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“Pieter Hugo” Kin
à la Fondation Henri Cartier-Bresson, Paris

du 14 janvier au 26 avril 2015



www.henricartierbresson.org

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 13 janvier 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Pieter Hugo, Green Point Common, Le Cap, 2013. © Pieter Hugo, courtesy Galerie Stevenson, Le Cap/Johannesburg et Yossi Milo, New York.
2/  Pieter Hugo, Ann Sallies, ma nourrice, Douglas, 2013. © Pieter Hugo, courtesy Galerie Stevenson, Le Cap/Johannesburg et Yossi Milo, New York.
3/  Pieter Hugo, La maison des Besters, Vermaaklikheid, 2013. © Pieter Hugo, courtesy Galerie Stevenson, Le Cap/Johannesburg et Yossi Milo, New York.

 


1521_Pieter-Hugo audio
Interview de Pieter Hugo,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 janvier 2015, durée 13'21". © FranceFineArt.
(avec l'aimable traduction de Harold Manning)

 


texte de Clémentine Randon-Tabas, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Un projet plus intime

Ce projet est un peu différent de ceux comme The hyena and other men, qui ont fait connaître Pieter Hugo. Plus intime, ce travail est aussi mieux reçu dans une Afrique du Sud dont la critique d’art est, pour Pieter Hugo, surtout concernée par qui a le droit de représenter. Accusé par le passé de sensationnalisme et d’exploiter l’autre, Pieter Hugo cherche avant tout à donner le désir de voir, tout en partageant honnêtement sa vision personnelle.

Il a conscience que ses images ne sont pas des fenêtres sur la réalité de l’Afrique mais avant tout des créations. Dans de nombreux portraits, les individus blancs ou noirs semblent demander pardon ou du moins vouloir susciter la pitié du spectateur. Mais ces portraits révèlent-ils quelque chose du sujet, du photographe, de la relation entre les deux ou bien encore sont-ils un prétexte à l’expression d’autre chose ?

Adoptant un style hyper réaliste et hyper précis, il passe du public à l’intime dans un constant va et vient. Il s’attache aux détails, à des petits moments ordinaires. Il attribue à son héritage protestant cette envie de voir la beauté dans ces petits riens plutôt que dans le sublime et le sensationnel.


Une Afrique du Sud meurtrie

Si Pieter Hugo ne se fait aucune illusion sur la capacité de la photographie à retranscrire la réalité, il s’attache tout de même à dépeindre sa vision de l’Afrique du Sud. Cette société, il la voit comme schizophrène. Scindée en deux, elle semble marquée par la séparation entre les peuples et les inégalités qui s’amplifient, une situation intenable à long terme pour Pieter Hugo.

Les fissures dans les murs, les déchirures dans les canapés font échos à cette fragilité et aux blessures du passé qui ont marqué le pays. Pour lui c’est à chacun de décider quelle est la part de responsabilité qu’il désire endosser par rapport à ce passé lourd. Tous ces personnages semblent errer dans une espèce d’entre-deux indéfinissable.

Les Sud Africains blancs comme Pieter Hugo qui se sentent Africains mais ne seront pas nécessairement perçus ou reconnus comme tel, et les Sud-Africains noirs qui semblent, dans ces images, exister dans leur pays tout en en étant d’une certaine manière exclus, dépossédés. Chacun semble chercher sa place.

Clémentine Randon-Tabas

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire : Agnès Sire, directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson



« Kin » tente d’évaluer le fossé qui sépare les idéaux d’une société et sa réalité. Pieter Hugo


Du 14 janvier au 26 avril, la Fondation HCB présente Kin (l’intime), le dernier projet du photographe sud-africain Pieter Hugo. À travers des portraits, des paysages et des natures mortes exposés pour la première fois en France, le photographe propose une réflexion sur la complexité de l’identité sud-africaine postapartheid. L’exposition, accompagnée d’un livre publié par Aperture, est coproduite avec la Fondation Foto Colectania, Barcelone et la Galerie Stevenson, Le Cap/Johannesburg.

Réalisée au cours des huit dernières années (2006-2013), la série Kin aborde des thèmes complexes comme la colonisation, la diversité raciale et les disparités économiques en Afrique du sud. Ces questions sont récurrentes dans les projets antérieurs du photographe au Nigeria, Ghana, Liberia et Bostwana ; cependant, Pieter Hugo se concentre cette fois sur son pays natal, qu’il observe de l’intérieur.

Kin est une exploration intime de l’Afrique du sud à travers des paysages, des portraits et des natures mortes. Hugo nous présente des lieux et des sujets qui lui sont familiers comme les townships surpeuplés, les zones minières abandonnées ou la lutte pour les terres agricoles. Il photographie aussi les intérieurs de maisons modestes, sa femme enceinte, sa fille juste après sa naissance et la nourrice qui a travaillé pour la famille pendant trois générations. Alternant espaces publics et privés en se focalisant sur la disparité croissante entre riches et pauvres, Kin est une tentative pour l’artiste de trouver sa place dans un pays à l’histoire complexe et à l’avenir incertain où le poids du passé pèse sur l’histoire collective et individuelle.


“Fracturée, schizophrène, blessée, l’Afrique du sud est un territoire très problématique.

C’est une société où règne la violence ; les cicatrices du colonialisme et de l’apartheid sont encore très profondes. Les questions raciales et identitaires pénètrent toutes les couches de la société, et les conséquences de la ségrégation forcée jettent une ombre indélébile. Comment peut-on vivre dans cette société ? Comment endosser la responsabilité de l’histoire passée et dans quelle mesure doit-on le faire ? Comment élever des enfants dans une société si conflictuelle ? Avant d’être marié et d’avoir des enfants ces questions ne me gênaient pas ; maintenant elles m’interpellent.

Il y a environ 8 ans, j’ai commencé à photographier autour de cette notion de terre natale (home), quel que soit son sens, d’un point de vue public et privé. Regarder son pays avec un oeil critique c’est se regarder soi-même et regarder son prochain. C’est ressentir le poids de l’histoire et comprendre le rôle que chacun y joue. C’est observer sa propre relation avec ses proches, c’est voir les liens tenus qui nous unissent et nous divisent. « Home », cette terre natale, c’est le lieu où appartenance et aliénation coexistent. Est-ce que cette appartenance nous libère ou nous emprisonne ? Est-ce qu’elle nous rattache au poids terrible de l’histoire ou bien est-ce qu’elle nous en délivre?

J’ai des sentiments très complexes sur le fait de vivre ici. Depuis 8 ans, je ne me sens guère plus avancé sur ces questions. Au contraire, je suis encore plus confus et encore plus en désaccord avec « my home ». Ce travail se heurte à ce dilemme, mais échoue finalement à donner des réponses.”




Biographie
Né à Johannesburg en 1976, Pieter Hugo grandit au Cap, où il réside toujours. Autodidacte, il commence à s’intéresser à la photographie à 12 ans lorsqu’il reçoit son premier appareil photo alors que la fin de l’Apartheid est proclamée en Afrique du sud. L’émotion et la peur ambiantes le poussent à photographier ce qui l’entoure. Dans un premier temps, il travaille comme photojournaliste mais se dirige rapidement vers une photographie plus personnelle.
Pieter Hugo a réalisé d’importants projets accompagnés de livres comme There’s a place in hell for me and my friends (2011-2012), Permanent error (2010), Nollywood (2009), The hyena and other men (2005-2007), Portraits of people with albinism (2003) ou Rwanda: Vestiges of a genocide (2004). Son travail a été exposé dans les musées du monde entier et il a reçu de nombreux prix photographiques comme le Premier Prix du World Press Photo dans la catégorie portraits (2005) ou le Prix Découverte des Rencontres d’Arles (2008). En 2011, il reçoit le Prix Seydou Keita des Rencontres de Bamako.