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“Rodin” le laboratoire de la création
au Musée Rodin, Paris

du 13 novembre 2014 au 27 septembre 2015 (prolongée jusqu'au 6 décembre 2015)



www.musee-rodin.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 12 novembre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Charles Bodmer, Tête de St Jean-Baptiste sur une sellette, vers 1886.
2/  Charles Bodmer (1854-1934), Jeune mère à la grotte en plâtre, vers 1885.
3/  Jacques-Ernest Bulloz (1858–1942), La Muse Whistler dans l’atelier du Dépôt de marbres, 1908.

 


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Interview de Hélène Marraud, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 12 novembre 2014, durée 13'52". © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Du 13 novembre 2014 au 27 septembre 2015, le musée Rodin nous ouvre les portes de l’atelier du grand sculpteur en dévoilant près de 150 plâtres, modèles, esquisses et essais qui l’ont guidé jusqu’à la finalisation de ses œuvres. De la Porte de l’Enfer à la Muse Whistler, ce sont certaines de ses plus grands chefs-d’œuvre que l’on retrouve ici sous un tout nouvel angle.

Des œuvres en devenir
De ses sculptures, l’exposition, qui se veut chronologique, ne nous donne à voir que des parties, parfois déclinées selon l’inspiration de Rodin, parfois esseulées. Elle s’ouvre ainsi sur une Porte de l’Enfer morcelée mais où déjà l’on retrouve tout le génie de l’artiste. Inspirée de L’Enfer de Dante, elle mélange aux scènes d’angoisse la douceur et la fragilité de l’être humain face à des puissances infernales qui le dépassent et l’asservissent. Ainsi, quand les portants de la Porte montrent des corps tordus, presque suppliciés, qui semblent être peu à peu engloutis dans la pierre contre leur volonté, l’imposant Adam, surhumain par sa taille, n’est que douceur et vulnérabilité, dans sa pose comme dans son expression. Si le sujet se prête certes à la représentation de l’affliction, Rodin sait aussi célébrer ces hommes réels, devenus des héros par leur sacrifice ou leur action sur le monde. Ainsi en va-t-il de ces 6 notables de Calais, partis rendre les clés de la ville à un roi d’Angleterre victorieux, et que le sculpteur met un point d’honneur à rendre plus grands que nature (Monument des Bourgeois de Calais, 1884-1889). Pierre de Wissant, vêtu de sa longue toge, devient grâce aux lignes creusées d’un visage particulièrement expressif l’image même de l’abandon et de la résignation (Pierre de Wissant, ou Le Passant, 1887).

Puis viennent les grands auteurs, les artistes qui, par leurs créations, changent eux aussi à leur façon notre perception du monde. De Balzac et de Victor Hugo, Rodin fait des figures mythiques, les met sur un pied d’égalité avec tous ces héros antiques qui sont traditionnellement les sujets de la sculpture. Balzac, d’abord pensé sous différentes attitudes, s’enroule finalement dans son long manteau d’où seul émerge son visage au regard songeur porté vers le lointain. L’homme disparaît sous l’écrivain, sous la figure imposante du créateur et du démiurge. Victor Hugo subit le même traitement. De son trône un temps installé dans les jardins du Palais Royal, le romancier et dramaturge parait repousser le monde mortel et réel de sa main tendue comme pour mieux s’immerger dans ses pensées. C’est aussi l’homme exilé sur Guernesey que l’on retrouve ici, le visage crispé par une méditation qui n’a visiblement rien de plaisant.

Témoignages d’un processus de création
Les visages, voilà ce sur quoi se portent souvent l’attention et le travail de Rodin. Parties du corps par laquelle passe l’âme de ses personnages sculptés, ils sont déclinés, parfois une dizaine de fois avant qu’enfin apparaisse véritablement l'expression recherchée. D’un modèle en plâtre à l’autre, la différence est parfois minime. Chez Balzac, les traits se plissent à volonté mais ce sont les cheveux, parfois ébouriffés, parfois courts, qui subissent le plus de transformations. Sa sculpture doit-elle être exactement fidèle à la véritable apparence de l’écrivain ? Dans quelle attitude la Muse Whistler rendra-t-elle justice au génie de James McNeill Whistler ? Les six notables du Monument des Bourgeois de Calais passent eux aussi par différentes expressions, preuve que Rodin a longtemps cherché comment rendre à la fois tangible le sacrifice, la résignation mais aussi la détermination de ces hommes. Qu’importe au final le sujet, le sculpteur tente avant tout d’en faire ressortir toute la puissance évocatrice. Cela tient aussi parfois à un geste de la main, à la finesse des doigts, à l’inclinaison du buste ou du cou, retravaillés encore et encore jusqu’à obtenir la parfaite attitude.

En dévoilant ces modèles en terre cuite et en plâtre, l’exposition nous permet non seulement de pénétrer dans l’atelier de Rodin, lieu de recherche et d’essai, véritable laboratoire artistique, mais nous montre aussi un long processus de création. L’œuvre ne jaillit pas ainsi naturellement des doigts du sculpteur mais s’incarne peu à peu alors que se succèdent les tentatives de mettre au jour l’idée qui donnera toute sa force au sujet. Des photographies aux teintes sépia rythment l’exposition, autres vivants témoignages de cette lente évolution, de ces changements qui s’imposent en même temps que la conception de l’artiste s’affine. Quant à nous, nous suivons ainsi le fil de sa pensée d’artiste mais aussi ses interrogations. Ces essais en plâtre marquent donc les étapes vers l’œuvre finale, celle de marbre ou de bronze qui fascine aujourd’hui par leur beauté et par leur puissance évocatrice. « Rodin, le Laboratoire de la création » nous prouve donc une chose : le génie ne peut souvent s’exprimer qu’après un long travail de recherche acharné.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire général :
Catherine Chevillot, directrice du musée Rodin
Commissaires de l’exposition :
Hélène Marraud, chargée des sculptures
Hélène Pinet, responsable de la recherche et des collections de photographies.




L’exposition nous introduit dans le secret de l’atelier du sculpteur, véritable laboratoire de la création et creuset d’une OEuvre.

Un ensemble unique de cent cinquante plâtres et terres cuites souvent inédits, est sorti des réserves à cette occasion. Il permet de suivre le parcours exceptionnel du sculpteur. Le visiteur plonge au coeur du processus de création, invité, par l’exercice de son regard, à percevoir les chemins, les hésitations, mais aussi les fulgurances de la pensée formelle de Rodin.

Porte de l’Enfer, monuments aux Bourgeois de Calais ou à Victor Hugo, Balzac, Muse Whistler… Les oeuvres les plus célèbres et les plus abouties émergent peu à peu de l’esprit et des mains de Rodin, aboutissements d’un travail prodigieux et de très nombreux travaux préparatoires : études et esquisses de terre malaxées vigoureusement, maquettes, épreuves de plâtre moulées en série, puis retravaillées jusqu’à obtenir la version finale… L’oeuvre se construit sous nos yeux, les visages s’animent, les nus prennent position, avant d’être drapés, tandis que les abattis – ces membres séparés du corps (têtes, mains, bras, pied) – sont étudiés comme des morceaux de choix, des gestes isolés, avant d’être réintégrés à l’oeuvre définitive. C’est une véritable profusion créatrice qui s’empare de l’artiste à chaque projet, une efflorescence de l’imaginaire qui explore, sonde, expérimente…

Les séries constituées par les oeuvres définitives, ainsi que par les études et les modèles préalables qui ont présidé à leur conception, seront complétés par des photographies prises dans les ateliers de Rodin, ou retouchées par lui pour affiner son idée, chercher un profil, élaborer ses compositions. C’est donc en quelque sorte le cheminement qui précède le « chef d’oeuvre » qui sera donné à voir.


Parcours de l’exposition

Pendant la rénovation de l’hôtel Biron, le musée Rodin présente les chefs-d’oeuvre de sa collection sous l’angle inédit du travail d’atelier et du geste créateur. C’est dans les ateliers d’Auguste Rodin (1840-1917), où travaillent de nombreux d’assistants, mouleurs et modèles, que l’oeuvre du sculpteur se construit et se déploie dans toute son ampleur. Pour restituer cette atmosphère de travail et d’expérimentation, l’exposition présente près de 140 oeuvres, dont plus de cent plâtres, exceptionnellement sorties des réserves. Proches de la main de l’artiste, ces études, maquettes et œuvres en cours mettent en lumière le processus de création dans son intensité et sa diversité.

De ce « laboratoire de la création » témoignent également les nombreuses photographies que Rodin fait réaliser dans l’atelier tout au long de sa carrière, d’abord pour illustrer les textes de journalistes et de critiques, puis en vue de reproduire et diffuser l’ensemble de son oeuvre. Les photographes professionnels, comme Charles Bodmer, Freuler et Victor Pannelier, Jacques-Ernest Bulloz, et amateurs, comme Eugène Druet, se succèdent dans l’atelier, rendant compte chacun à leur manière de la sculpture de la Rodin et de son environnement.

Rodin ouvre également les portes de son univers à des photographes de l’école pictorialiste, comme Edward Steichen, Stephen Haweis & Henry Coles, qui proposent alors une véritable interprétation de l’œuvre du sculpteur.

Le parcours proposé retrace la carrière de Rodin, des débuts aux importantes commandes publiques : Porte de l’enfer (1880-1900), monuments dédiés aux Bourgeois de Calais (1889), à Victor Hugo (1889-1897, 1901), à Balzac (1898) ou au peintre Whistler (1916, inachevé). Les oeuvres achevées en bronze et en marbre sont à découvrir dans le jardin du musée.