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“Léa Habourdin & Thibault Brunet” Les immobiles
au Bal, Paris

du 14 au 25 janvier 2015



www.le-bal.fr

carteblanchepmu.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 13 janvier 2015.

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© Léa Habourdin et Thibault Brunet, Carte blanche PMU (2014) / LE BAL.

 


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Interview de Léa Habourdin & Thibault Brunet,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 janvier 2015, durée 15'45". © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Pour la cinquième année consécutive, la Carte Blanche PMU présente ses lauréats. Un duo – une première – de photographes, Léa Habourdin et Thibault Brunet, qui en trois procédés retranscrivent par morceaux l’univers des bars PMU, leur atmosphère mais aussi leur humanité.


Deux artistes, trois méthodes

Approcher le monde des parieurs, en saisir la tension pleine d’attente tout en découvrant ce qui se cache derrière ces turfistes suspendus aux résultats des courses, voilà ce qui a conduit Léa Habourdin et Thibault Brunet dans les bars PMU du Pas-de-Calais. Deux photographes pour deux approches et de méthodes différentes et pourtant parfaitement complémentaires. Imprimées sur du papier mat qui rend les noirs profonds et les blancs presque opalescents, les photographies de Léa s’attardent sur les hommes et les femmes qui hantent ces lieux de paris. Deux mains qui feuillètent une grille de paris ou deux jambes croisées sous une chaise où se révèlent les plis de la chair suffisent à traduire l’attente immobile. Sur le comptoir, une unique tasse blanche solitaire récemment vidée de son contenu rappelle le passage du temps, l’impatience contenue avant que les résultats ne tombent. Comme tronquées par son regard – qui se concentre sur les détails – les photographies de Léa approchent l’humain au plus près. Celles de Thibault, réalisées par une caméra de console de jeu qui reproduit son environnement en 3D, offrent alors une autre perspective. Ce sont les intérieurs des bars, leurs murs blancs ou gris et leurs lumières enfumées, qui se révèlent et puis se délitent, comme figurés par une armée de pixels. Tables et chaises paraissent floues, évoluant dans des tons gris, et les images, abstraites.

Puis vient la troisième méthode, le piège photographique, mis en place grâce à un appareil détectant les mouvements et la chaleur. Les photographies prisent à la suite forment alors comme de vrais petits films en couleurs auxquels il manquerait néanmoins des plans. On y voit deux mains qui saisissent une boite à lunette sur un comptoir, ou encore deux pieds dont les mouvements devant la porte du bar semblent opérer des pas de danse. Immobile, le parieur ne l’est pas complètement. Les hommes et les femmes, toujours mystérieux, toujours inconnus, prennent vie, s’animent, se rencontrent devant les tables de stuc pour parler de tout, de rien peut-être. Car les bars sont aussi des lieux d’échange qu’il est certes parfois difficile d’apprivoiser mais qui savent s’ouvrir à ceux qui s’efforcent de les comprendre.


Des hommes, des courses, des histoires

Par ces trois méthodes, Léa Habourdin et Thibault Brunet dévoilent un monde immobile et parcellaire mais vivant. Des rituels et de la répétition des mêmes gestes, de l’activité même de parier et d’attendre dans l’anxiété les résultats, nous ne verrons au final pas grand-chose. C’est l’être humain, avec ses histoires ordinaires et extraordinaires, qui est le sujet de ces photographies dont se dégage par ailleurs une véritable tendresse. Au plus près de ces parieurs, les deux artistes capturent non seulement leur présence, imposante sur ces grands tirages en papier mat, mais aussi leur intimité. Tel est le cas de cet homme qui offre complètement son visage, regardant directement l’objectif de l’autre côté de ses lunettes embuées. Il sera le seul, les autres se dissimulant comme par timidité derrière un torchon immaculé tendu tel une toile devant notre regard ou bien même derrière un arc pointé vers le ciel. Pleines de mystère, les photographies permettent aussi de laisser libre cours à l’imagination. À qui appartiennent ces jambes devant le comptoir et surtout quel état d’esprit trahissent-elles, surtout dans ce monde où l’on joue tout de même de l’argent ? Quant aux reconstitutions en 3D, elles ajoutent à l’énigme alors que leurs formes se fondent les unes dans les autres et qu’il faut patiemment déchiffrer.

Et puis, il y a ces pigeons en plein vol, silhouettes grises sur un fond gris, ou délicatement tenus entre deux mains burinées dont le possesseur ne se dévoilera jamais. Car loin des bars PMU, Léa Habourdin et Thibault Brunet sont allés explorer la passion d’un homme pour les courses de pigeons, autre forme de défi, autre forme de jeu. Les photographies s’ouvrent alors sur l’espace, comme pour mieux se libérer après l’atmosphère enfumée et close qui domine dans les autres œuvres en gros plan. Alors comme l’oiseau qui s’envole, le spectateur prend une grande inspiration. Et c’est aussi le souffle du turfiste qui, une fois les résultats de la course tombés, qu’ils soient bons ou mauvais, peut laisser s’échapper la tension qui l’a maintenu immobile et se remettre en mouvement

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Exposition de la carte blanche PMU 2014



« Bien qu’ayant toujours fait partie de notre paysage, le café PMU évoquait un monde lointain et abstrait vaguement incarné par des images éparses glanées au fil des ans : lieux enfumés où évoluent quelques spécialistes affairés, noms de chevaux sonnant comme des aphorismes abstraits, files d’attente au guichet...
D’emblée il nous est apparu évident de partir de ces images mentales plus ou moins fantasmées et, loin de tout relevé documentaire, d’opter plutôt pour la métaphore et l’onirique.

Nous avons donc passé deux mois en immersion dans des petites villes du Pas-de-Calais, allant chaque jour au Rallye, au Café du Rond-point, à L’Alhambra, à La Cravache d’or, au Gallia. Dans ces cafés, nous avons appris comment jouer, comment décrypter le journal des courses, comment gagner et comment perdre, les joueurs nous ont conseillés, se sont gentiment moqués de notre ignorance, se sont parfois agacés de nos questions. Nous avons écouté les histoires de chacun, récits parfois surréalistes ou tragiques échangés comme ça, vite fait, au comptoir, comme si de rien n’était. Nous avons été témoins des bons coups, des intuitions géniales, du cheval-miracle, des gains trop rares et des jours sans. Bref, nous avons partagé la vie des turfistes. Sans modération. Les histoires de chasse, les chiens dociles, les blagues à deux balles, les coups de sang, les coups de foudre, le tir ont fait partie de notre vie jour après jour. C’est ainsi que nous sommes devenus des habitués, des amis.

Un jour, un éleveur de pigeons voyageurs nous a montré son pigeonnier, à quelques mètres du pmu, nous expliquant les compétitions, nous montrant ses meilleurs pigeons, des athlètes. Nous étions propulsés dans un monde de course, de vitesse, de précision... Puis nous avons dû quitter les lieux, ce monsieur était en effet en liberté conditionnelle et portait un bracelet à la cheville, « Je suis bagué comme mes pigeons, nous a-t-il dit, je dois rentrer le soir ».

C’est dans cette brèche, ce lien ténu, fragile et tragique qui existe dans ce monde de courses, d’argent perdu, d’argent gagné, d’échanges avec l’ami de comptoir, c’est dans cette brèche entre l’animal en mouvement perpétuel et le joueur immobile, tendu vers lui, entre l’animal dehors et l’homme dedans que nous nous sommes jetés. Montrant les pigeons de course comme s’il s’agissait de chevaux, comme s’ils incarnaient, à eux seuls, la métaphore que nous cherchions.

C’est munis d’un piège photographique, d’une caméra de console de jeu et d’un appareil compact argentique que nous avons travaillé.

Le piège photographique est un outil d'observation du monde dit sauvage, utilisé par les chasseurs ou les biologistes. Son capteur infrarouge détecte le mouvement et la chaleur et son capteur d’image se déclenche chaque fois que quelqu’un ou quelque chose passe dans son rayon. Posé ici ou là dans un PMU, il va se déclencher en moyenne toutes les 4 secondes. Il permet des cadrages proches, au ras du sol, derrière le bar, dans une boîte. C’est un travailleur solitaire, une fois posé là tout le monde l’oublie et lui, il enregistre ce qui advient, en courtes séquences.

La caméra de console de jeu elle aussi est dotée d’un capteur infrarouge mais pour scanner en 3D. Elle sert habituellement à détecter le corps d’un joueur qui bouge devant la télé pour reproduire ses mouvements au sein du jeu. Associée à un logiciel adéquat, elle scanne et transmet des fragments d’espace, des objets ou des bouts d’architecture : guichets, coins de salles, néons… Tous flottant dans la page. Ils ont l’air d’avoir été dessinés, de sortir d’un croquis préparatoire à une huile sur toile. Les contours sont francs mais la matière s’étiole par endroits, laissant apparaître par transparence le fond de l’image. L’empreinte du décor des PMU devenue fragile, instable, évanescente.

Enfin l’appareil argentique perçoit les gestes trop brusques, s’émeut d’un drapé de blouson, d’un reflet dans un portefeuille en cuir, de chevilles croisées l’une sur l’autre, il montre la chair, l’environnement clos, l’air chargé d’impatience.

Les Immobiles est un projet mythologique, une danse entêtante. Les archers y sont comme des gardiens, les oiseaux comme des hommes libres et les turfistes évoluent au milieu d’un espace qui se volatilise doucement. De cet ensemble de prises, d’images volées, d’images scannées, de vidéos scandées en ressort un monde qui touche, qui émeut, un monde que nous avons aimé. »

Léa Habourdin et Thibault Brunet




Le livre : Les immobiles / Léa Habourdin et Thibault Brunet - Filigranes Editions

« Vous irez tous les trois à Paris, pour fêter les dix ans de votre amour, les cinq ans de votre enfant. Vos pas vous mèneront à la rue des Prêteurs, tu y chercheras une boutique, ou plutôt un atelier, et au numéro trois, tu liras une enseigne à moitié effacée taxi... taxiquelquechose, mais les dernières lettres seront effacées. Un couple de colombes viendra y roucouler et Olive montrera les oiseaux à votre bambin, blond et bouclé ou brun, qui sait? - et lui dira, regarde, là-haut, regarde, regarde... Mais pour l’instant, vous buvez un diabolo citron, et vous vous demandez comment faire connaissance. » Agnès Desarthe, extrait de la nouvelle Le Questionneur

Un ouvrage conçu par Whitepapierstudio et co-édité par LE BAL et Filigranes.




Léa Habourdin, née en 1985, a grandi dans le nord de la France et a étudié l’estampe et le dessin à l’Ecole Supérieure d’Art et Industries Graphiques ESTIENNE à Paris puis la photographie à l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles. Dans son travail, elle s’intéresse à ses contemporains par le prisme d’une approche scientifique mêlée à l’observation de l’intime. En 2011, la série Cahier de doléances, exposée lors des rencontres d’Arles, a reçu le Prix du jury des Boutographies (Rencontres photographiques de Montpellier) et la Bourse du Talent. En 2013, son travail Preuves objectives I : notes sur l’attraction est présenté pour la première fois au Lianzhou foto festival. En 2014, elle expose Cahiers de doléances à Berlin dans la galerie EXP 12. Ce travail donnera naissance en janvier 2015 à la publication Les Chiens de Fusil.

Thibault Brunet né en 1982, est titulaire d’un Master de l’école Supérieure des beaux-arts de Nîmes. En 2008, sa première série, Vice City, réalisée à partir d’un jeu vidéo, fait partie de l’exposition reGeneration 2 : Photographes de demain, au musée de l’Elysée de Lausanne. En 2012, ses travaux Vice City et FPS sont exposés simultanément pendant les Mois de la Photo à Paris (Galerie Binöme), Berlin (Computer Spiele Museum) et Vienne (MUSA). Récemment, ses dernières séries, First person shooter et Landscapes, ont été publiées et exposées parmi les Talents FOAM 2013 et présentées dans le cadre de la 12ème biennale de Lyon. En 2014, il participe à la mission photographique France(s) Territoire liquide exposée au Tri Postal à Lille. Thibault Brunet est représenté par Galerie Binôme à Paris et Heinzer-Reszler à Lausanne.




PMU, un engagement envers la photographie et la création contemporaine, depuis 2009.

« Avec la Carte blanche, le PMU et LE BAL donnent à de jeunes artistes la possibilité d’apporter un regard nouveau et libre sur un univers qui leur était a priori étranger. Après Malik Nejmi, Mohamed Bourouissa, Olivier Cablat et Kourtney Roy, le travail de Léa Habourdin et Thibault Brunet est à l’honneur. Cette édition de la Carte blanche PMU, conçue avec LE BAL, nous a donné l’occasion de réunir un jury dont le regard exigeant nous permet d’affirmer un peu plus notre engagement dans la photographie et la création contemporaine et d’ouvrir l’entreprise à de nouveaux territoires d’exploration. » Benoît Cornu, Directeur de la communication du PMU

Léa Habourdin et Thibault Brunet ont été sélectionnés pour la Carte blanche PMU 2014, par les membres du jury : Paula Aisemberg, Directrice de la Maison Rouge, Jacqueline d’Amécourt, Présidente du Comité d’honneur du IACCCA (International Association of Corporate Collections of Contemporary Art), Valérie Belin, artiste, Clément Chéroux, Conservateur au Centre Pompidou - Chef du cabinet de photographie, Diane Dufour, Directrice du BAL, Nicolas Ferrand, collectionneur, Fondateur du Quotidien de l’Art, Malik Nejmi, photographe, lauréat Carte blanche PMU 2010, Benoît Cornu, Directeur de la communication du PMU, Philippe Germond, Président Directeur Général du PMU.

Le PMU, opérateur de paris hippiques, sportifs et de poker, a souhaité s’associer dès 2009 à la création du BAL, lieu d’exposition dédié à l’image document, installé dans ce qui fut le plus grand PMU de France jusqu’en 1992.