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“L’éclat des ombres” L’Art en noir et blanc des îles Salomon
au musée du quai Branly, Paris

du 18 novembre 2014 au 1er février 2015



www.quaibranly.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 17 novembre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Bracelet, Makira (île), Anneau (ouvert) de fibres végétales tressées sur lequel est accroché, à l'aide d'un lien en fibres, un coquillage poli.
Sparterie : fibres végétales, coquillage. 9,4 x 8 x 4,2 cm, 39 g. © musée du quai Branly, photo Claude Germain.
2/  Emblème funéraire, Nouvelle-Géorgie (île), début 20e siècle. Bois, tridacne, fibres végétales. 75,5 x 45,5 x 2,5 cm, 899 g. © musée du quai Branly, photo Claude Germain.
3/  A Roas bay chief, Malaita, Solomons. Mélanésie. Tirage gélatino-argentique sur papier baryté. 10,2 x 14,8 cm. Photographe : Beattie, John Watt. © musée du quai Branly.

 


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Interview de Magali Mélandri, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 17 novembre 2014, durée 16'39". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Magali Mélandri, responsable de collections Océanie au musée du quai Branly
Conseiller scientifique : Sandra Revolon, ethnologue, Université Aix-Marseille – CREDO




Composé d’environ neuf cents îles et îlots, l’archipel des Salomon situé dans l’océan Pacifique abrite une grande diversité culturelle. Traits stylistiques communs à tout l’archipel, la brillance et le contraste des oeuvres sont le fil conducteur de cette exposition. Les effets visuels lumineux, créés par les éclats de coquillages polis incrustés dans le bois noirci, la poudre de chaux blanche peinte, l’éclat des plumes rouges ou du curcuma orangé sont intimement liés aux notions de prestige et de pouvoir, de relation aux esprits, à la chasse aux têtes, aux cérémonies funéraires et à l’environnement marin.

Les oeuvres emblématiques des iles Salomon – comme les figures de proue des canots de guerre, les reliquaires, les monnaies de plumes ou les armes – sont aujourd’hui bien connues des amateurs. Parcourant les provinces occidentales, orientales et les enclaves polynésiennes, L’ECLAT DES OMBRES présente la façon dont les objets matérialisent, par leurs caractéristiques techniques et visuelles, les relations entre les humains, et entre les humains et les entités non humaines.

« L’oeil non initié ne pourra manquer, en regardant les artefacts traditionnels des îles Salomon, de percevoir les effets visuels des coquillages polis, transformés en parures et monnaies, des contrastes entre la surface brillante de la nacre ou celle éclatante de la chaux de corail et la matité sombre du bois couvert de résine de noix ou de charbon. Ces jeux de contraste visuel renvoient à une multitude de référents culturels. »  Magali Mélandri



La découverte des Iles Salomon


L'archipel des Salomon est situé dans l’océan Pacifique, à l’Est de la Nouvelle Guinée, Les premiers peuplements papous, austronésiens et polynésiens qui se sont échelonnés dans cet archipel, pendant 29 000 ans, furent le creuset d’une grande diversité culturelle.

Partis du Pérou en 1567 à la recherche d’Ophir et Tharsis, lieux mythiques où, selon la Bible, le roi Salomon vint s’approvisionner en or afin d’ériger le temple de Jérusalem, le navigateur espagnol Alvaro de Mendaña y Neira y accoste en 1568. Persuadés à tort d'avoir trouvé de l'or après les premières collectes d’artefacts, les Espagnols baptisèrent l'archipel "Îles de Salomon". Les îles furent ensuite oubliées des routes des explorateurs pendant deux siècles.

En 1788, la disparition de La Pérouse à Vanikoro (Îles Santa Cruz), et la réputation féroce des insulaires décrite dans les récits de voyages occidentaux des 18e et 19e siècles, altèrent le regard européen sur ces sociétés mélanésiennes.

A partir de 1942, les Salomon ont été le théâtre de l’offensive alliée dans la guerre du Pacifique. Nation indépendante depuis 1978, les îles Salomon connaissent, depuis le 19e siècle, l’influence forte du contact avec les administrateurs coloniaux britanniques, les missionnaires, les marchands et baleiniers, les recruteurs de main d’oeuvre forcée (blackbirding) ; influence qui a transformé très tôt la culture matérielle traditionnelle en provoquant mélanges et réinventions.



Parcours de l’exposition

De l’aube au crépuscule, les phénomènes lumineux d'iridescence et de contraste sont omniprésents dans l’environnement maritime des Salomon et sont souvent associés à la présence des « Ombres », les entités surnaturelles ou les esprits puissants des défunts. D’ouest en est, les vivants, en reproduisant ces effets visuels dans la fabrication des objets, cherchent à matérialiser les relations qu’ils entretiennent avec ces esprits des morts et ces entités surnaturelles.

A travers ces objets, la présence des ancêtres se manifeste pour aider les hommes au succès des entreprises majeures: construction d’une maison de chef, d’un canot de navigation en haute mer ou, jusqu’à la fin du 19e siècle, mise à l'eau d’un canot de guerre et lancement d’une chasse aux têtes, mais aussi pêche à la bonite, récolte, initiation, mariage…

Pouvoir et prestige
Particulièrement présents, les ornements corporels et les monnaies sont étroitement liés à la vie culturelle, politique et rituelle. Réalisés à partir de matériaux complémentaires issus du monde de la forêt et du monde marin, leurs surfaces brillantes ou leurs couleurs vives donnent à voir pouvoir et prestige qui sont des valeurs fondamentales pour les sociétés des îles Salomon.

Violence et guerre
Considérés comme une forme d'échanges inscrits dans un système compensatoire, les guerres, les expéditions de chasse aux têtes et les meurtres commandités étaient courants dans l'archipel, jusqu'à la pacification britannique imposée dans les années 1890. Canots, sculptures élaborées - dont les célèbres nguzunguzu au visage prognathe marqueté de nacre de nautile -, armes et charmes magiques participaient de l'efficacité de ces pratiques prédatrices.

Vivants et morts
Comme ailleurs en Mélanésie, la perméabilité entre le monde des Morts et celui des Vivants est caractéristique des sociétés salomonaises. Dans les provinces occidentales et orientales, les reliquaires à crâne permettaient aux vivants de maintenir, au travers de rituels et d'offrandes, les relations avec les défunts, de les enrôler dans l'exécution des actions humaines et de contrôler le pouvoir généré par leur passage à l'état d'ancêtre, appelé mana.

Images et hybridité
Dans les traditions orales des différentes cultures, les esprits des profondeurs des mers se manifestent sous la forme de trombes d'eaux, d'arc-en-ciel ou de rayons de soleil, de requins, bonites, orphies ou frégates, d'êtres hybrides, humains à tête de requin ou d'oiseau. Les hommes entretiennent leur relation à ces entités par des pratiques ritualisées comme le culte de la bonite mais aussi par la réalisation d'objets ou d'éléments d'architecture - linteaux, poteaux de hangar à pirogue - qui donnent corps, sous de multiples formes, à ces esprits dont les vivants souhaitent capter la puissance.