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“Markus Lüpertz” une rétrospective
au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

du 17 avril au 19 juillet 2015



www.mam.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse avec Markus Lüpertz, le 16 avril 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Markus Lüpertz, 5 Bilder über das mykenische Lächeln - Der Frühling, 1985. © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image BStGS. © ADAGP, Paris 2015.
2/  Markus Lüpertz, Sans titre, 2013. © Galerie Michael Werner Cologne, Märkisch Wilmersdorf & New York/Jochen Littkemann, Berlin. © ADAGP, Paris 2015.

 


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Interview de Fabrice Hergott, directeur du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 16 avril 2015, durée 7'52". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Markus Lüpertz a tout du peintre-dandy, ses toiles portent l'élégance qui permet de faire passer leur insolente audace. Avec un sens poussé de la mise en scène, elles deviennent les podiums d'un défilé grotesque et outrancier.
Comme un DJ dans une cave sous un bombardement, il remixe avec le sentiment d'urgence de ne pas avoir le temps d'arriver au bout de ce qu'il a à exprimer. Sa peinture se détache du figuratif comme de l'abstrait, refusant toute catégorisation, fuyant sans cesse. Elle ressemble à un collage: Nicolas Poussin, le Parsifal de Wagner, le classicisme grec, une sculpture de Maillol collés sur une rythmique cubiste sont autant de semples composant la bande-son d'un monde s'autodétruisant parce que prisonnier d'un état de confrontation permanente.

La rétrospective suit le cheminement d'une chronologie inversée. Nous partons des derniers travaux de l'artiste et remontons le fil du temps pour découvrir la genèse de cet étonnant vocabulaire. Comme un historien, Markus Lüpertz s'appuie sur des documents. D'abord des formes classiques, deux statues grecques, une de face et une de dos: deux mêmes postures répétées comme des avatars immuables, réduits à des formes colorées, aux couleurs distillées vers un minimalisme chromatique, une dualité ombre/lumière de pochoir.

Markus Lüpertz puise donc dans l'histoire, celle de son pays d'abord, une Allemagne durablement marquée par son expérience de la barbarie et de la guerre. Casques et casquettes militaires imposent une présence incongrue dans ses toiles, comme éléments du paysage accolés à un rocher, un escargot ou bien sur l'épaule d'un nu. Ces fantômes inexorcisables hantent une société déchirée entre devoir de mémoire et désir d'oubli. Des navires de guerre tapis en embuscade au modelé d'un nu masculin de dos qui se morcelle jusqu'à ressembler au motif camouflage d'un uniforme, la menace guerrière est omniprésente. Certaines toiles sont constellées de taches comme ayant subi des impacts de balles. Et si ce n'est par la forme, c'est par la couleur que la folie guerrière imprègne l'œuvre, par le vert-de-gris omniprésent dans le feuillage des arbres, l'herbe des berges d'un fleuve ou l'horizon d'un champ de blé.

L'artiste démantèle de ce qui s'est patiemment construit à force de temps et de culture. Ses portraits des hommes sans femmes sont des déconstructions abstraites, faites de grilles, d'échelles qui ne permettent de grimper nulle part, d'un labyrinthe de chambres claustrophobiques. Seuls se distinguent yeux, nez et bouche restant les derniers vestiges d'une personnalité déchiquetée. Comme le portrait de Dorian Gray, ces toiles portent les plaies, les maladies, le désespoir d'une fuite vaine devant l'inéluctable, condamnation à devoir recommencer les mêmes erreurs destructrices. Elles sont le prix payé pour l'insouciante élégance, l'instant de fugace ivresse, l'oubli des nouvelles rides qui apparaitront demain.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition : Julia Garimorth



Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris présente la première rétrospective de Markus Lüpertz en France. L’imagination et la créativité de cet artiste en font une figure majeure de la scène européenne du XXe siècle. Son oeuvre est caractérisée par un constant questionnement de l’art et de la position de l’artiste à travers peintures, sculptures, dessins et poèmes. L’exposition, réunissant près de 140 pièces emblématiques, retrace l’ensemble de la carrière de l’artiste, de sa production la plus récente, incluant la série Arcadies (2013) en remontant à ses débuts des années 1960.

Markus Lüpertz (né en 1941) se met à peindre dans un climat artistique de l’Allemagne d’après-guerre dominé par l'expressionnisme abstrait américain et le pop art. Tout comme A.R Penck, Georg Baselitz ou Jörg Immendorff, il s’émancipe de ces courants pour fonder sa propre voie : une nouvelle peinture réfléchie et guidée par une vision idéalisée loin de la gestuelle ou de l’expressivité. En 1964, la série des « peintures dithyrambiques » (terme emprunté à Nietzsche) permet à Markus Lüpertz de renouer avec la figuration tout en apportant sa contribution personnelle à l’histoire de l’abstraction : sur des toiles de très grand format, il se livre à une simplification de la forme et au grossissement du détail lui permettant ainsi d’inventer des formes inédites et frappantes.

Dès la fin des années 1960, l’artiste multiplie dans ses tableaux de grands formats les références à l’histoire contemporaine avec ses « motifs allemands » dont les casques, qu’il traite avec une forte volonté de distanciation. C’est à partir de 1980 que Lüpertz revisite les figures mythologiques, les thèmes antiques et emprunte son iconographie aux maîtres anciens (Poussin, Goya, Courbet…). Il instaure, plus largement, un dialogue singulier entre la peinture et la sculpture, le figuratif et l’abstrait, le passé et le présent pour une nouvelle lecture de l’histoire de l’art moderne.

Très influent parmi les nouvelles générations de peintres et de sculpteurs, Markus Lüpertz a bénéficié d’importantes expositions à travers l’Europe (Bonn, Amsterdam, Madrid...) mais n’a jamais connu d’exposition de cette ampleur en France.




Markus Lüpertz vit et travaille entre Berlin, Düsseldorf et Karlsruhe.

Né en 1941 à Liberec en Bohême (aujourd’hui la République Tchèque), il émigre en Allemagne (Rhénanie) en 1948 et se forme à l’École des Arts Appliqués de Krefeld avant de s’installer à Berlin en 1962. Il y crée la série Donald Duck et ses premières peintures dithyrambiques qu’il expose dans la galerie Groβgörschen 35 dont il est cofondateur dès 1964. En 1974, il organise et participe à la première Biennale de Berlin et étend sa pratique à la sculpture en 1981. Travaillant sur des thèmes qu’il décline en séries, il réalise notamment les cycles Peintures de style, Alice au pays des merveilles, Congo, Pierrot Lunaire, Le sourire mycénien, Figures spectrales, D’après Poussin, Hommes sans femmes. Perceval, Nus de dos, Mozart, Mercure et Arcadie, qu’il continue de développer.

Poète et écrivain, Markus Lüpertz publie plusieurs manifestes artistiques et recueils de poèmes dès les années 1960. Il s’illustre également par la conception de vitraux et de décors de scène et de costumes pour des opéras. Il dirige l’Académie Nationale des Beaux-Arts de Düsseldorf de 1988 à 2009.

Internationalement reconnues, ses oeuvres sont conservées dans de prestigieuses collections publiques et privées européennes et américaines dont celle du Museum of Modern Art de New York. Plusieurs de ses sculptures monumentales sont installées dans l’espace public, en particulier dans la chancellerie fédérale à Berlin. Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris possède par ailleurs un important corpus d’oeuvres de l’artiste issu de la donation Michael Werner en 2012.

L’oeuvre de l’artiste a fait l’objet de nombreuses expositions et rétrospectives en Europe et aux États-Unis : Royal Academy of Arts, Londres, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 1981 ; Museum Boijmans van Beuningen, Rotterdam, 1987 ; Musée Ludwig, Cologne, 1989 ; Museo Nacional, Centro de Arte Reina Sofía, Madrid, 1991 ; Kunstmuseum, Bonn, 1993 ; Stedelijk Museum, Amsterdam, Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence, 1997 ; Neue Nationalgalerie, Berlin, 1999 ; LACMA, Los Angeles , The Phillips Collection, Washington, 2009 ; Gemeentemuseum, La Haye, 2011 ; Musée des Beaux-Arts, Bilbao, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg, 2014.