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“Paul McCarthy” Chocolate Factory
à la Monnaie de Paris, Paris

du 25 octobre 2014 au 4 janvier 2015



www.monnaiedeparis.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 24 octobre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Paul McCarthy, Santa with Tree. Photographe : Svetlana Bachevanova. Courtesy de l’artiste et Galerie Hauser & Wirth.
2/  Paul McCarthy, Santa with Tree. Photographe : Svetlana Bachevanova.
3/  Paul McCarthy, Santa Chocolate Factory Figurine #1, 2007, 35.4 cm x 27.9 cm. Courtesy de l’artiste et Galerie Hauser & Wirth.

 


1474_Paul-McCarthy audio
Interview de Chiara Parisi,
directrice des programmes culturels de la Monnaie de Paris et commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 24 octobre 2014, durée 2'52". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Tout commence par le parfum du chocolat. La fragrance sucrée qui nous accueille en atteignant le sommet de l'escalier majestueux de la Monnaie de Paris nous drape comme un vêtement chaud, nous éveille à un sentiment d'apaisement mêlé d'excitation. Puis vient le son, la puissante soufflerie des arbres gonflables ouvrant l'exposition. Leurs formes et couleurs simples, rouge, vert, marron, noir en font une réduction ultime du réel au statut industriel et commercial de logo.

La fabrique de chocolat de Paul McCarthy tourne à plein régime. Dans le vrombissement des machines, une compagnie de lutins s'active, actionne leviers et boutons, verse la pâte dans les moules et en extrait les figurines pour les aligner sur des plateaux. Tout comme les chocolats sont identiques, les ouvriers chocolatiers portent le même uniforme rouge, la même perruque blonde, qu'ils soient femme ou homme. L'usine siège dans un décor de cinéma ou de parc d'attraction, et régurgite sans relâche pères noëls et sapins. Notre mythologie consumériste s'incarne dans la référence à son avatar le plus puissant: la fabrique à rêves Disney et sa puissance uniformisatrice. L'ambiguïté des formes réalisées, sapin ou sex-toy, révèle à travers notre interprétation à quel point nous sommes formatés par l'industrie des loisirs. Devant notre incapacité à imaginer librement, nous voilà forcés de reconnaître que notre imagination est bel et bien colonisée et n'est plus totalement notre entière propriété.

Dans l'enfilade de salles prolongeant l'installation, cette production vient remplir, en rangs serrés, de hautes étagères d'une véritable armée comestible. Le parfum de cacao devient une odeur, entêtante, collant à la peau. Impossible de s'en détacher : partout où l'on va, l'espace est envahi de rayonnages pleins jusqu'au plafond, laissant un étroit passage pour circuler entre ces masses sombres et oppressantes. Aux murs, sur des grandes feuilles de papier, l'artiste à écrit les insultes et agressions qu'il a essuyées lors de la présentation se son projet à Paris. Des vidéos le montrent écrire, réécrire mécaniquement ces violences verbales. Les phrases s'alignent pareillement comme une production industrielle en série, s'accumulant à l'identique au même rythme que les chocolats sur les plateaux.

Notre cheminement dans l'installation, malgré la liberté de se déplacer de salle en salle, nous emmène inéluctablement de l'appétit au dégoût. La vision d'une pièce gigantesque sortant d'un moule démesuré produit une rupture, un point de non-retour. Un sentiment d'écœurement nous envahit à la vue de notre propre gloutonnerie. La surabondance de chocolats nous paraît soudain inconsommable, elle devient un gâchis d'aliments destinés à être jetés tandis qu'en arrière-plan l'usine continue à produire sans fin. Les étagères débordantes proches de la saturation font face aux assauts d'une machinerie devenue folle produisant de l'inutile à l'infini : Paul McCarty nous offre une parabole telle qu'elle serait écrite dans une bible contemporaine.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire : Chiara Parisi, directeur des programmes culturels



A l’occasion de sa réouverture, la Monnaie de Paris présente Chocolate Factory, une exposition de Paul McCarthy.

Du 25 octobre 2014 au 4 janvier 2015, Chocolate Factory s’installe dans les nouveaux espaces d’exposition rénovés de la Monnaie de Paris, marquant ainsi le début d’une nouvelle ère de la programmation d’art contemporain, sous le commissariat de Chiara Parisi, directeur des programmes culturels.

Figure majeure de la scène artistique internationale et une source d’inspiration pour de nombreux artistes, toutes générations confondues, Paul McCarthy insuffle l’énergie et la capacité de réinvention permanente propre à Los Angeles dans cette première exposition personnelle d’envergure dans une institution française. Créée pour la première fois il y a sept ans à New York, cette adaptation à Paris de Chocolate Factory reprend les bases de sa précédente installation, tout en utilisant le décalage contextuel, du décor austère de la galerie new-yorkaise à la flamboyante Salle Guillaume Dupré, pour transformer et faire évoluer le projet.

Dans l’escalier d’honneur, les visiteurs sont accueillis par une forêt de gonflables gigantesques, qui évoque à la fois la sculpture moderniste et les arbres de Noël, forme liée au plaisir. Ces sculptures aux proportions et à la matérialité industrielles rappellent également la publicité urbaine, associant le merveilleux de Hollywood et le rêve occidental d’une culture de la consommation.

Dès l’entrée dans le salon d’honneur, le visiteur se retrouve propulsé dans une chocolaterie en pleine activité installée dans une construction qui s’apparente à un décor de film. L’architecture utilitaire, faite de minces parois, crée un contraste saisissant avec l’intérieur orné et précieux de la Salle Guillaume Dupré, qui évoque, non sans nostalgie, une période de perfection et d’opulence. C’est bien cette juxtaposition de la sophistication et du rudimentaire qui est au coeur de l’oeuvre de Paul McCarthy.

Le visiteur observe les chocolatiers/performeurs engagés dans la production des figurines en chocolat semblant s’accumuler à l’infini. Ces objets éphémères, produits en quantité massive, dans un ballet qui semble s’entêter à poursuivre un modèle économique non viable. Dans les murs de la plus ancienne manufacture parisienne, Chocolate Factory traduit une volonté de mise en abîme et questionne la notion de série, dans le lieu même où sont produites des pièces de monnaie dont les tirages vont de quelques dizaines à des centaines de millions d’exemplaires. Produites en tirage illimité, consommables et périssables, ces figurines sont mises en vente à l’entrée de l’exposition ainsi que dans la librairie. Jour après jour, Chocolate Factory se développe à l’image d’une sculpture, créant des problèmes logistiques, des problèmes de stockage, affectant au final sa capacité même de fonctionner.

Dans l’enfilade des salons du XVIIIème siècle, l’exposition de Paul McCarthy continue avec une oeuvre vidéo créée spécifiquement pour ce lieu, invitant les visiteurs à entrer dans un paysage fantasmagorique qui transforme la réalité en un monde d'absurdité. Les images répétées de l’oeuvre mettent à l’épreuve notre subconscient et la façon dont nous réprimons certaines associations de tabous, d’idées et de pensées. Un lieu de l’inconscient, un lieu de l’absence à soi-même développé en contre-point du rythme effréné de la Factory. L’immersion dans ces espaces, comme un endroit entre sommeil et conscience.

Ce projet, né d'une discussion avec le chercheur Donatien Grau, offre l'occasion de découvrir, dans le cadre unique de la Monnaie de Paris, l'un des artistes contemporains les plus importants de sa génération.

L’exposition est accompagnée de la publication d’un livre entièrement conçu par l’artiste et publié par Hatje Cantz, une médaille ainsi qu’un coffret Moleskine comprenant neuf médailles dessinées par l’artiste.




MétaLmorphoses

Fondée en 864, la Monnaie de Paris est la plus ancienne des entreprises du monde. Ses ateliers d’art parisiens sont installés depuis 1775 Quai de Conti, tandis qu’elle assure la mission de service public de frappe des euros courants pour la France et d’autres devises étrangères dans son usine de Pessac (Gironde), créée en 1973.

Le projet MétaLmorphoses, initié en 2007-2008, a été pensé dans une optique d’ouverture au public de ce qui était jusqu’ici un coffre-fort installé sur les rives de la Seine. Il s’agit désormais d’en faire un lieu de découverte et de passage, où le public pourra découvrir les métiers de la Monnaie, ses produits, mais également des expositions d’art contemporain dans cet exceptionnel bâtiment datant du XVIIIème siècle.

MétaLmorphoses s’articule sur le thème du métal, noyau de la production de l’institution. Le programme des expositions, sous la direction de Chiara Parisi, débute en octobre 2014, au rythme de quatre par an, et a pour ambition de valoriser la création artistique contemporaine et d’encourager les échanges entre les artistes de notre temps et la plus ancienne manufacture en activité de France. La programmation, essentiellement tournée vers l’art contemporain, présente des artistes de notoriété internationale, invités à produire des projets sur mesure créant ainsi un dialogue entre l’art contemporain et ce lieu chargé d’histoire, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Au coeur de cette nouvelle politique culturelle, le cycle « Factory » invite une fois par an un artiste contemporain à créer une oeuvre dans les ateliers du Quai de Conti et dans l’usine de Pessac. Par cet échange de valeurs et de savoir-faire, la « Factory » continue de tisser les liens entre la Monnaie de Paris et les grands noms de la création et met en résonance le monde artistique d’aujourd’hui avec les techniques séculaires uniques développées dans la manufacture.

Ce grand projet de transformation mettra en lumière l’excellence de l’artisanat français, en valorisant autant les métiers d’art liés à la fabrication de la monnaie que son ouverture sur le monde en présentant des artistes contemporains européens et mondiaux.