théâtrale d’un dessin d’intérieur réalisé par David Lynch pour « The Air is on Fire » permet ainsi grâce à un fauteuil entouré de pouf et baigné de lumière à la présence de Patti Smith de se manifester, alors que l’on peut entendre la chanteuse livrer une interprétation profonde et habitée du poème Falling Backwards Once Again ( 2011). Devenue conteuse, c’est elle, ou plutôt son fantôme, qui occupe le siège et fascine ses auditeurs. Cette mise en scène trouve alors un écho sauvage dans le film d’Artavazd Pelechian, où, dans un noir et blanc saturé qui décompose les images, des animaux, seuls ou en hordes si impressionnantes qui noient leurs formes, semblent lancés dans une violente fuite en avant afin d’échapper à la menace que représente l’homme et qui ne se manifeste que par le bruit assourdissant de coups de feu.

On retrouve alors l’homme dans sa représentation la plus grotesque, notamment grâce à travers Head (Man in blue) de Francis Bacon (1961) où apparaît un visage tellement déformé qu’il en perd toute son humanité. Une dimension que l’on distingue dans Well… I can dream, can’t I ? (David Lynch, 2003) qui dépeint le corps torturé et boursouflé d’une femme étendue nue sur un canapé alors qu’elle semble se vider de son sang. Heureusement, le noir et blanc nous offre une échappatoire. Les trois déclinaisons de Night Sky, de Vija Celmins (1995-2001), figurent toutes un calme ciel étoilé livrés à la contemplation et où l’œil peut enfin se reposer. Sans titre (2011) de Guillermo Kuitca, avec ses formes fragmentées et ses lignes brisées noires sur fond blanc, entrent alors en résonnance avec elles et nous entraînent loin du tumulte et de l’angoisse.

Le dialogue et les rapports qui s’établissent entre les œuvres et leurs réinterprétations réalisées par Kuitca construisent donc un véritable cheminement pour le visiteur, qui peut voit ainsi réécrite l’histoire de la Fondation Cartier.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat : Thomas Delamarre, conservateur à la Fondation Cartier



Pour célébrer son trentième anniversaire, la Fondation Cartier pour l’art contemporain présente, du 25 octobre 2014 au 22 février 2015, deux expositions exceptionnelles.


Les habitants une idée de Guillermo Kuitca
Avec Vija Celmins, Guillermo Kuitca, David Lynch, Artavazd Pelechian, Patti Smith

Empruntant son titre au film du cinéaste arménien Artavazd Pelechian, Les Habitants propose une immersion au sein d’un espace pictural et sonore dans lequel le peintre argentin Guillermo Kuitca met en scène un réseau de relations entre son oeuvre et celles de Vija Celmins, David Lynch, Artavazd Pelechian et Patti Smith. Avec cette exposition, Guillermo Kuitca offre un éclairage personnel sur l’histoire de la Fondation Cartier et la manière dont elle a, au fil des années, tissé des liens entre les artistes et les oeuvres, créé des rencontres, inventé des ricochets d’un projet à l’autre.

C’est le living room, une installation en 3D créée par David Lynch à partir d’un petit dessin pour son exposition The Air is on Fire à la Fondation Cartier en 2007, qui donne à Guillermo Kuitca l’idée de ce projet. Pour ce dernier, dont l’oeuvre est nourrie de références à l’espace théâtral, l’exposition The Air is on Fire a été une expérience sensible déterminante.

Dans l’installation de Guillermo Kuitca, on redécouvre l’enregistrement sonore du concert de David Lynch et Patti Smith donné à la Fondation Cartier le 28 octobre 2011 dans le cadre de l’exposition Mathématiques, un dépaysement soudain. Alliance singulière de musique et de poésie qui réunissait pour la première fois sur scène ces deux artistes, cet événement incarne pour Guillermo Kuitca l’idée de réinterprétation qui sous-tend l’ensemble de son projet. Patti Smith revisite l’histoire écrite par David Lynch d’une antilope qui traverse la ville et observe les hommes. Un long poème troublant qui s’entend en écho au film d’Artavazd Pelechian, Les Habitants, également diffusé dans l’exposition. Véritable hymne à la nature sauvage, ce film met en scène des animaux lancés dans la fuite effrénée d’une menace invisible.

Peints dans des nuances infinies de noir, de blanc et de gris, les ciels étoilés de la peintre américaine Vija Celmins dialoguent avec les toiles de David Lynch, saturées par la couleur et la présence du corps humain. Toute l’installation de Guillermo Kuitca agit sur les sensations et les effets de perspectives, de résonances et de contrastes entre les oeuvres : elle trouve un écho éclatant dans le travail de l’artiste, caractérisé par des références à la cartographie, aux intersections entre les lieux et les choses, aux territoires physiques, mentaux et émotionnels, et dans lequel la figure humaine brille par son absence. C’est bien cette idée de dialogue et de liens multiples entre les oeuvres et les artistes qui anime toute l’exposition Les Habitants, résonnant d’une manière particulièrement originale avec l’histoire de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, faite de dialogues et de métissages inattendus entre des idées, des artistes et des oeuvres.

 



Ballade pour une boîte de verre de Diller Scofidio + Renfro
en collaboration avec David Lang et Jody Elff

Du 25 octobre 2014 au 22 février 2015, dans le cadre de son trentième anniversaire, la Fondation Cartier pour l’art contemporain présente Ballade pour une boîte de verre (Musings on a Glass Box), une installation imaginée par le studio de création et d’architecture Diller Scofidio + Renfro. Pour la première fois dans l’histoire de la Fondation Cartier, le bâtiment créé par Jean Nouvel est la matière première d’un projet artistique. Déployée sur tout le rez-de-chaussée de la Fondation Cartier, Ballade pour une boîte de verre est une installation complexe reposant sur le déclenchement, par une simple perturbation dans le plafond, d’une série de réactions surprenantes. L’environnement immersif qui en résulte, qui inclut une partition sonore créée par le compositeur David Lang et le designer sonore Jody Elff, instaure un dialogue avec l’architecture du bâtiment, joue avec les notions de transparence et de perception et questionne notre relation à l’espace


Ballade pour une boîte de verre
Renversant les conventions du « White Cube » et repoussant les limites de l’architecture, les espaces d’exposition en verre créés par Jean Nouvel pour la Fondation Cartier interpellent artistes et commissaires d’exposition depuis vingt ans. Les grandes parois transparentes du bâtiment étaient à la pointe de la technologie du verre dans les années 1990, qui visait à atteindre l’un des objectifs principaux du modernisme : dématérialiser le mur et relier sans rupture apparente intérieur et extérieur.

Ballade pour une boîte de verre vide les salles du rez-de-chaussée afin de les exposer. Leurs qualités visuelles et acoustiques sont soulignées par des interventions dans les systèmes de plomberie et d’électricité du bâtiment et sur ses façades. Jouant avec les notions de temps qui passe et d’usure, le projet part d’une simple fuite sournoise au niveau du plafond. S’ensuit une réaction faisant intervenir un seau, un choeur, des capteurs, des éléments de robotique et de communication à distance, de la vidéo et des effets sonores en temps réel. Les deux salles du rez-de-chaussée sont ainsi reliées entre elles par une boucle autoalimentée. Des événements minimes se produisant dans la grande salle sont amplifiés dans la petite, rendant ce qui est familier étrange et troublant, et transformant le banal en grotesque.

Diller Scofidio + Renfro



Diller Scofidio + Renfro : repousser les limites
Les fondateurs du studio, Elizabeth Diller et Ricardo Scofidio, s’inspirent depuis toujours de la culture postmoderne. Ils se distinguent depuis près de quarante ans dans des domaines très variés : édition, vidéo et installation conceptuelles, commissariat et scénographie d’exposition, théâtre expérimental et danse, architecture. Le Blur Building est une de leurs oeuvres les plus emblématiques et spectaculaires : pièce de land art architectural dotée d’un environnement sonore conçu par l’artiste et compositeur Christian Marclay, cette oeuvre commandée en 2002 pour la Swiss Expo consistait en un nuage artificiel installé sur le lac de Neuchâtel. Démontrant une grande curiosité et une inclination pour d’autres disciplines, Diller et Scofidio se sont pourtant toujours considérés comme des « architectes, même si la conception de bâtiments n’est qu’une des facettes de [leur] production… Ce qui [les] intéresse en général, c’est d’interroger les conventions spatiales du quotidien ». Ensemble à la ville comme à la scène, Diller et Scofidio ont fondé leur studio expérimental en 1979 avant de s’associer avec Charles Renfro en 2004. La High Line de New York, le Musée de l’image et du son de Rio de Janeiro et l’extension du MoMA de New York comptent parmi leurs dernières créations en cours. Réalisant régulièrement des projets à la fois facétieux et critiques mais toujours fondés sur la recherche, Diller Scofidio + Renfro oscillent sans effort entre la production artistique et la construction de musées.

Une histoire d’innovations
La Fondation Cartier collabore avec Elizabeth Diller et Ricardo Scofidio depuis plus de vingt ans. Pour Elizabeth Diller, ce dialogue a toujours été d’une importance cruciale dans leur travail : « La Fondation Cartier est un lieu d’exposition très audacieux. Elle a poussé de nombreux créateurs de différentes disciplines à s’éloigner de leurs modes d’expression habituels. » En 1992, le duo présente l’installation Para-site dans le cadre de l’exposition Machines d’architecture, qui explore, autour de Daniel Liebeskind et de dix autres architectes internationaux, une conception expérimentale de l’architecture comme outil de réflexion sur l’espace contemporain. Pour l’exposition Un monde réel en 1999, ils explorent la relation entre réalité, fiction et science-fiction dans l’installation Master/Slave. Cette oeuvre met en scène les robots de la collection de Rolf Fehlbaum, président émérite de la société Vitra. Placés sur un tapis roulant qui les fait passer à travers une machine à rayons X, ces robots sont abrités dans une grande cage en verre rappelant à dessein le bâtiment de la Fondation Cartier, qui est aujourd’hui au coeur de leur nouvelle installation Ballade pour une boîte de verre. Illustrant la préoccupation permanente de Diller et Scofidio pour la surveillance et la technologie, Master/Slave a été le point d’orgue de l’exposition rétrospective consacrée à leur œuvre au Whitney Museum of American Art de New York en 2003. Enfin, leur installation Exit, basée sur une idée du philosophe et urbaniste Paul Virilio et créée en collaboration avec Mark Hansen, Laura Kurgan et Ben Rubin, était une pièce majeure de l’exposition Terre Natale, Ailleurs commence ici en 2008. Grâce à un écran circulaire créant un environnement immersif, Exit propose une représentation des causes et des effets des migrations de population dans le monde sous la forme de cartes dynamiques. Cette oeuvre avant-gardiste incarne la capacité unique du studio Diller Scofidio + Renfro à fusionner recherche, technologie et design pour produire des oeuvres marquantes. Exit a été présentée à nouveau à la Fondation Cartier pendant l’exposition Mémoires Vives en 2014.