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“François Ier Pouvoir et image
à la BnF François-Mitterrand, Paris

du 24 mars au 21 juin 2015



www.bnf.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 23 mars 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  La salamandre de François Ier, Claude de Seyssel, La Grant Monarchie de France, vers1515. BnF, département des Manuscrits.
2/  Jean Clouet, François Ier, roi de France. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Hervé Lewandowski.
3/  D’après Jean Clouet (?), François Ier à cheval, avant 1711 (d’après l’original du Louvre). BnF, département des Estampes et de la photographie.

 


1582_Francois-Ier audio
Interview de Magali Vène, co-commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 23 mars 2015, durée 11'19". © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Avec l’exposition « François Ier : Pouvoir et image », la Bibliothèque Nationale de France retrace en images et en symboles, de l’enfance jusqu’à la fin de son règne, la vie de François Ier, ce roi qui n’était pas prédestiné à l’être. L’occasion de raconter l’histoire de ce souverain en déconstruisant le mythe.


Roi guerrier, roi poète

Roi vainqueur et protecteur des lettres et des arts, voilà comment nous percevons François Ier, souverain emblématique de l’histoire de France. 1515, la bataille de Marignan et l’essor de la Renaissance à son époque ont contribué à construire son image au fil des siècles. À voir les premières représentations du futur monarque, il ne fait néanmoins aucun doute que, dans l’esprit de sa famille du moins, François d’Angoulême héritera du trône de France. Nombreux sont les manuscrits qui mettent en valeur, dès les premières années de sa vie, les qualités du jeune prince et évoque le futur qui l’attend. La somptueuse enluminure attribuée à Barthélémy Guéty intitulée Sainte Agnès présentant François de Valois au Christ crucifié (1512) préfigure ainsi déjà l’image du roi chrétien, héritier légitime de la monarchie divine. C’est aussi à cette époque qu’apparaît pour la première fois l’emblème de la salamandre, que François Ier fera bientôt sien. Puis vient la victoire de Marignan, autour de laquelle va se construire tout au long de son règne l’imagerie d’un François Ier guerrier et victorieux. De l’imposante armure réalisée par Jörg Seusenhofer entre 1539 et 1540 à la représentation du roi sous les traits d’un empereur romain (François Ier en Jules César, Bartolomeo Miniato, 1545), c’est la perception du souverain conquérant qui prédomine, quitte à ce que les artistes français passent sous silence la défaite de Pavie en 1525 face à Charles Quint et l’emprisonnement de François Ier qui en résulte.

Perception d’un maître de la diplomatie aussi, avec ce bas-relief impressionnant, l’une des rares représentations de l’époque, qui évoque la rencontre diplomatique du Camp du Drap d’Or, où François Ier et Henry VIII d’Angleterre rivalisent de magnificence alors même qu’ils tentent de conclure une alliance contre Charles Quint. Et quand les traités ne suffisent pas à maintenir la paix, c’est par le mariage qu’elle devient possible. Fiorentino Rosso réalise ainsi une allégorie du roi avec l’œuvre Mars et Vénus servis par les nymphes et les Amours, symbolisant les épousailles entre François Ier et Eléonore, sœur de Charles Quint. Le souverain guerrier va alors déposer les armes pour embrasser pleinement le statut de protecteur des lettres. La dernière salle de l’exposition met en valeur l’essor de la Renaissance non seulement dans l’architecture, présentant les gravures qui fleurissent notamment sur les murs du château de Fontainebleau, mais aussi dans le domaine du savoir. Les figures de l’Antiquité comme Jupiter et Callisto, où Jupiter est une allégorie de François Ier (Les Amours de Jupiter et Callisto, Pierre Milan), côtoient les livres aux reliures luxueuses parmi lesquels on trouve aussi bien des traductions de manuscrits italiens et grecs que de textes rédigés par l’humaniste Guillaume Budé ou par le mathématicien Oronce Finé.


Une construction rétrospective

Paradoxalement, le mythe de François Ier tel qu’on le conçoit aujourd’hui ne repose pas sur l’abondance d’une iconographie qui célèbrerait son règne. Au contraire, l’exposition souligne plutôt l’absence d’une construction d’une vision dominante contemporaine de François Ier. Certes, l’image du vainqueur de Marignan survit à la défaite de Pavie et gagne en puissance jusqu’à sa mort, mais il faut bien noter que les représentations mettant le roi en scène sont rares, et souvent destinées à être diffusées au sein d’une élite aristocratique. Dans la galerie des portraits sont ainsi présentées les trois peintures, réalisées à différentes étapes de sa vie, qui ont aidé chacun à leur façon à façonner l’identité visuelle de François Ier, sans que leur diffusion n’atteigne le reste de ses sujets. Quand le François Ier de Jean Clouet (1527) donne ainsi à voir un roi empreint de magnificence, où les symboles de la royauté abondent entre couronnes fleurdelisées, habit somptueux à l’italienne et pommeau de l’épée en main, celui de JoosVan Cleve (1530-1535), en revanche se veut plus réaliste, le symbolisme disparaissant derrière le regard pensif du souverain. Et pourtant, c’est d’abord bien à l’usage du symbole que l’on reconnaît la puissance de ce dernier. L’allégorie du roi en divinité (1545) dote ainsi François Ier des attributs des principaux dieux romains, le casque de Minerve et l’épée de Mars symbolisant l’union improbable entre l’amour et le respect des lettres et du savoir et l’art de la guerre. Quant aux représentations du roi entouré de sa cour, elles effacent même jusqu’au visage de leur sujet pour mettre l’accent sur les symboles de son autorité.

Dévoilées uniquement à des élites proches de la cour, ces images ne favorisent donc pas l’organisation d’une forme de propagande qui exalterait les vertus et les qualités du roi auprès de ses sujets. Ce sont donc grâce aux médailles d’abord, puis aux testons, ces pièces de monnaie en argent que ces derniers peuvent se faire une idée du visage de François Ier. La généralisation de ces objets, qui épousent les changements provoqués par le temps mais aussi évoquent les grandes périodes de son règne, deviennent le seul moyen d’identifier le roi. Au portrait de profil correspond les revendications territoriales ou l’affirmation d’un pouvoir de plus en plus personnel. De l’exposition, il ressort donc que, loin d’avoir été composé lors de son règne, à la différence de ses deux rivaux, Charles Quint et Henry VIII, à l’iconographie abondante, le mythe de François Ier s’est construit rétrospectivement, se nourrissant avant tout de textes plutôt que d’images. Et ce n’est que justice pour un roi qui a passé une large partie de sa vie à défendre et à promouvoir les lettres.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Bruno Petey-Girard, professeur de littérature française du XVIe siècle à l’Université Paris-Est-Créteil
Magali Vène, conservateur des bibliothèques, chef du service Patrimoine écrit à la bibliothèque municipale de Toulouse

commissaires associés :
Estelle Boeuf-Belilita, conservateur à la Réserve des livres rares, BnF
Lucile Trunel, chef du service de l’action pédagogique, BnF




«1515 : Marignan ! » Cette formule célèbre des anciens livres d’histoire garde tout son pouvoir d’évocation. François Ier avait 20 ans. A peine couronné roi, il remportait la plus éclatante victoire française des guerres d’Italie. À l’occasion du cinquième centenaire de cet événement, la BnF revient à la source des représentations de ce souverain, aussi important pour l’histoire de son institution qu’il l’est pour l’Histoire de France. La grande exposition qu’elle lui consacre montre comment sa légende s’est construite de son vivant.

Monarque emblématique du XVIe siècle français, François Ier évoque surtout, dans la mémoire collective, les figures du chef de guerre victorieux et du prince mécène qui favorisa la Renaissance française des arts et des lettres. L’exposition met en lumière des images royales replacées dans leur contexte de création. Des images répondant à une logique propre au XVIe siècle souvent bien éloignée de celle qui, beaucoup plus tard, a suscité l’imagerie d’Épinal, aujourd’hui dominante. Plus de deux cents pièces sont présentées, issues pour la plupart des collections de la BnF : livres manuscrits et imprimés, estampes, peintures, monnaies et médailles…

Le visiteur pourra découvrir le manuscrit enluminé de la Description des Douze Césars avec leurs figures, Trésor national récemment acquis par la BnF. Mais aussi la spectaculaire armure prêtée par le musée de l’Armée et présentée pour la première fois en pied, permettant d’apprécier la haute stature du souverain, qui a marqué ses contemporains. Autres pièces majeures, les trois grands portraits de François Ier prêtés par le musée du Louvre, peints par Jean Clouet, Jos van Cleve et le Titien, illustrent une représentation royale en transformation. Quant à l’enluminure de François Ier en déité polymorphe, issue des collections de la BnF, elle témoigne de l’utilisation de l’allégorie mythologique omniprésente à la Renaissance.


Du guerrier au poète

L’exposition s’ouvre sur l’éducation et la jeunesse de François d’Angoulême, « roi à venir », puis s’intéresse aux représentations du roi chevalier et guerrier qu’il a été du début à la fin de son règne. On découvre ainsi que les images du triomphateur de Marignan se multiplient des années après la bataille, au moment où François Ier revient en France après avoir été emprisonné à Madrid par Charles Quint, dans ce qui s’appellerait aujourd’hui une stratégie de communication visant à restaurer la perception du pouvoir monarchique.

L’exposition décline ensuite d’autres images royales : depuis le « roi très chrétien », « fils aîné de l’Église », jusqu’au poète et mécène, en passant par le souverain administrateur de son royaume. Le règne voit ainsi le développement du « teston », monnaie qui porte l’effigie du roi, sans doute le seul portrait de François Ier qu’ont pu contempler la plupart de ses sujets. Les représentations non figuratives du roi abondent également, notamment dans le décor des châteaux construits pour ce roi bâtisseur, de grandes lettres F couronnées, ou encore des salamandres, son emblème.

La figure du roi protecteur des Lettres fait l’objet d’un traitement particulier car les livres de François Ier forment le noyau des collections de l’actuelle BnF : volumes offerts en hommage mais aussi traités savants commandés et reliés à ses armes pour la nouvelle Bibliothèque royale installée au palais de Fontainebleau. L’ordonnance de Montpellier du 28 décembre 1537, où François Ier demande aux imprimeurs du royaume de présenter leurs publications aux bibliothécaires du roi, est aussi la matrice du dépôt légal moderne.


Un prince de la Renaissance

Au travers des oeuvres très diverses qui ponctuent le parcours de l’exposition, voulues par le prince, souhaitées par son entourage ou imposées par les circonstances, se dessine ainsi une image complexe de François Ier : d’abord représenté comme un souverain dans la lignée traditionnelle des rois de France, il est peu à peu saisi dans sa singularité d’individu royal, puis comme un monarque de la Renaissance se mettant en scène dans une définition nouvelle du pouvoir, plus personnelle.




Présentation

À la mort de Louis XII qui ne laisse pas de fils, son cousin François d’Angoulême devient roi en vertu de la règle de succession sur le trône de France par lignage exclusivement masculin. S’ouvre ainsi un règne de 32 ans dont les auspices victorieux de Marignan n’augurent pas le déroulement très contrasté. Sur le terrain militaro-diplomatique, François Ier, l’empereur Charles Quint et le roi d’Angleterre Henri VIII jouent un jeu aux équilibres changeants et complexes. La célébration de Marignan, soigneusement entretenue du vivant du roi, ne peut cacher la défaite de Pavie face aux Impériaux qui, en 1525, vaut au roi de France une captivité d’un an, l’invasion de la Provence en 1536, ou, en 1544, la perte de Boulogne devant les armées anglaises.

Mais en 1515 s’ouvre également un règne qui, salué par les humanistes dès son aube, est largement vécu comme une rupture culturelle stimulée par le roi lui-même. Si l’enrichissement des lettres ne peut être mis sous les regards – il appartient essentiellement au monde intime de la lecture –, c’est une partie de cette culture renouvelée sous différents aspects que l’exposition permet d’entrevoir dans les portraits d’un prince en qui s’incarne la Renaissance française.

Organisée dans le cadre des Célébrations nationales, l’exposition se propose de montrer comme un fait historique, la constitution dynamique de l’image de François Ier en son temps. En effet, tout au long du règne, des oeuvres nombreuses et diverses, figuratives ou littéraires, ambitionnent de représenter le roi. Traditionnelles pour la monarchie française ou trouvant en François Ier leur première incarnation, ces images apparaissent, puis se sédimentent ou s’évanouissent, selon des logiques dont il faut démonter les rouages.

L’image de François Ier en son temps est loin d’être univoque. Son règne marque peut-être même l’apparition de plusieurs conceptions, parfois antinomiques, d’un roi de France. Il est d’abord le souverain que son peuple veut qu’il soit, un modèle traditionnel et générique constamment rappelé sur le mode de l’hommage-admonestation, notamment lors des spectacles allégoriques montés à l’occasion des entrées solennelles du roi dans ses « bonnes villes ». Il devient parallèlement, aux yeux de son entourage familial et courtisan, un individu royal qu’une relation perçue comme privilégiée à la Fortune et la Providence permet de représenter en demi-dieu délié de l’humanité ordinaire, en usant de ressources rhétoriques et artistiques souvent inédites en France. Il est enfin un prince qui commence à se mettre en scène dans une nouvelle définition du pouvoir, plus personnelle, face à ses sujets et adversaires étrangers, au cours de ses apparitions publiques, dans le décor de ses demeures ou dans les instruments de plus en plus démultipliés de son pouvoir (monnaies et actes législatifs).

Ces représentations hétérogènes, aussi bien dans leur interprétation que leur diffusion, ne semblent pas cristalliser durant le règne en une vision dominante de François Ier s’imposant au plus grand nombre : ce phénomène, pourtant alors à l’oeuvre pour Charles Quint et Henry VIII, apparaît donc décidément comme une construction rétrospective.