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“Revolution in Tradition” China's Post Ink Painting Era
à la Galerie Nathalie Obadia - Cloître Saint-Merri & Bourg-Tibourg, Paris

du 1er avril au 31 mai 2015



www.galerie-obadia.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 1er avril 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Shang Yang -《剩山图》7 (Carte de Montagne Gauche 7), 2014. Mixed media on canvas, 360 x 290 cm (141 3/4 x 114 1/8 in.). Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
2/  Hao Shiming -《草木201501》Vegetation 201501, 2015. Ink on silk, 136 x 136 cm (53 1/2 x 53 1/2 in.). Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
3/  Gu Wenda -《变形记阿拉伯语系列#3》Metamorphosis Arabic Series #3, 2000-2005. Wenda Gu studio, Zhe Jiang Academy of Arts, Hangzhou, China. Human hair, glue, rope,197 x 122 cm (77 1/2 x 48 in.) Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

La révolution est en marche, initiée par 5 artistes chinois contemporains. Issus de la tradition inébranlable de la peinture à l'encre et de la calligraphie, ils esquivent la confrontation directe pour une démarche plus constructive, traçant des voies nouvelles, libres, sans pour autant renier leur patrimoine.

Shang Yang, le doyen du groupe, voyage dans une abstraction spontanée. L'encre devient matière, photographie de texture rocheuse ou rectangle de papier de riz collé teinté de noir. La toile est déchirée, les traces laissées par le pinceau nerveuses, libérées du contrôle mental exercé par l'académisme sur la main. L'encre a été lavée, frottée par endroits, laissant une mémoire de traces gises.

Qiu Zhijie calligraphie patiemment des poèmes. Sa performance s'inscrit dans les exigences de la discipline, dans le classicisme du geste mille fois répété et maîtrisé. Pourtant ses caractères sont tracés à l'envers, le sens de l'écriture inversé, rendant le texte illisible. La vidéo associée à chaque œuvre est également montée à l'envers. Ainsi, au lieu d'écrire, il efface de son pinceau les caractères un par un, trait par trait.

Ni Youyu installe des images géantes de cascades. Le style rend hommage aux maitres de la peinture classique qui sont représentés dans le paysage sous la forme de leurs dates de naissance et de mort. L'artiste insère le contemporain de façon furtive, affirmant que ces dates suffisent dorénavant à identifier ces grand peintres, puisque nous pouvons tous effectuer une recherche avec Google. Sur des toiles dorées tendues sur des châssis polygonaux, des rochers sont peints en lavant l'encre noire avec un jet d'eau pour en retirer le surplus, laissant un dessin comme imprimé.

A ce jeu d'impression/désimpression répondent des pièces de monnaies frappées, aplaties pour en effacer la gravure et sur lesquelles de minuscules scènes sont peintes: bosquet d'arbres, pavillon. Chaque miniature est accompagnée d'une seconde pièce où un titre est calligraphié en caractères anciens. En poussant l'habileté technique au-delà des contraintes de l'académisme, il construit de nouvelles références classiques, questionnant la valeur d'un patrimoine artistique.

Les calligraphies de Hao Shiming déconstruisent l'écriture. Les différents traits composant les caractères sont mélangés et jetés sur la toile. Ces traits doublés forment des rubans qui s'enchevêtrent pour s'écouler en un flux liquide échappant à la gravité. La lettre est réinventée, formant de mouvantes arabesques tridimensionelles tenant du graffiti hip hop. Pourtant le classicisme marque profondément cette peinture, par quelques touches de couleur verte appartenant à la palette traditionnelle, ou dans ces 64 petites toiles, chacune un nouvel idéogramme, mais qui évoque les 64 hexagrammes du Yi King.

Le plus étonnant est Gu Wenda. Ses grandes calligraphies reprennent les formes des écritures hindi, arabe, chinoise ou latine, mais les signes sont inventés. Ces tableaux sont réalisés en cheveux. Des boucles fines, aérées, forment une toile diaphane suspendue à quelques cordes. Des mèches plus épaisses, noires, forment les mots d'un langage familier mais incompréhensible. L'écriture devient à la fois la matière et le support, l'encre incarnée par le matériau organique tient par elle-même, n'ayant plus besoin du papier. Sur des grandes feuilles de papier de riz, une écriture blanche sur fond noir reproduit la gravure de stèles. Le blanc de l'écrit est le blanc du papier tandis que la peinture noire couvre toute la surface, laissant les mots en réserve. Le rendu précis du lettrage montre un acharnement aussi bien mental que physique. En détournant la stricte discipline artistique pour en inverser les valeurs, il s'agit non de la contester mais d'en faire un marche pour élever l'art de l'encre vers de nouveaux sommets.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat de Tiffany Wai-Ying Beres



Les artistes : Hao Shiming, Gu Wenda, Shang Yang, Ni Youyu, Qui Zhijie

Plus qu’une simple forme d’expression artistique, l’encre – et plus particulièrement la peinture à l’encre, parfois simplement désignée comme « peinture chinoise » (guohua, littéralement « peinture du pays ») – est un signifiant culturel majeur dans la construction d’une identité nationale. Langage millénaire, constamment réinterprétée et développée au fil de l’histoire, la peinture à l’encre constitue le trait le plus distinctif de l’art chinois et de l’art oriental en général. Mais en ce début de XXIe siècle, les artistes contemporains qui se réfèrent à cette tradition ne sont plus tenus aux éléments de base de la peinture – encre, pinceau et papier. En effet, le genre s’est étendu à de nouveaux supports : que ce soit dans l’art conceptuel, les performances ou les installations, il inspire encore les jeunes artistes chinois, même s’ils ne se définissent plus par rapport à lui. Quoi qu’il en soit, « l’encre » comme symbole de l’héritage, de la culture et de l’esprit chinois, demeure solidement enraciné en eux.

Commissaire de l’exposition Revolution in Tradition : China’s New Ink Art, Tiffany Wai-Ying Beres est spécialiste de la peinture à l’encre. Revolution in Tradition est une exposition novatrice : elle vise à mettre en lumière les développements passionnants qu’a connus l’art chinois, et ses liens avec la longue tradition de la peinture à l’encre. Elle présentera quelques artistes importants, très actifs dans l’essor, le renouveau conceptuel voire la subversion de l’héritage du guohua ces dernières décennies. Certains ont parfois utilisé des matériaux et des méthodes peu orthodoxes – Shang Yang (né en 1942), Gu Wenda (1955), Qiu Zhijie (1969), Hao Shiming (1977) et Ni Youyu (1984) – mais tous ont laissé leur empreinte dans l’évolution de cet art de l’encre, en inscrivant les sensibilités esthétiques et philosophiques de la tradition artistique chinoise dans un discours renouvelé et plus international.

Au cours des cinq dernières années, l’Ink Art contemporain s’est progressivement hissé parmi les sujets d’exposition privilégiés des musées du monde entier – on songe entre autres aux expositions « Ink Art : Past as Present in Contemporary China » au Metropolitan Museum of Art (2014), « Ink : The Art of China » à la galerie Saatchi (2012), « Shanshui –poésie sans paroles ? » au Musée des Beaux-Arts de Lucerne (2011) ou « Fresh Ink » au Musée des Beaux-Arts de Boston (2010). Aujourd’hui, la Chine contribue beaucoup aux formidables développements de l’art contemporain, et la Galerie Nathalie Obadia est la première en France à présenter la diversité de l’Ink Art actuel. Dans Revolution in Tradition, des maîtres contemporains reconnus côtoient des talents émergents auxquels la critique s’intéresse de plus en plus sérieusement : le spectateur sera ainsi amené à réexaminer les conventions qui sous-tendent les formes d’art traditionnel, et à se confronter aux conséquences culturelles de ces conventions.