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“De Carmen à Mélisande” Drames à l’Opéra Comique
au Petit Palais, Paris

du 18 mars au 28 juin 2015



www.petitpalais.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 17 mars 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Georges Rochegrosse, Affiche : Louise, 1900. Lithographie en couleurs, 89 x 63 cm. © BnF.
2/  Studio Reutlinger, Mlle Garden dans Pelléas et Mélisande, 1902. Photographie, 50 x 35 cm. © BnF.
3/  Marianne Stokes, Mélisande, vers 1895. Tempera, 87 x 52 cm. Wallraf-Richartzuseum & Foundation Corbound Cologne. © Rheinisches Bildarchiv Köln, Meier, Wolfgang F.

 


1574_Drames audio
Interview de Cécile Reynaud, co-commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 17 mars 2015, durée 12'10". © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Le Petit Palais nous invite à redécouvrir l’institution de l’Opéra Comique telle qu’elle était durant les dernières décennies du XIXème siècle. Trente ans séparent la Carmen de Georges Bizet de la création Pelléas et Melisande de Claude Debussy, trente années d’une incroyable fécondité artistique, pendant lesquelles l’Opéra Comique a osé, choqué et scandalisé le public… pour mieux le conquérir.


Des coulisses à la scène

Malgré son nom, l’Opéra Comique n’a pas pour vocation de faire rire. Loin de là. La preuve avec ces sept grands opéras dont le Petit Palais retrace la création par le biais de plus de 200 objets : costumes et peintures s’inspirant de ces œuvres bien sûr, mais aussi maquettes de décor et manuscrits où se lisent les notes et annotations des compositeurs et librettistes. S’ouvrant avec les portraits très antithétiques des deux héroïnes éponymes, peintes sous les traits de leur toute première interprète, Célestine Galli-Marié, vêtue des atours de la flamboyante Carmen, et Mary Garden, pâle et diaphane Melisande, l’exposition nous entraîne dans les coulisses de ces opéras qui ont su rompre avec le tout puissant romantisme embourgeoisé. La part belle est faite aux compositeurs et librettistes, Georges Bizet, Jacques Offenbach, qui met en musique les fameux Contes d’Hoffmann (1881), Léo Delibes (Lakmé, 1883) mais aussi Jules Massenet (Manon, 1884) et Gustave Charpentier (Louise, 1890) dont les portraits rythment le parcours.

Car le drame se joue aussi bien sur la scène qu’en dehors. À la mort brutale de Carmen, femme de mauvaise vie, sur les planches – scène ô combien inconvenante pour un théâtre qui se veut familial ! – correspond la mort de son compositeur, qui ne sera jamais témoin du succès de son œuvre. Mais nul n’est plus choquant que l’incendie qui ravage l’Opéra Comique en 1887. Peintures et photographies de l’époque sont là pour le prouver, telle L’Intérieur de l’Opéra Comique après l’incendie, de Jean-Louis Talagrand, où la salle ne ressemble plus qu’à un enchevêtrement de poutres calcinées.


D’hier à aujourd’hui

Mais l’histoire de l’Opéra Comique passe aussi par les comédiens, parfaitement indissociables de leur rôle, souvent conçu pour et avec eux, qui se sont produits à l’occasion de ces drames. Les dessins et les peintures nous révèlent ainsi un Emile-Alexandre Taskin, puis un Jacques Isnardon, habités par les rôles des diables des Contes d’Hoffmann. Visages cireux, habit noir étroit et attitude de prédateur, tels ils ont été sur scène, prêts à entraîner les pauvres Olympia, Antonia et Giulietta vers leur mort. Plus loin, c’est l’exotisme qui s’impose avec la création par Léo Délibes de Lakmé, inspirée des récits de Pierre Loti et Théodore Pavie et qui aborde en filigrane les relations coloniales. Car l’Opéra Comique tient à évoluer avec son temps. À l’engouement pour la période Louis XV qui se développe chez les écrivains de la fin du XIXè siècle correspond la mise en scène de Manon, adaptation du récit de Manon Lescaut de l’Abbé Prévost. Le Rêve, reprenant un roman de Zola, introduit quant à lui le naturalisme sur les planches, mais toujours teinté d’une pointe de fantaisie, quand Louise aborde enfin le monde quotidien des petites gens et choque par sa revendication de la liberté personnelle. Quant aux maquettes des décors et des costumes, elles révèlent le soin apporté à la scénographie. À cet égard, les esquisses réalisées dans de doux tons bleus par Valentine Hugo pour Pelléas et Mélisande offrent une vision onirique de la grotte où se perdent les deux personnages et noient l’horizon dans un flou qui le rend inatteignable.

Qu’elles aient été rejetées ou encensées par la critique dès leur première représentation, ces œuvres sont devenues au fil du temps des incontournables de l’Opéra Comique. Elles ont d’abord inspiré les peintres, qui illustrent de leurs pinceaux les tableaux les plus marquants et évoquent ces figures au destin tragique. La délicate figure de Mary Garden dans sa robe blanche de Mélisande se mue en figure aux accents préraphaélites vêtue de rouge, esseulée dans une forêt automnale, sur la toile de Marianne Stokes (Mélisande, 1895). André Albert, lui, préfère se pencher sur l’envers du décor avec La Couturière au mannequin (1896), peinture sur laquelle on distingue une jeune femme concentrée sur la fabrication d’un costume. Mais ce sont les dessins et les esquisses réalisées pour des productions ultérieures, et encore plus les enregistrements de représentations et de réinterprétations de ces opéras, qui témoignent de leur succès et de leur longévité. Du film en noir et blanc d’Abel Gance adaptant Louise (1939) à la production franco-italien qui revisite l’histoire de Carmen à une mise en scène moderne et parfaitement dépouillée de Pelléas et Melisande, ces sept drames créés et joués à l’Opéra Comique ont gardé leur puissance évocatrice. Et donné ses lettres de noblesse au genre même de l’Opéra Comique.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat général :
Jérôme Deschamps, directeur de l’Opéra Comique
Christophe Leribault, directeur du Petit Palais

Commissariat scientifique :
Agnès Terrier, dramaturge de l’Opéra Comique
Cécile Reynaud, conservateur en chef au département de la Musique de la BnF




À l’occasion de son tricentenaire, l’Opéra Comique s’associe au Petit Palais pour évoquer quelques-uns de ses plus grands chefs-d’oeuvre créés au tournant des XIXe et XXe siècles, période la plus faste de l’institution. Près de 200 œuvres seront rassemblées autour de sept grands opéras conçus entre 1870 et 1902, dont la plupart sont aujourd’hui joués dans le monde entier : Carmen, Les Contes d’Hoffmann, Lakmé, Manon, Le Rêve, Louise et enfin Pelléas et Mélisande.

Né en février 1715, à la fin du règne de Louis XIV, l’Opéra Comique est l’une des trois plus anciennes institutions théâtrales de France avec l’Opéra de Paris et la Comédie-Française. Après des décennies romantiques marquées par de grands succès mais également par un certain conformisme, l’Opéra Comique s’affirme sous la IIIe République comme l’une des scènes les plus inventives de la capitale. Compositeurs, écrivains, chanteurs, décorateurs, costumiers, metteurs en scènes, tous participent au renouveau du genre et du spectacle. La salle Favart où sont joués ces ouvrages impose également son caractère. L’étroitesse de la scène et la proximité avec le public font naître une interprétation tout en subtilité et en émotion qui ne vise pas le spectaculaire.

Ce sont à ces oeuvres qui ont marqué la vie musicale française que l’exposition du Petit Palais a souhaité rendre hommage. Ainsi seront présentés des partitions originales, des tableaux, des costumes, des photographies, des affiches, des sculptures etc., rassemblés grâce aux prêts importants de la Bibliothèque nationale de France, du musée d’Orsay, du Centre national du costume de scène et du musée Carnavalet entre autres. Le parcours s’attachera tout d’abord à quatre grandes créations qui ont marqué la salle Favart avant le terrible incendie du 25 mai 1887 : Carmen de Bizet puis les Contes d’Hoffmann d’Offenbach, Lakmé de Delibes et enfin Manon de Massenet. L’incendie ainsi que la reconstruction seront présentés. Enfin le parcours s’achèvera par trois opéras, Le Rêve d’Alfred Bruneau et d’Emile Zola, Louise de Charpentier et enfin Pelléas et Mélisande de Debussy d’après la pièce de Maeterlinck. Ces titres démontrent tous que l’Opéra Comique était alors en France le rendez-vous des arts, des disciplines, des techniques et des esthétiques.

La scénographie plongera le visiteur dans l’univers du théâtre recréant la cage de scène et en évoquant la mobilité des décors. Le parcours donnera à voir mais également à entendre des enregistrements historiques par la mise en place de dispositifs audiovisuels comme le théâtrophone, qui permettait à l’époque d’écouter l’Opéra Comique de chez soi.