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“Cirque d’encres” L’œuvre sur papier de Gèr Boosten
à la fondation Custodia, Paris

du 21 mars au 21 juin 2015



www.fondationcustodia.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 20 mars 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Gèr Boosten, Aveuglement, 08/04/2009. Encre de Chine, 50x65 cm. © Gèr Boosten.
2/  Gèr Boosten, Que de bruit pour une omelette, 31/12/1995. Page d’un cahier de dessin, gouache, 27x43,5 cm. © Gèr Boosten.
3/  Gèr Boosten, Tango, 06/01/2014. Encre de Chine, 50x65 cm. © Gèr Boosten.

 


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Interview de Gèr Boosten,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 20 mars 2015, durée 11'28". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Concomitamment à l’exposition du Städel Museum, sera présenté, à partir du 21 mars, dans le sous-sol de l’hôtel Lévis-Mirepoix, un choix d’œuvres sur papier du peintre, dessinateur et artiste graphique Gèr Boosten. Né en 1947 à Maastricht, Boosten vit en France depuis 1996 avec sa famille. Depuis dix ans, il habite et travaille dans un hangar rénové du village de Poilly-lez-Gien, à 140 kilomètres au sud de Paris. Boosten est un artiste d’origine néerlandaise doté, comme il le dit lui-même, d’un esprit français. Autant dire que la maison parisienne d’un collectionneur de dessins néerlandais était le lieu tout trouvé pour exposer ses œuvres graphiques.

À travers ce type d’expositions, la Fondation Custodia souhaite attirer l’attention du public sur des dessinateurs contemporains qui connaissent leurs classiques. Non qu’ils cultivent une quelconque nostalgie du passé, mais parce qu’ils sont les héritiers d’une histoire. Des artistes qui ne veulent pas rompre avec la tradition mais la perpétuer, pour lesquels l'œuvre des dessinateurs de la Renaissance, du Siècle d'or ou du modernisme demeure aujourd'hui une source d'inspiration. Les visiteurs de la rue de Lille ont ainsi pu découvrir il y a deux ans l’univers onirique des Métamorphoses du dessinateur Peter Vos et en ce début d’année, l'œuvre sur papier du peintre et sculpteur Arie Schippers.

Pour Gèr Boosten, la tradition dans laquelle s'inscrivent ses dessins est très antérieure à la Renaissance. Il se sent proche des dessinateurs des grottes préhistoriques. « Non pas que je veuille les copier et me mettre à faire des dessins préhistoriques. Mais ces peintures murales sont les premières à renvoyer une impression de monumentalité, une puissance artistique et spirituelle telles, qu’elles continuent de nous éblouir des milliers d’années plus tard. Je veux moi aussi créer dans mes dessins un champ magnétique, instaurer une tension entre le noir et le blanc. Une structure ouverte similaire à la structure des étoiles dans un ciel nocturne. Quand le soir, je sors sur le plateau devant la maison pour regarder les étoiles, je comprends très bien ce que l'homme préhistorique a pu ressentir. Les hommes ont essayé de retranscrire sur terre ce qu’ils voyaient dans le ciel. En France, on a trouvé des rochers avec un trou dedans : c'était l'objectif à travers lequel les hommes regardaient. En réalité, ce genre de trou équivaut au rectangle d'un dessin. Son cadre. Il y a 250 000 ans, nous cherchions déjà un cadre et aujourd’hui encore, nous continuons d’examiner, à travers ces cadres, notre place dans l'univers. Je considère que chaque dessin doit être un reflet de l'univers ».

Boosten met donc la barre haut. Et pas seulement d’un point de vue formel, avec cette zone de tension entre le noir et le blanc, mais également à travers les sujets de ses dessins. Tout gamin déjà, il dessinait dans l’atelier de son père les images que faisaient naître dans sa tête les nouvelles concernant les inondations de la mer du Nord en Zélande et la guerre de Corée. Vers 1970, à la faveur d’un programme d’échange, il séjourne comme étudiant en Yougoslavie, où il fréquente des tziganes, des alcooliques et des prostituées. « Rétrospectivement, je me rends compte que ce séjour à Belgrade a été la base de toute ma vie ultérieure. Il me faisait voir une réalité implacable que j'ai enregistrée dans mon travail : la crasse, la fange, la pauvreté, l’âcreté. Il suffisait de se baisser pour ramasser tous les malheurs du monde et je trouvais ça fantastique. La vie et la mort étaient tellement proches l'une de l'autre ».

De retour aux Pays-Bas, Boosten termine sa formation en dessinant et peignant les foules populaires, tantôt entassées dans des bus et des tramways, tantôt fumant et buvant le long de grandes tablées. Il a dessiné des bousculades, des révoltes et des meurtres. La disposition s’apparente souvent à une scène de théâtre, avec des personnages debout ou couchés sur les planches d'un baraquement ou sur une parcelle de terrain plat vue en contre-plongée. Les lits, les tables et les poêles ressemblent à des éléments de décor, les rideaux et les cordes à linge à des coulisses. Après son examen de fin d’études à la Jan van Eyckacademie de Maastricht, Boosten s’inscrit à une formation de scénographe. Il se lie rapidement d’amitié avec son professeur, le peintre, artiste graphique et décorateur Nicolaas Wijnberg (1918-2006). Dans les années 1970, Boosten conçoit des décors pour le théâtre Groot Limburgs Toneel et la compagnie théâtrale d'Amsterdam Globe. Ses scénographies pour les pièces Sucre et La fiancée du matin de Hugo Claus rappellent beaucoup ses gravures et dessins « yougo-slaves ».

Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia, a découvert le travail de Gèr Boosten voici une dizaine d'années, quand il était encore directeur du cabinet d’arts graphiques du Rijksmuseum d’Amsterdam. Il a pu alors acquérir une première série de dessins et de gravures provenant de la succession de Nicolaas Wijnberg. Cette série a ensuite été complétée en concertation avec l'artiste. L’année dernière, Boosten a fait don à la Fondation Custodia d'un ensemble d’estampes. L'exposition organisée à la Fondation permettra de découvrir un choix d’œuvres parmi ses estampes, notamment de nombreuses gravures de ses débuts, une sélection de feuilles provenant de cahiers de dessins et une série de dessins récents réalisés à l'encre sur de grands formats. Dans ses nouveaux dessins, l’artiste représente des hommes et des femmes heurtés par des chaussures et des chaises qui fusent de tous les côtés ou par des pierres tombées du ciel. Ou alors ils sont attaqués par des chiens et des loups ou par d'autres êtres humains. Il y a des morts et des blessés. On le voit, le travail de Boosten garde une dimension invariablement théâtrale et parle toujours de notre condition humaine.

« Tout ça est très existentiel », reconnaît l’artiste. « Cela a à voir avec les pièces de Beckett et d’Ionesco et le cinéma de Pasolini. Mon travail n'est pas une mise en accusation, en aucune manière. Je ne réalise pas ce genre de gravures pour dire aux gens ‘voyez comme la vie est infâme’. Non, il s’agit d’une sorte de sérénité, quelque chose comme : voici l'homme. Ecce homo. Chacun d'entre nous peut se retrouver à la rue. Il suffit parfois d’un divorce. On perd sa maison et on commence par dormir dans sa voiture avant de finir à la rue. C’est une situation tout à fait plausible. Je peux me mettre à la place des gens qui ont commis un crime ou qui sont considérés comme fous. Je ne pense pas pouvoir changer grand-chose aux abus dans le monde, j’ai les bras trop courts pour ça, mais je suis un artiste et en tant que tel, j'apporte ma contribution. Comme Pasolini ou Lars von Trier et comme Rembrandt, Grünewald et De Gheyn ».

Gijsbert van der Wal