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“Jeanne Lanvin” article 1563
au Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris

du 8 mars au 23 août 2015



www.palaisgalliera.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 6 mars 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  « Jeanne Lanvin drapant un tissu sur un mannequin » par Laure Albin Guillot. © Laure Albin Guillot / Roger-Viollet.
2/  « La Cavallini », robe du soir, 1925 Taffetas noir décoré d’un noeud brodé de fil argenté, de perles, strass et perles fines. Dessin Maison Lanvin « La Cavallini & Rita », 1925. © Patrimoine Lanvin.
3/  « Marguerite de la nuit », robe, été. 1929. Tulle de soie, fleur en satin de soie surpiqué, broderies de paillettes Collection Palais Galliera © Katerina Jebb, 2014.

 


1563_Jeanne-Lanvin audio
Interview de Sophie Grossiord, directrice scientifique de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 6 mars 2015, durée 13'38". © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Le Palais Galliera rend hommage à la créatrice de mode Jeanne Lanvin et esquisse avec éclat la tout première rétrospective sur son travail. En près de 100 modèles, on redécouvre le savoir-faire de celle qui a longtemps incarné l’excellence et le luxe à la française.


Brillance et éclat

Bienvenue dans l’univers brillant et luxueux, tout en surpiqûres et broderies, de Jeanne Lanvin. Mises en beauté par Alber Elbaz, directeur artistique de la maison, les pièces présentées par cette exposition témoignent du savoir-faire et de la minutie de l’une des plus grandes couturières françaises du XXème siècle. De la robe fourreau noire aux chapeaux brodés d’or – accessoires indispensables avec lesquels elle a commencé sa carrière –, c’est un pan primordial de la mode qui se dévoile ici dans tout son éclat. Difficile en effet de ne pas s’extasier devant la diversité de ces robes, de jour comme du soir, taillées dans les tissus les plus délicats et aux doux noms évocateurs. Le noir, d’abord, teinte même du raffinement le plus pointu, semble dominer avec de longues robes droites que viennent bouleverser, parfois avec discrétion, parfois de manière presque ostentatoire, des touches de couleur ou des découpes audacieuses. Quand « Saturne » voit sa ligne simple constituée de coupes en forme de feuille, rompue par une ceinture tout aussi noire qui souligne la taille, une autre pièce arbore des épaulettes d’or qui renvoient des éclats de lumière et en brisent l’apparente austérité. Puis vient bien sûr le bleu Lanvin, couleur favorite de celle qu’on appelait Madame, qui s’incarne aussi bien sur « La Diva », longue robe fourreau décorée de paillettes métallisées argentées, que sur des robes du soir qui invitent à la valse.

Les couleurs plus vives prennent ensuite le pas, alors que Jeanne Lanvin s’inspire de motifs ethniques venus du monde entier. La robe « Sphinx », dans son étonnante crêpe absinthe, ses broderies d’or et de cuivre et ses manches évasées, évoque l’animal mythologique égyptien tout près à prendre son envol. La légère « Donatienne », en revanche, en crêpe de soie bleue, se pare de broderie de corail qui soulignent ses lignes et d’un ruban de velours noir et rappelle les influences scandinaves qui ont nourri les créations de la couturière. Et puis, il y a « Apollon », résultat d’une véritable audace créative avec sa partie supérieure en lamé or et brodée de perles et son jupon de gaze rose qui se déroule en vague de tissu avant de s’achever en traîne. Jeanne Lanvin aimait aussi jouer sur les contrastes de toute nature. Contraste de couleurs et de tissus avec cet incroyable « Ensemble Revirence » et ses rayures alternant la soie rouge et le velours noir. Contrastes entre transparence et opacité, quand les manches ou le col dévoilent délicatement les formes de la femme. Ou encore contrastes des matières même, où les paillettes métallisées viennent dessiner des formes sur la soie délicate ou le taffetas brillant (« Bel oiseau » et son oiseau en cristaux qui semble déployer ses ailes de la hanche à l’épaule gauches).


Entre classicisme et modernité

Mais au-delà de la beauté des pièces présentées, c’est à toute une technique et une manière de travailler et de concevoir le vêtement que l’exposition rend hommage. Elle fait ainsi la part belle aux surpiqûres et aux broderies, marque de fabrique de la maison Lanvin. Les manteaux se décorent ainsi de surpiqûres matelassées ou simplement brodées afin de déstructurer une coupe toute en vagues d’or (« Lohengrin » avec son large col) quand les robes se parent de paillettes et de perles mais aussi de cristaux et de tubes qui en font presque des bijoux précieux. Les jeux des découpes, qui cassent les lignes droites des robes, brisent quant à eux l’austérité d’un classicisme français assumé, avec ses bustes à la taille étroite et ses jupons gonflés. Loin des représentations habituelles, la robe de mariée « Béatrice », très dans l’esprit des années 1920, se tisse ainsi dans du crêpe de Chine beige chargé de perles et de cristaux, et s’arrête au-dessus du genou dans des découpes triangulaires qui lui donnent un air incroyablement festif – et moderne.

Car il est aussi là, le génie de Jeanne Lanvin. Certaines pièces rivalisent d’audace et d’intelligence et ne dépareraient pas dans la haute-couture actuelle. Le tulle noir d’ « Arabesque » arbore des circonvolutions de tulle blanc qui effacent le classicisme de sa coupe droite. Les jeux avec les motifs géométriques (« Guilhem » et ses triangles noirs ornant les manches de crêpe beige), par leur étonnante modernité et leur audace, brisent les codes de la mode du début du XXème siècle. L’art moderne, à commencer par le cubisme, semble s’imposer dans la haute-couture. Mais les créations de Jeanne Lanvin dévoilent aussi la femme, la mère aimante qui a tissé un lien indestructible avec sa fille, Marguerite. Cet amour, la couturière le personnifie par l’omniprésence du ruban noué, symbole de l’attachement de la mère pour la fille. Qu’ il apparaisse simplement en décoration, comme négligemment posé sur la hanche ou l’épaule, ou qu’il se fasse ostentatoire, tel sur « La Cavallini » brodé de fils d’argent, de perles et de cristaux, sur toute la jupe en taffetas noir, il demeure lui aussi l’une des marques de fabriques de la maison Lanvin, encore aujourd’hui synonyme de l’élégance et du luxe à la française.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat général : Olivier Saillard, directeur du Palais Galliera
Direction scientifique : Sophie Grossiord, conservateur général au Palais Galliera, assistée de Christian Gros
Direction artistique : Alber Elbaz, directeur artistique de la Maison Lanvin, avec Laure Harivel, Katy Reiss et Romain Stiegler
Mise en oeuvre de la scénographie : Laurence Le Bris




Le Palais Galliera, en étroite collaboration avec Alber Elbaz, directeur artistique de Lanvin, célèbre la plus ancienne maison de couture française encore en activité. Consacrée à Jeanne Lanvin (1867-1946), cette première exposition parisienne réunit, en une centaine de modèles, les fonds exceptionnels du Palais Galliera et du Patrimoine Lanvin.

Mademoiselle Jeanne débute comme modiste en 1885. Dès 1889, elle ouvre une boutique « Lanvin (Mlle Jeanne) Modes » au 16 rue Boissy d’Anglas, avant d’obtenir son pas de porte en 1893 au 22 rue du Faubourg-Saint-Honoré. En 1897 sa fille unique, Marguerite, naît et devient sa première source d’inspiration, sa muse… La modiste entrevoit soudain un nouvel horizon en 1908 : le vêtement d’enfant. Elle crée, l’année suivante, un département jeune fille et femme. Jeanne Lanvin adhère alors au Syndicat de la couture et entre dans le monde très fermé des « Maisons de couture ». Suivent les départements mariée, lingerie, fourrure et dès le début des années 1920, s’ouvrent les départements décoration et sport… En 1926, la femme d’affaires part à l’assaut de la mode masculine. Elle ouvre aussi des succursales à Deauville, Biarritz, Barcelone, Buenos-Aires, Cannes, Le Touquet… Le bleu Quattrocento ravi à Fra Angelico devient sa couleur fétiche… Pour célébrer les trente ans de sa fille, elle compose Arpège en 1927, le plus grand des parfums Lanvin. Le logo de la maison dessiné par Paul Iribe, représentant la couturière et Marguerite, est apposé sur le flacon boule réalisé par Armand-Albert Rateau. C’est ce même logo qui continue d’accompagner les créations Lanvin aujourd’hui.

Carnets de voyages, échantillons de tissus ethniques, bibliothèque d’art, Jeanne Lanvin n’aura de cesse de cultiver sa curiosité pour créer ses tissus, motifs et couleurs exclusifs. Jeanne Lanvin, c’est l’art de la matière et de la transparence, des broderies, surpiqûres, entrecroisés, spirales, découpes : la virtuosité du savoir-faire. C’est un parfait classicisme à la française avec des robes de style très XVIIIe – buste affiné, taille basse, jupe gonflée – dialoguant avec la ligne « tube » de l’Art déco, ses géométries en noir et blanc, sa profusion de rubans, cristaux, perles, fils de soie…

Travail, intuition, compréhension du monde moderne, le succès de cette femme discrète au destin exceptionnel est au rendez-vous. Alber Elbaz et le Palais Galliera vous invitent à rencontrer cette grande dame de la couture : Jeanne Lanvin.