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“Chercher le garçon” Une exposition collective d’artistes hommes
au MAC/VAL, musée d'art contemporain du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine

du 7 mars au 30 août 2015



www.macval.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 5 mars 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Pierre Molinier, Luciano Castelli, 1975. Photographie noir et blanc, ensemble de 4 photographies, 17,7 x 12,7 cm sans cadre (42 x 32 cm avec cadre). Collection Frac Aquitaine. © Adagp, Paris 2015. Photo © Frédéric Delpech.
2/  Dan Finsel, The Space Between You and Me, 2012. Vidéo, 28’54’’. Courtesy l’artiste et Richard Telles Fine Art, Los Angeles.
3/  Michel Journiac, Hommage à Freud, constat critique d’une mythologie travestie, 1972 - 1984. Installation photographique, ensemble de quatre tirages au gélatino-argentique sur toile, 250 x 200 cm, (110 x 90 cm chacun). Photo © Jean-Luc Lacroix Musée de Grenoble – 2005. Collection Institut d’art contemporain, Villeurbanne, Rhône-Alpes. © Adagp, Paris 2015.

 


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Interview de Frank Lamy, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, au Mac/Val, le 5 mars 2015, durée 7'35". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Pour commencer l'année célébrant ses 10 ans, le MAC VAL réunit les œuvres d'une centaine d'artistes hommes autour de la question de la masculinité. L'installation est conçue comme un grand chantier, un espace en mouvement dont l'aspect provisoire souligne qu'il n'est qu'un forum où s'échangent questions et réponses, constructions et déconstructions.

Comme l'illustre Ion Grigorescu dans sa vidéo d'un combat de boxe contre lui-même, la recherche de nouvelles propositions de masculinité est une lutte intime, profonde. L'image stéréotypée du viril est inscrite durablement dans la domination, non seulement sur les femmes mais sur les hommes qu'elle emprisonne également dans le rôle du dominant. Ces clichés autant féminins que masculins se voient démontés jusqu'à en exposer la vulgarité. Des hommes reproduisant les poses d'une actrice porno glanés dans les pages d'un magazine ou se mettant en scène comme épouse modèle des années 60 ne se contentent pas de mettre à nu le ridicule de fantasmes préfabriqués mais formulent une proposition révolutionnaire: leurs corps ordinaires, si éloignés de l'image du corps parfait et de ses standards synthétiques, s'affirment comme une alternative concrète et émancipatrice.

Hubert Renard et Joël Hubaut usent de déguisements et se mettent en scène dans des tableaux absurdes, poussant les clichés jusqu'à leur point de rupture. Qu'ils soient biker, mousquetaire, 'bon sauvage', taliban dans un désert jonché de knackis, les images produites forment un album photo iconique. Ce catalogue de clichés à bon marché devient une arme de dynamitage massif de nos représentations désuettes.

Au-delà d'une confrontation des genres, c'est à leur fusion que travaille Genesis Breyer P-Orridge avec son concept de pandrogynie: une convergence des sexes au sein d'un même être jusqu'à un point de rencontre fusionnel. Pippa Garner se marie avec son double, jouant les deux rôles dans une esthétique télévisuelle pailletée. La reconstruction du masculin est une réintégration du féminin dans l'effacement des antagonismes.

Jean-Baptiste Ganne aligne coupes et trophées se ramollissant, évocation d'un sexe masculin défaillant. La réinvention du masculin passe par l'abandon de l'obligation de performance, de productivité. Les réveils filmés de Pierrick Sorin sont autant d'échecs à se conformer à une norme de mâle dominant, dynamique et triomphant. Dans Three Stones, Antti Laitinen aligne 3 pierres trouvées après avoir creusé respectivement 7 minutes, 7 heures et 7 jours. La démonstration est efficace, les trois cailloux sont identiques, leurs valeurs sont celles que les conventions sociales en vigueur leur prêtent avec notre assentiment.

Dans l'installation lumineuse de Philippe Ramette, une ombre, silhouette statuesque, semble s'échapper d'un costume abandonné au sol. Le mouvement de libération apparent se voit contredit par les galbes parfaits de la silhouette qui évoquent un archétype classique. S'évader d'un stéréotype n'est que le premier pas d'une émancipation, il reste à accomplir le courageux geste créatif de se façonner sa propre identité.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Frank Lamy, Chargé des expositions temporaires au MAC/VAL



Pour le premier grand rendez-vous de la programmation de l’année de ses 10 ans, le MAC/VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne présente une exposition thématique pluridisciplinaire.

Qu’est ce qui définit la masculinité aujourd’hui ? Et comment proposer des alternatives à la figure du mâle dominant dans la société patriarcale ? Pour répondre à ces questions, le commissaire Frank Lamy invite plus de cent artistes hommes, autant de pistes de réflexion autour des modèles culturels de la représentation masculine… de quoi faire tomber certaines idées reçues, aussi tenaces que fragiles. De l’acception de soi et des autres.




Ils aiment parler des femmes, les hommes. Ça leur évite de parler d’eux.
Comment expliquer qu’en trente ans aucun homme n’a produit le moindre texte novateur concernant la masculinité ? Eux qui sont si bavards et si compétents quand il s’agit de pérorer sur les femmes, pourquoi ce silence sur ce qui les concerne ?
Car on sait que plus ils parlent, moins ils disent ?
De l’essentiel, de ce qu’ils ont vraiment en tête.
[…]
De quelle autonomie les hommes ont-ils si peur qu’ils continuent de se taire, de ne rien inventer ? De ne produire aucun discours neuf, critique, inventif sur leur propre condition ?
À quand l’émancipation masculine ?
À eux, à vous de prendre votre indépendance.

Virginie Despentes, King Kong Theory, Grasset, 2006, pp152 - 154.




L’exposition “ Chercher le garçon ” réunit une centaine d’artistes mâles qui, d’une manière ou d’une autre, interrogent et déstabilisent les modèles établis. Rejetant tout autoritarisme, questionnant les valeurs traditionnellement associées à la masculinité (efficacité, autorité, héroïsme, conquête, force, etc…), les oeuvres rassemblées proposent toutes des stratégies de résistance et de redéfinition du paradigme masculin. Le masculin y est mis en questions dans toute sa plasticité. L’anthropologie nous a appris que la différence minimale et irréductible entre le mâle et la femelle tient dans les différentes places occupées dans la chaîne de procréation. Le reste est construction sociale, ancré et dépendant des lieux, des époques, des cultures.

Privilégiant la lenteur, la chute, l’échec, l’invisible, jouant des codes de représentation de l’idéal masculin qui selon Georges L. Mosse “ imprègne toute la culture occidentale ”*, mettant en crise toute une histoire utopique et moderniste de l’art, questionnant ainsi les place et fonction de l’artiste, ces oeuvres font bégayer l’histoire de l’art, et se situent plutôt du côté du mineur (Gilles Deleuze) et des révolutions moléculaires chères à Félix Guattari. L’exposition développe une approche tournée vers des artistes et des oeuvres que l’on peut appréhender à partir des théories et postures féministes depuis les années 60. Ou comment le féminisme, envisagé comme une entreprise de déconstruction des systèmes de domination de tous ordres, irrigue la création contemporaine dans une perspective nécessaire d’ancrage de l’art dans un espace de réflexion et d’analyse du réel contemporain.

Dans son introduction à l’ouvrage de Carla Lonzi, Autoportrait (1969, JRP/Ringier 2013), Giovanna Zapperi formule l’apport des études féministes à l’histoire de l’art comme le passage de “ l’énoncé d’un moi autoritaire à l’expression d’un sujet multiple et fragmenté ” (p.18). Elle poursuit : “ Produire de la connaissance à partir de l’expérience subjective est un des traits distinctifs des pratiques féministes. ” (p.30) qui s’ancre dans “ le récit de soi, la primauté de la subjectivité et le plaisir de la conversation ” (p.12). Les oeuvres ici rassemblées ressortent de cette dynamique : les artistes s’y expriment à la première personne du singulier, prenant en charge la narration de leurs propres subjectivités. Car, comme l’écrit Virginie Despentes : “ Le féminisme est une révolution, pas un réaménagement des consignes marketing […]. Le féminisme est une aventure collective, pour les femmes, pour les hommes, et pour les autres. Une révolution, bien en marche. Une vision du monde, un choix. Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air. ” Op.cit, p. 156.

Si l’on considère le féminisme comme entreprise théorique et pratique de résistance à TOUTE forme de domination, si l’on considère que le patriarcat et la masculinité hégémonique sont des formes idéologiques à combattre, alors, il semble important et urgent de se questionner sur le masculin. De le déconstruire. Et d’ouvrir un espace où les hommes parleraient d’eux-mêmes et de leur condition, en toute conscience.

Il ne s’agit pas, bien évidemment, de régler la question - l’exposition est partielle, partiale et subjective, mais, bien au contraire, d’amorcer une réflexion que l’on espère fertile. L’exposition se veut plurivoque, voire même contradictoire. Les oeuvres y sont critiques, distanciées, analytiques. Il y est question d’images, de représentations, de déconstructions, de plasticités, de corps. Constatant une similarité entre la figure de l’artiste moderne (génial, utopique, conquérant, novateur…) et celle du mâle dominant, il s’agit de les interroger dans un même mouvement. On y trouve des attaques en règle contre les figures et formes d’autorité, explorant la plasticité des corps, théâtres des forces idéologiques en présence.

Frank Lamy

* Georges L. Mosse, L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne, 1996, édition française Abbeville press 1997, p. 11.


Artistes présentés dans l’exposition :
Soufiane Ababri, Vito Acconci, Boris Achour, Bas Jan Ader, Stéphane Albert, Dove Allouche, Carlos Amorales, David Ancelin, Kader Attia, Faycal Baghriche, Gilles Barbier, Taysir Batniji, Jérémie Bennequin, Patrick Mario Bernard, Tobias Bernstrup, Jérôme Boutterin, Genesis Breyer P-Orridge, Alain Buffard, Chris Burden, André Cadere, Maurizio Cattelan, Brian Dawn Chalkley, Nicolas Chardon, Nicolas Cilins, Claude Closky, Florian Cochet, Steven Cohen, John Coplans, Didier Courbot, Christophe Cuzin, Denis Dailleux, Sépa`nd Danesh, Alain Declercq, Dector & Dupuy, Brice Dellsperger, Noël Dolla, Olivier Dollinger, Thomas Eller, Simon English, Simon Faithfull, Dan Finsel, Charles Fréger, Jean-Baptiste Ganne, Pippa Garner, Jakob Gautel, Douglas Gordon, Tomislav Gotovac, Rodney Graham, Ion Grigorescu, Alain Guiraudie, Joël Hubaut, Charlie Jeffery, Pierre Joseph, Michel Journiac, Dorian Jude, Jacques Julien, Jesper Just, Meiro Koizumi, Jiri Kovanda, Antti Laitinen, Alvaro Laiz, Matthieu Laurette, Leigh Ledare, Pascal Lièvre, MADEleINe ERIC, Robert Mapplethorpe, Jean-Charles Massera, Florent Mattei, Emilio Lopez-Menchero, Théo Mercier, Pierre Molinier, Kent Monkman, Jacques Monory, Yasumasa Morimura, Laurent Moriceau, Ciprian Mureşan, Bruce Nauman, Krzysztof Niemczyk, Oriol Nogues, Christodoulos Panayiotou, Carlos Pazos, Bruno Pelassy et Natacha Lesueur, Régis Perray, Philippe Perrin, Grayson Perry, Pierre Petit, Laurent Prexl, Prinz-Golham, Florent Pugnaire et David Raffini, Philippe Ramette, Patrick Raynaud, Hubert Renard, Santiago Reyes, Bertrand Rigaux, Didier Rittener, Lucas Samaras, Yinka Shonibare MBE, Florian Sicard, Pierrick Sorin, David Teboul, Laurent Tixador et Abraham Poincheval, Gavin Turk, Frédéric Vaesen, Jean-Luc Verna, Yan Xing…