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“Patrick Faigenbaum” Kolkata / Calcutta
à la Fondation Henri Cartier-Bresson, Paris

du 13 mai au 26 juillet 2015



www.henricartierbresson.org

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 12 mai 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Patrick Faigenbaum, Dover Lane, Ballygunge, Kolkata sud, octobre 2014. © Patrick Faigenbaum.
2/  Patrick Faigenbaum, Pastèques, dans le quartier de Rajabazar, Kolkata nord, juillet 2014. © Patrick Faigenbaum.
3/  Patrick Faigenbaum, Dans le Shantiniketan Express, mai 2014. © Patrick Faigenbaum.

 


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Interview de Patrick Faigenbaum avec l'intervention de Jean-François Chevrier,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 12 mai 2015, durée 15'32". © FranceFineArt.
(portrait - de gauche à droite - Jean-François Chevrier et Patrick Faigenbaum)

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 
Lauréat du prix HCB 2013, Patrick Faigenbaum présente l’exposition « Kolkata/Calcutta » à la Fondation Henri Cartier-Bresson. Avec 33 photographies où se côtoient couleurs et noir et blanc, il nous fait voyager au sein de cette métropole dont il esquisse comme à coups de pinceau la vie et les contrastes.


Visage double

Comment rendre l’atmosphère d’une ville monstre comme Kolkata, ancienne Calcutta des colonies britanniques ? Voilà la question à laquelle Patrick Faigenbaum tente de répondre au travers de ses photographies. De l’intérieur domestique aux rues peuplées où se presse la foule, des paysages urbains aux marchés à ciel ouvert aux champs dorés de la région, ses œuvres esquissent le portrait d’une ville en crise mais qui ne manque pas d’une certaine poésie. Une poésie qui s’incarne d’ailleurs dans le buste blanc du grand poète bengali, Rabindranath Tagore, dont la teinte immaculée provoque un incroyable contraste avec les murs bariolés de vieilles affiches défraichies et aux teintes passées qui l’entourent. Poésie qui se retrouve aussi dans les couleurs, dans le rouge des bâtiments et le vert des arbres de cette rue mouillée de pluie vue du dessus et où déambulent les passants. Plus loin, c’est sur l’agitation que provoque la sortie d’une école qui attire le regard de Patrick Faigenbaum, le flou volontaire de la photographie traduisant le mouvement constant qui agite la ville et ses habitants, le noir et blanc contribuant ici à effacer encore un peu plus les contours (Une rue de Lake Town à la sortie de l’école, 2011). Et soudain, au milieu de ce spectacle urbain, jaillissent la campagne et la nature au détour d’un champ appartenant à la tribu santal, d’une scène de récolte de riz ou encore grâce à ces incroyables « Arrangements de fruits », natures où fruits et légumes exotiques figurent un territoire rural dans lequel s’ancre la ville.

Mais Patrick Faigenbaum ne se contente pas de photographier la vie urbaine de Kolkata, il en photographie aussi la vie culturelle. Par de nombreux portraits, il met en avant la culture profondément bengalie qui imprègne la région. À commencer par celui de l’artiste Shreyaji Chatterjee, son point d’entrée et son vecteur dans la découverte de la ville et dont il pénètre l’intimité. Sa famille, son travail moderne mais marqué par des influences traditionnelles telles la présence de ces incroyables tours torsadées qui ornent les temples indiens, mais aussi elle-même en train de broder sont tout autant de sujets qu’il fixe avec son objectif. De ces photographies, on retient parfois une certaine similarité avec les anciens portraits coloniaux. Assise bien droite dans son sari coloré, les mains croisées sur les genoux, Madame Kalijani Gosh offre ainsi son visage impassible et son regard clair au photographe. Quant au chanteur folk Saurav Moni, il pince distraitement les cordes de son instrument, figurant à lui seul une culture prégnante de la musique et du chant, pendant que le réalisateur et documentariste Goutam Gose, le visage plongé dans l’ombre du noir et blanc, rappelle le long héritage cinématographique de Kolkata.


Au plus près de la ville

Déambulant dans les rues et dans les paysages de la région, Patrick Faigenbaum photographie la ville telle qu’elle se présente à lui, même dans ses aspects les plus chaotiques. Ainsi ne peut-on pas ignorer ces hommes qui occupent un bâtiment aux murs tâchés d’humidité et qui semble constituer leur seul toit. Pourtant, aucun misérabilisme ne pointe dans cette vision de la ville et de ses immenses quartiers. Pas plus qu’il n’invoque l’imaginaire occidental sur lequel se fonde la perception de l’Inde. Tenu à distance, celui-ci disparaît derrière la vision objective mais toutefois teintée d’une certaine idéalisation, d’une certaine bienveillance, que porte le photographe sur ses sujets. Si les tenues sont colorées, la couleur ne heurte pas l’œil, reléguant l’exotisme de notre perception fabriquée à l’arrière-plan. C’est alors une région à deux facettes qui se dessinent, entre modernité urbaine et ruralité où s’accomplissent toujours les mêmes gestes immuables : puiser l’eau au puits (Puits à Ghosaldanga, 2013) ou récolter la moisson, chacun participant à l’effort (Moisson du riz, 2013). Et ce double visage n’est jamais aussi présent que sur ce fantastique et presque abstrait étalage de « Pastèques, dans le quartier de Rajabazar » (2014), où les fruits mûrs dévoilent leur chair rouge vif, tranchant sur le vert de leur écorce dans un contraste fascinant.

De Kolkata, Patrick Faigenbaum choisit finalement de photographier l’intime. Loin de se complaire dans les vues d’ensemble, il privilégie le détail, amusant, étonnant ou tout simplement véridique, se plaçant au plus près de la ville et de ses habitants. La rue bruissant de vie, les transports en commun même, deviennent alors le décor d’événements et de gestes qui se perçoivent comme tout autant de scènes domestiques. Kolkata se transforme en intérieur géant où se jouent des instants d’intimité. Ici, une file d’hommes dressés dans la nuit et éclairés par les néons d’un vendeur qui tient son étal en plein milieu de la rue se tiennent les yeux rivés sur un écran de télévision. Ailleurs, ce sont deux joueurs d’échec qui disputent une partie, oublieux de l’agitation qui les entoure, alors que se déploie à un mètre d’eux le trafic des voitures (Joueurs d’échecs sous l’autoroute urbaine). Les photographies deviennent alors de véritables petits tableaux qui esquissent par petites touches une Kolkata mouvante, avec ses couleurs, ses défauts, ses fulgurances poétiques.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat : Jean-François Chevrier



Du 13 mai au 26 juillet 2015, la Fondation Henri Cartier-Bresson présente « Kolkata/Calcutta », le projet réalisé par le photographe français Patrick Faigenbaum, lauréat du Prix HCB 2013. Un voyage au cœur de la métropole indienne qui retrouve son profil historique, au travers de personnages de la scène publique, de rites et de paysages intimes. L’exposition est accompagnée d’un livre édité par Lars Müller Publishers.

Formé à la peinture et nourri d’histoire de l’art, Patrick Faigenbaum réalise ses premières photographies au début des années 70 : le portrait demeure le motif essentiel de son travail et lorsqu’il s’en éloigne, c’est toujours avec une certaine intimité qu’il aborde les territoires encore inconnus de lui.  « La base de mon travail est la maison-atelier et le quartier où vit une artiste nommée Shreyasi Chatterjee, explique-t-il dans son dossier. Il s’agit d’éviter l’image de l’Inde éternelle ou pittoresque, sans pour autant favoriser une idée tout aussi caricaturale de la modernisation. »

Le projet a évolué et après six voyages successifs de l’auteur à Kolkata et dans ses alentours, il est désormais titré Kolkata/Calcutta. Ce « doublet » fait ainsi référence à cette métropole du Bengale autrefois nommée Calcutta par les Britanniques, où persistent encore les signes de ces divisions en quartiers, très présents dans le travail de Faigenbaum. Comme le rappelle le critique et historien d’art Jean-François Chevrier dans le livre, les images de Patrick procèdent d’une vision intériorisée de la ville ; elles sont le résultat d’un regard subjectif, orienté par diverses personnes.

Les rencontres ont été déterminantes ; de nombreux artistes, musiciens, cinéastes de la scène publique. Il assiste aussi à certains rituels du quotidien bengali, sans jamais oublier sa position de regardeur privilégié, de voyageur, passager de nombreux trains, qui n’oublie pas ses attaches occidentales.

Le livre, édité par Lars Müller Publishers est un ouvrage dense, riche de nombreuses informations sur la culture bengalie, constitué de sept séquences distinctes qui reflètent malgré tout la façon intuitive dont procède le photographe, sous l’égide, ici, du grand poète bengali Tagore: portraits, scènes de rues, vie rurale ou natures mortes s’y succèdent. À leur propos Chevrier commente : « une nature morte est un modèle de paysage, et le paysage une nature morte élargie. Leur teneur documentaire tient exclusivement au choix des fruits rassemblés. Mais elles constituent une image métaphorique du territoire rural qui englobe l’agglomération. » Des légendes, largement développées parfois, terminent l’ouvrage en soulignant avec précision le désir d’intégrer les strates de cette culture aux images, mais aussi l’approche plastique du photographe.

L’exposition présente 33 œuvres, analogues à des tableaux, d’assez grands formats, couleur et noir et blanc. Dans le cadre de la nouvelle alliance conclue entre la Fondation d’entreprise Hermès (Mécène exclusif du Prix HCB) et la Fondation Aperture, l’exposition sera présentée à New York du 18 septembre au 29 octobre 2015.