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“Guillaume Bresson” article 1489
à la Galerie Nathalie Obadia - Bourg-Tibourg, Paris

du 5 novembre au 23 décembre 2014



www.galerie-obadia.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 5 novembre 2014.

1489_Guillaume-Bresson1489_Guillaume-Bresson

Légendes de gauche à droite :
1/  Guillaume Bresson, Vue d'atelier (détail), 2014. Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
2/  Guillaume Bresson, Vue d'atelier, 2014. Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

La galerie Nathalie Obadia présente la troisième exposition de Guillaume Bresson. Les 13 tableaux peints en grisaille emplissent l'espace d'une ambiance grise ocrée laissant apparaitre ici et là de rares couleurs vives éclatant en orange ou en vert presque fluorescent. L'utilisation d'un fond orange donne à la peinture tout en nuances de gris une chaleur, un aspect de glaise, et laisse percer dans les ciels des aurores ou des crépuscules. Car tout part de la terre et du ciel, qu'une ligne d'horizon mathématique sépare en deux rectangles irréconciliables. Puis vient la perspective, un alignement d'arcades quasi-abstrait, un bâtiment rectiligne en construction ou un pont d'autoroute qui creusent une profondeur, organisent l'espace dans le classicisme académique de la renaissance italienne.

Une fois le décor planté, celui-ci devient un territoire onirique se peuplant de personnages hyperréalistes étrangement familiers. Les postures empruntent aux codes classiques, comme cet homme assis par terre se reposant sur une colonne, ou un autre se penchant. Pourtant, les interactions sont saugrenues, la direction des gestes exagérés enferme ces personnes qui se retrouvent isolées les unes des autres. Du tableau surgit alors un collage surréaliste d'une inquiétante absurdité. Trois hommes en apesanteur jouent au football, une femme passe avec un chiot noir dans les bras tandis qu'un homme avance en partie masqué par la colonnade, portant un sac en plastique.

Un couple assis à une table, l'homme se penchant comme pour murmurer quelque chose à une femme au regard fuyant, évoquent le répertoire flamand. Mais ce sont les gens que nous croisons tous les jours dans la rue ou le métro, ils portent des t-shirts, des survêtements et des baskets, vêtements dont nous pouvons même reconnaitre la marque. Leurs mouvements fixés dans leur instant le plus démesuré les rendent grotesques et effrayants. Les codes du streetwear rendent insolemment intimes ces hommes, ces femmes et enfants. Une scène de bataille entre deux hommes que d'autres tentent de séparer n'est pas en soi plus violente que les scènes héroïques des tableaux antiques auxquels elle fait référence, mais la proximité des personnages exprimée par leur habillement, leur ancrage dans notre époque rend la représentation agressive, oppressante. S'y mêlent nos propres représentations, nos propres clivages sociaux.

Les mêmes personnes se répliquent de toile en toile, parfois dans une même composition. Ainsi deux femmes dont une porte un bébé font face à un large mur dans une architecture de salles communicantes ressemblant à un musée. Une des femmes apparait à trois endroits différents, comme tentant de s'échapper de cette vacuité de murs nus, de ce musée vierge de toute œuvre.

Dans un décor de fast food Mc Donalds, une foule se mêle sans se voir. Les gestes sont tendus, mais il ne s'y passe rien sinon un homme tentant de retenir un plateau qui se renverse. Chaque action simple et banale, comme manger un hamburger ou lacer sa chaussure, porte une tension furieuse. La scène est une explosion violente alors qu'à bien y regarder, tous les personnage vaquent à leurs tranquilles occupations.

Ces tableaux se révèlent être des photographies de cauchemars immobiles. Ils sont l'image de l'enfer, une éternité de silence et d'immobilité où tous les efforts pour crier, courir ou frapper sont absolument vains.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter la troisième exposition personnelle de Guillaume Bresson dans la nouvelle galerie de la rue du Bourg Tibourg.

Une dizaine de tableaux de différents formats seront présentés sous la verrière de la galerie. A l’origine de ces nouvelles œuvres, Guillaume Bresson trace ex nihilo une série de grilles de perspectives, en déplaçant la ligne d’horizon de manière aléatoire. Ces structures données a priori servent de canevas à l’élaboration des tableaux où au fil de la pratique, des architectures s’élèvent et des corps prennent place. Des amorces de récits émergent et s’articulent rappelant l’esthétique des jeux vidéo et de l’animation 3D tout autant que les mises en scènes de la Renaissance italienne.

Les motifs qui apparaissent sont prélevés dans le réel : des enfants, des femmes, des hommes, des gestes, des objets quotidiens, un terrain de football… Cette iconographie renouvelée s’accompagne d’une expérimentation picturale, une partie des tableaux ayant été peints sur des panneaux de bois, un support rigide que l’artiste n’avait encore jamais exploité.

Une composition donne à voir un ballet de personnages à l’intérieur d’un fastfood comme autant de danseurs d’une comédie musicale. Des décors dépouillés, des no man’s land aux éléments architecturaux sans qualité (avatars postmodernes confinant au pastiche) font apparaître des personnages aux prises avec des non-événements du quotidien : jeune homme revenant du supermarché et transportant un sac de courses, un autre ramassant un emballage au sol, personnages immobilisés dans une attente sans objet. Ces situations peu flatteuses, ces actions dénuées d’héroïsme dans des banlieue-dortoirs où règne l’ennui des classes moyennes, allié à la beauté qui émane cependant d’elles sous le pinceau du peintre, font é ;merger une poétique de la banalité, une esthétique des marges aux résonances Houellebecquiennes.

Ailleurs, la silhouette d’un homme qui se penche donne naissance à l’enveloppe profilée d’un scooter. Le personnage ne fait plus qu’un avec la machine, homme bionique, chimère contemporaine, figure de centaure inversée dont l’apparition dans l’espace du tableau semble découler de lois organiques de la peinture davantage que d’une nécessité narrative. Plutôt que dans la mise en scène d’un récit ordonnateur, le point de vue de l’artiste s’exprime ici dans une façon de peindre le monde qui l’entoure. Guillaume Bresson envisage le sujet comme une construction en train de se faire, interrompue à chaque tableau pour reprendre dans le suivant –une limite vers laquelle on tend. Il nous donne ainsi à contempler « l’aventure d’une peinture » plutôt que « la peinture d’une aventure » actualisant dans le champ pictural la célèbre définition du Nouveau Roman.