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“La Passion selon Carol Rama” article 1596
au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

du 3 avril au 12 juillet 2015



www.mam.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 2 avril 2015.

 

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Légendes de gauche à droite :
1/  Carol Rama, Autorattristatrice, 1970, Courtesy Galerie Isabella Bortolozzi. © Photo Andy Keate. © Archivio Carol Rama, Torino.
2/  Carol Rama, L’Isola degli occhi, 1967, Collection privée. © Photo Gabriele Gaidano. © Archivio Carol Rama, Torino.
3/  Carol Rama, Opera n.18, 1939, Collection privée. © Photo Pino Dell'Aquila. © Archivio Carol Rama, Torino.

 


1596_Carol-Rama audio
Interview de Anne Dressen, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 1er avril 2015, durée 15'54". © FranceFineArt.

 


texte de Clémentine Randon-Tabas, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Le dépassement des normes
L'oeuvre de Carol Rama est riche, si riche que l'on ne comprend pas vraiment qu'elle ait mis aussi longtemps à bénéficier d'une certaine notoriété. Cette rétrospective présente dans un parcours mi-thématique, mi-chronologique une artiste qui a toujours voulu rester en marge des divers mouvements artistiques, probablement pour préserver une certaine liberté. Carol Rama commence à peindre dès les années 30. Dans ses Appassionata, les couleurs pastels, les couronnes de fleurs que portent ses personnages contrastent avec le contenu global des images, mélange de douceur et de malaise. Ses personnages sont nus, parfois démembrés, étranges. Ils s'exposent dans leur sexualité, leur désir, mi-homme, mi-femme, lumineux. Libres des chaînes qui sont pourtant partout autour d'eux, ils tirent la langue en défi. L'artiste s'intéresse au début de son oeuvre à ceux qui ne sont pas dans la norme oppressante de l'Italie fasciste de l'époque. C'est une révolte contre cette oppression qui semble tout d'abord nourrir son art, l'oppression du corps, des femmes, mais aussi des autres minorités, des malades, des "déviants". Sa première exposition bien qu'après la mort de Mussolini est censurée, elle est qualifiée d'obscène, un grand nombre de ses oeuvres disparaissent.

Peindre pour guérir
Carol Rama continuera à peindre, elle peint pour guérir dit elle, elle peint pour exorciser ce qui se passe autour d'elle et en elle. Elle ne se sent bien que devant la page blanche. Son oeuvre naît dans un régime totalitaire, alors que sa mère est internée et que la guerre s'annonce, peu après son père se suicide. C'est sa rage qui la pousse à créer. Elle intègre des éléments de sa vie comme les fourrures et les chambres à air dans une oeuvre dont la portée dépasse sa propre histoire personnelle. Un de ses thèmes de prédilection: la folie humaine, celle de la lutte pour le pouvoir, celle des guerres, celle des hommes qui donnent à des animaux végétariens des protéines animales. Elle donne forme à ces folies, s'identifie avec la vache folle, brouille les limites entre animal et humain, homme et femme, fou et sain d'esprit. Parce qu'elle est en avance sur son temps et n'a que faire de chercher à plaire, elle ne devient lisible que tardivement. C'est une oeuvre troublante à la fois forte et subtile. À découvrir ou redécouvrir tout en se demandant combien d'autres artistes majeurs sont négligés par l'histoire de l'art.

Clémentine Randon-Tabas

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition : Anne Dressen



Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris consacre, pour la première fois en France, une rétrospective à l’artiste italienne Carol Rama. Marginalisée par l’histoire de l’art et par le mouvement féministe, l’oeuvre de Carol Rama a côtoyé tous les mouvements d’avant-garde du XXe siècle (surréalisme, art concret, pop art, arte povera, soft sculpture…), tout en restant inclassable. La férocité de son travail, qui oscille entre l’abstraction et la figuration, invite à revisiter les courants artistiques officiels, mais aussi les catégories établies.

L’exposition La Passion selon Carol Rama révèle les multiples facettes du travail de cette artiste. La scénographie entend reprendre l’image d’une « anatomie » fragmentée, dans une lecture mi-chronologique, mi-thématique, la plus à même de dévoiler toute la complexité obsessionnelle de l’oeuvre de Carol Rama.

Cet oeuvre forme un corps hybride, où les sujets et les techniques ne font qu’un : de la bouche-aquarelle au pénis/sein-caoutchouc, en passant par l’oeil-bricolage. Ces différentes séries, en apparence hétérogènes dans leurs thématiques et dans leurs matériaux, dessinent un ensemble cohérent autour de sujets tels que la folie, le fétichisme, l’ordure et le dévalué, le plaisir, l’animalité, la mort.

Autodidacte, née en 1918 à Turin et issue d’une famille bourgeoise catholique traditionnelle, Carol Rama déclare : « je n’ai pas eu besoin de modèle pour ma peinture, le sens du péché est mon maître. » Depuis ses premières aquarelles censurées des années 1930, elle invente son propre système visuel, contrastant avec les représentations modernistes et normatives dominées par la vision masculine. Carol Rama se tourne vers l’abstraction à partir de 1950, se rapprochant de l’art concret, dont elle livre une vision organique avant de se consacrer à sa série intitulée « Bricolages » où elle englue dans la peinture des objets ready-mades (yeux de verre, griffes, fourrures…). Dans les années 1970, elle crée une « image-matière » à partir de pneus découpés, d’une facture minimale et sensuelle. En 1980, elle revient à la figuration, avec des aquarelles peintes sur des planches d’architecture. Sa dernière grande série réalisée dans les années 2000, qui s’inspire de la « mucca pazza » (épidémie de la vache folle), consiste en des compositions provocantes en caoutchouc, que l’on pourrait qualifier de « povera queer ».

Figure solitaire et excentrique, loin des collectifs et des modes, Carol Rama a cependant, tout au long de sa vie, fréquenté des artistes et des intellectuels, tels que Carlo Mollino, Edoardo Sanguineti, Lea Vergine, Man Ray, croisant aussi Pasolini ou Andy Warhol. Elle apparait aujourd’hui comme une artiste incontournable pour comprendre les mutations de la représentation du XXe siècle. Lion d’Or à la Biennale de Venise en 2003, et à nouveau présenté dans l’édition 2013, son travail suscite aujourd’hui un grand intérêt auprès des institutions, des historiens de l’art et des artistes.