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“Pascaline Marre” ArméniÉe
à la galerie binôme, Paris

du 12 juin au 24 juillet 2015



www.galeriebinome.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l’exposition avec l'artiste, Pascaline Marre, le 17 juin 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Pascaline Marre, Fantômes d’Anatolie, Diyarbakir, église Surp Giragos. © Pascaline Marre, courtesy Galerie Binôme.
2/  Pascaline Marre, Fantômes d’Anatolie, Samandağ, Cilicie. © Pascaline Marre, courtesy Galerie Binôme.
3/  Pascaline Marre, Fantômes d’Anatolie, Ordu, maison abandonnée. © Pascaline Marre, courtesy Galerie Binôme.

 


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Interview de Pascaline Marre,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 17 juin 2015, durée 13'21". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Dans l’histoire du génocide arménien, la rareté des documents photographiques d’époque a joué en faveur du négationnisme. S’ajoute au XXIème siècle, la disparition des derniers témoins rescapés. S’intéressant aux questions du déni et de la disparition, la photographe Pascaline Marre a entrepris en 2004 une réflexion sur les traces et la place du génocide arménien dans l’histoire et l’inconscient collectif. Pendant dix ans, de la Turquie aux confins de l’Iran, elle a remis en image l’effacement de l’histoire par l’absence, le vide et la transformation. Une écriture photographique évocatrice “pour révéler ce qui n’est plus, ce qui a vécu et qu’on ne peut plus chérir, visiter ou transmettre”.




Fantômes d’Anatolie, 2004-2014 : le projet par Pascaline Marre

“Fantômes d’Anatolie questionne la place du génocide arménien dans l’histoire turque et l’esprit collectif turc.

Au-delà d’un devoir de mémoire, il y avait le besoin de revisiter une histoire niée par les gouvernements turcs successifs, révéler sa contemporanéité par l’image. Se donner l’espoir qu’un essai photographique pourrait en appeler un autre, qu’il pourrait être un prétexte pour nourrir d’autres recherches, d’autres réflexions, et rendre l’Histoire vivante. Rendre tangible par la photographie la véracité de ce qui a été et qui n’est plus ; ce qui fut et qu’on ne peut plus visiter, chérir et transmettre.

Mais comment mettre en images une histoire survenue il y a 100 ans, quand les preuves tangibles ont quasiment disparues ? Et comment traduire visuellement l’omniprésence de cette histoire sur un territoire qui oeuvre, depuis, à son effacement ?

J’ai choisi de travailler sur une écriture évocatrice, cherchant des signes, des symboles. Rester dans l’évocation afin d’aller vers l’essentiel ; débarrasser l’image de référents immédiats et encombrants, et mettre en regard les faits historiques et la réalité d’aujourd’hui. Je suis donc partie des lieux qui conservaient encore des traces visibles de la présence arménienne et de son histoire. De ces lieux de mémoire, s’échappait le vide. Montrer la réalité de ce vide et de cette transformation était une façon de traduire le silence et le déni.

Au-delà du crime indescriptible, la position du déni soulève une injustice profonde à la fois universelle et singulière, touchant à l’Histoire, aux liens que nous tissons tous avec nos réalités respectives et nos histoires personnelles, à la reconnaissance d’un peuple et de sa réalité historique, à notre besoin inhérent de marquer notre présence et de l’inscrire dans l’Histoire et le monde, et à tant de questions que posent les crimes génocidaires, et que j’ai tenté d’exprimer par la photographie, puis par l’écriture.”


Ce corpus, formé d’une centaine d’images en couleur et noir et blanc, a été réalisé à travers toute l’Anatolie. Lors de ses voyages, Pascaline Marre était accompagnée d’Osman Köder, éditeur spécialiste de la question des minorités en Turquie. Ce travail est le fruit de nombreuses années de lecture et de recherche sur l’histoire du génocide arménien, mais également d’autres génocides. Pascaline Marre s’est immergé dans ces événements historiques afin d’en explorer leur mécanisme, dans leur forme et leur fond : Comment amène-t-on un peuple à l’assassinat collectif et l’éradication d’un autre peuple ? “De nombreux ouvrages en ont étudié les faits historiques et décortiqué les ressorts, mais cette question reste malgré tout sans réponse réellement satisfaisante, autre que celle de voir dans le génocide, l’expression de la nature humaine dans ce qu’elle a de plus destructrice et sombre”.




Photographier, après par Anouche Kunth, historienne (CNRS)

“Longtemps, le corpus photographique sur le génocide des Arméniens s’est limité à de rares images, contemporaines de l’événement lui-même.” “Les images du passé, femmes et enfants décharnés, icônes de souffrance reproduites d’ouvrages en brochures, formèrent ce socle de représentation collectives indispensables à la remémoration publique d’un fait tombé dans les oubliettes de l’histoire.”

“Durant les années 2000, un à un les derniers survivants se sont éteints. Besoin s’est fait sentir, pour rester en lien avec un passé de plus en plus lointain, d’aller au-delà de la reproduction invariable des images originelles.“

“Sur le terrain de la photographie, Pascaline Marre campe sa singularité par son choix d’approcher au plus près les vies matérielles. Car c’est là, dans l’environnement familier des habitants d’Anatolie, dans le réagencement des pierres, dans le réemploi des édifices, qu’elle décèle l’actualité de la disparition des Arméniens. L’approche de Pascaline Marre fait ainsi songer au projet de la micro-histoire, pour sa capacité à saisir des configurations sociales complexes en s’arrêtant sur un détail, en plaçant les traces et les restes au coeur de sa quête. Le médium adopté permet aux choses d’acquérir du sens, dès l’instant où, photographiées, prises en charge par la double subjectivité de l’auteur et du spectateur, elles deviennent autant de fenêtres ouvrant sur l’invisible.” “La gageure, pour Pascaline Marre, fut de capter par la photographie le déploiement de cet écran amnésique. Montrer comment son opacité dissimule, tout en laissant des traces affleurer par endroits. Les photographies offrent au regard ces réalités palpables qui, mieux que n’importe quel discours, font pénétrer dans le matériau trouble de la mémoire.”

“Le parcours s’achève sur le mot Espoir. Jeté comme une bouteille à la mer. Dans les flots de la dernière image. Deux êtres courent sur la plage de Samandagh, droit devant. Une course heureuse vers la Méditerranée, non loin de l’endroit où en septembre 1915 des milliers d’Arméniens grimpèrent à bord d’une escadre française. Hommes, femmes, enfants, sauvés d’une mort certaine. Des semaines durant, retranchés dans la montagne voisine, ils avaient tenu tête aux soldats turcs venus les tuer. Plus tard, leur résistance serait connue des Juifs du ghetto de Varsovie. On dit que ces derniers puisèrent dans cet épisode davantage de courage, davantage de détermination qu’ils n’en avaient déjà face à leurs oppresseurs. Ils se soulevèrent à leur tour.”


extraits du texte d’Anouche Kunth, introduction du livre Fantômes d’Anatolie de Pascaline Marre (Fantômes d’Anatolie, regard sur le génocide arménien. Photographies et textes de Pascaline Marre, introduction Anouche Kunth chez Escourbiac - parution mars 2015 )




Biographie Pascaline Marre
Après six années d’études aux Etats-Unis en histoire de l’art et photographie, Pascaline Marre vit et travaille à Paris. Son travail explore la disparition, réelle et imaginaire, historique ou fantasmée. Si ses sujets au long cours vont à la rencontre de l’autre dans une tradition documentaire et sociologique, son écriture photographique reste profondément personnelle et intimiste. Ces recherches l’ont successivement conduite dans la France rurale (Les Bonales, paysans du Quercy blanc, sélection du prix de la Fondation Bleustein-Blanchet, 2001), à La Courneuve, au Liban, en Arménie et en Turquie, et plus intimement dans la maison de famille de son enfance. Son premier livre de photographies, Mon travail n’intéresse personne, est édité chez Husson en 2011. La série Nos maisons de famille, présentée aux Voies Off pendant les Rencontres d’Arles en 2009, est publiée aux Editions de La Martinière en 2012 avec un texte de Anne Wiazemsky. En 2014, elle achève le travail mené depuis 2004 sur le génocide des arméniens avec la série Fantômes d’Anatolie, le film (2014) et le livre (2015) éponymes, publié chez Escourbiac. Arméniée est sa deuxième exposition monographique à la Galerie Binôme, Paris, qui la représente depuis 2012.