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“Ghost of a Dream” Gone the sun
à la Galerie Paris-Beijing, Paris

du 7 février au 14 mars 2015



www.galerieparisbeijing.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage en présence des deux artistes - Ghost of a Dream, le 7 février 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Ghost of a Dream, Tragedy sunset, 2013. 67x100 cm, encre sur papier (détail).
2/  Ghost of a Dream, Day is done, 2013, installation vidéo constituée de 28 téléviseurs. Day is Done est une archive digitale constituée de couchers de soleil collectés dans des films hollywoodiens. La scène du coucher de soleil est ici organisée par couleur et sujet. Les téléviseurs sont reliés entre eux grâce à l’alignement de l’horizon présent dans chacune des vidéos. Le coucher de soleil est synonyme de changement, d’espoir et de romance. C’est le moment où la nuit prend place et le jour s’éteint.
3/  Ghost of a Dream, Dream ride, 2010. 110x220x414 cm, bois, plexiglass et tickets de loterie glanés.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Sur les images scintillantes des tubes cathodiques de téléviseurs alignés tournent en boucle de courtes séquences d'une à plusieurs secondes. Des dizaines de soleils plongent et replongent dans des océans, des déserts, des montagnes ou dans l'infini d'une route. les écrans sont disposés sur un socle de bois creusé de marches inégales de sorte à aligner les images de crépuscules en une ligne d'horizon continue.

Ces tableaux mouvants sont tirés de films hollywoodiens. On y reconnait les thèmes récurrents d'une machine à rêves dont la familiarité nous apparait soudain indécente voire obscène. Hélicoptères filant sur les vagues, motard roulant vers l'horizon, cow boys, zoom sur le soleil dans les branches d'un arbre, plages vues et revues font surgir dans nos mémoires les films et séries dont nous nous sommes tant abreuvés. La standardisation de ces tableaux tient en une palette de couleurs unique: jaunes, oranges crépusculaires et un peu de bleu violacé, découpés par une silhouette noire en contre jour. Voir à quel point tous ces clichés sont identiques devient pathétique et fait naitre un sentiment de honte à tant partager ce rêve insipide.

Le rêve, c'est la matière que travaille le couple d'artistes Ghost Of A Dream. Lauren Was et Adam Eckstrom ne s'intéressent pas à leurs propres rêves mais à ce qu'ils appellent 'le rêve de tout le monde'. Ils collectionnent des images communes, comme ces cartes postales de vacances qu'ils découpent et mélangent pour mieux en montrer l'uniformisation kitsch. Toujours les mêmes couchers de soleil, les plages, les silhouettes sombres de palmiers véhiculant les mêmes témoignages d'un court moment de bonheur. La ligne d'horizon est la fine frontière entre le jour et la nuit, le réel et le fantasmé, comme le moment où les lumières se rallument dans la salle de cinéma une fois le film terminé. Toucher ce moment revient à s'interroger sur notre faim jamais rassasiée de nous replonger dans une imagerie du bonheur préfabriqué et la difficulté d'assumer nos propres représentations, de générer nos propres rêves.

Des cartes à jouer de casino couvrent des panneaux d'un arc en ciel horizontal. Des miroirs aux extrémités en démultiplient l'image à l'infini et en font un mur multicolore interminable. Evocation de la large part que tient l'enrichissement matériel dans nos rêves, ce mur comme horizon infranchissable sonne une mise en garde face à notre arrogance et nos fols espoirs de fortune. Pourtant, c'est avec une ironie plutôt joyeuse, un éclat de rire sympathique et moqueur que cet avertissement nous est donné.

L'ironie vient s'écrire dans des simples oppositions de vocabulaire, comme ce collage de courts plans extraits de films où d'un côté les acteurs répètent un unique mot: 'yes' tandis que sur l'écran adjacent d'autre leur répondent 'no' dans un dialogue sans issue. Dans les teintes réglementaires du cliché touristique, du jaune s'embrasant de rouge au violet, le mot 'desire' est écrit d'une texture faite d'un autre mot écrit des centaines de fois au feutre: 'regret'. Sur des lignes d'écriture successives, 'the beginning' se répète pour former les caractères d'un immense 'the end'.

Gone the Sun pose avec une amicale simplicité des questions troublantes sur la nature de nos désirs et notre courage à les reconnaitre pour ce qu'ils sont. Il y chez ces deux artistes un rare mélange d'ironie parfois cruelle et de bienveillance, une joie communicative à créer et à partager.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Un an après l’exposition Day is done à Bruxelles, la Galerie Paris-Beijing est heureuse d’accueillir Ghost of a Dream à Paris pour montrer leur nouveau projet : Gone the Sun. Les titres des deux expositions reprennent les paroles de l’hymne militaire américain Taps (« Day is done, gone the sun… God is nigh ») et annoncent l’ironie et l’humour mordant de ce duo d’artistes new-yorkais, né de la collaboration entre le sculpteur Lauren Was et le peintre Adam Eckstrom. Ghost of a Dream explore et documente les aspirations futiles et les rêves matérialistes d’une société contemporaine constamment en quête d’évasion et de renouveau.

Depuis des années, Lauren et Adam collectent et accumulent des quantités innombrables d’objets obsolètes, tels que des coupons à gratter ou des billets de loterie, des cartes de baseball, des romans d’amour, des trophées, des cartes postales ou encore des « nudie cards ». Ces objets porteurs d’espoir et de réconfort animent leurs oeuvres à grande échelle, soient-elles des installations vidéo, des sculptures, des dessins, ou encore des collages.

Certaines oeuvres, comme Dream Ride (2010) - une Lamborghini en bois entièrement recouverte de billets de loterie usagés - évoluent autour des promesses de richesse et d’investissements infructueux dans un système aussi aléatoire que celui des jeux de hasard. D’autres, comme Tragedy Sunset (2013), ironisent un peu cyniquement sur les rêves et les coeurs brisés, nous rappelant la dimension éphémère d’un romantisme qui porte souvent en soi les germes du drame. En observant de près ce beau dessin représentant un coucher de soleil, nous remarquerons qu’il révèle une pléiade de lignes multicolores formant le mot « tragedy ».

Pour leurs installations vidéo Day is done (2013) et Gone the Sun (2014) , Lauren et Adam ont patiemment visionné une multitude de films hollywoodiens afin d’obtenir une archive digitale complète de couchers de soleil, ces clichés indiscutables de l’amour parfait si bien magnifiés dans les comédies romantiques. Une panoplie d’horizons baignés d’une lumière orangée apparaît ainsi en boucle sur un ensemble d’écrans de vieilles télévisions. À travers la critique du rôle que les médias jouent dans la société de consommation avec la création et la fermentation de nos désirs et nos fantasmes, les oeuvres de Ghost of a Dream agissent comme une sorte de miroir sur les comportements, les espoirs et les confiances mal placées d’une époque où, à force de courir après des richesses et des bonheurs faciles, on oublie d’être heureux.




Nés aux Etats-Unis, Lauren Was et Adam Eckstrom se sont rencontrés à la Rhode Island School of Design où ils ont obtenu respectivement un Master en sculpture (2004) et un Master en peinture (2005). Leur collaboration commence en 2006 autour de la question: « à quoi rêvons-nous lorsque nous achetons un billet de loterie ? »

lls fondent Ghost of a Dream en 2007 et un an plus tard, ils conçoivent leur première pièce The Dream Car de la série Easy Money. Leur travail a été présenté en Europe, en Chine et aux Etas-Unis, notamment au Hunterdon Art Museum, (2012) ainsi que au Courtauld Institute of Art (2009). lls comptent des parutions dans The Guardian, The Independent, Time Out, ainsi que sur le prestigieux ArtForum.com.

Ghost of a Dream a participé à des programmes de résidences en Allemagne, en Suisse, en France et aux Etats-Unis. Leur collaboration a été subventionnée par la fondation Pollock-Krasner en 2013 ainsi que par la Jerome Foundation. Ils ont aussi remporté le premier prix des Young Masters Art à Londres en 2009.