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“Gottfried Honegger” article 1651
au Centre Pompidou, Paris

du 24 juin au 14 septembre 2015



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse avec Gottfried Honegger, le 22 juin 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Gottfried Honegger, Sans titre, 1958. Huile sur toile, 70 x 70 cm. Centre national des arts plastiques. Donation Albers-Honegger, 2002. © Gottfried Honneger / CNAP/ photo : Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux.
2/  Gottfried Honegger, Tableau-relief P1, 1962-1963. Acrylique et huile sur éternit, polyster et laine de verre. Marseille, [MAC] Musée d’art contemporain. © Photo V. Ecochard, ville de Marseille.
3/  Gottfried Honegger lors de son exposition à la Martha Jackson Gallery à New York. © DR.

 


1651_Gottfried-Honegger audio
Interview de Christian Briend, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 juin 2015, durée 8'36". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Christian Briend, Conservateur au Musée national d’art moderne,
assisté de Nathalie Ernoult, attachée de conservation




Pour la première fois, le Centre Pompidou consacre une exposition à l’artiste suisse Gottfried Honegger. À travers une cinquantaine d’oeuvres (dessins, peintures, sculptures), l’exposition remet en lumière la trajectoire artistique de cet acteur majeur de l’art abstrait, en mettant principalement l’accent sur la genèse et le développement de ses Tableaux-reliefs.

Aujourd’hui âgé de 97 ans, Gottfried Honegger est un artiste à redécouvrir. Il commence sa carrière comme graphiste à Zurich dans la mouvance des artistes Concrets suisses. Ce n’est qu’en 1958, lors d’un séjour à New York, qu’il choisit de se consacrer exclusivement à son travail artistique. C’est là qu’il montre pour la première fois des peintures monochromes dont la surface est animée par des éléments géométriques répétitifs en faible épaisseur, les Tableaux-reliefs. En 1960, Honegger s’installe à Paris. Fasciné par le livre de Jacques Monod, Le Hasard et la nécessité, Gottfried Honegger est, dès 1970, l’un des premiers artistes en France à avoir recours à l’informatique. L’idée de programmation inspire aussi la conception des Tableaux-reliefs, dont les formats deviennent monumentaux. La distribution des couleurs et des formes, modules après modules, est également confiée au hasard par le biais de jeux de dés.

Échappant à toute monotonie malgré son aspect sériel, cette production permet à l’artiste une grande variété d’approches. Dans les années 1980 apparaissent des polyptyques ou encore des peintures dont les châssis découpés font jouer au mur d’exposition un rôle structurant. Depuis les années 1990, les Tableaux-reliefs – émancipés du plan du tableau – se confrontent à l’espace sous la forme de reliefs ou de sculptures de métal peint. Les Pliages, qui ajourent des cylindres blancs dont les découpes se développent dans l’espace, constituent le point d’orgue de l’exposition.

L’exposition du Centre Pompidou présente des oeuvres des collections publiques françaises et d’importantes collections privées étrangères. Elle rend hommage à un artiste au parcours à la fois sensible et radical.

Gottfried Honegger compte parmi les grands donateurs des collections publiques françaises d’art moderne et contemporain. Artiste engagé, animé dès sa jeunesse par de profondes convictions sociales, il a fondé avec son épouse en 1990 l’Espace de l’Art Concret, installé à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), qui présente leur collection – plus de cinq cent cinquante oeuvres offertes à l’État –, regroupant des artistes des avant-gardes et de l’art abstrait.


L’exposition est accompagnée d’un catalogue sous la direction de Christian Briend - Coédition Centre Pompidou / Fage éditions




extrait du catalogue : Programmer / dessiner par Christian Briend

Depuis 1984, grâce à un don de Gottfried Honegger, le musée national d’art moderne conserve un grand dessin de l’artiste qui a peu attiré jusqu’ici l’attention des chercheurs et qui est d’ailleurs montré pour la toute première fois dans la présente exposition. Légèrement décentré sur une feuille au format inhabituel (74,9 x 108 cm), ce dessin particulièrement élaboré se présente comme un quadrillage rectangulaire divisé en trois parties, fait à l’encre noire et uniformément recouvert de crayon de couleur. Après examen des nombreuses annotations à la mine graphite qui l’accompagne, celui-ci se révèle constituer une étude poussée pour trois Tableaux-reliefs, dont l’un est aujourd’hui conservé par le Centre Pompidou. Rarissime dans la production de Honegger, cette oeuvre qui conserve la trace d’une importante commande, éclaire d’un jour particulier la genèse des Tableaux-reliefs des années 1970 tout en rappelant la place que tiennent les données graphiques dans la production de Honegger. [...]

À l’occasion de sa première exposition à la galerie Denise René en 1974, Gottfried Honegger était entré en contact avec Claude Renard, conseiller artistique de la régie Renault, qui menait alors une active politique en faveur de l’art contemporain au sein de la structure Recherches Art et Industries. Sans attendre, Renard passe commande à l’artiste suisse. Jusqu’à présent les commandes que ce dernier avait reçues, avaient surtout mobilisé le sculpteur et non le peintre. En 1968, Honegger avait ainsi conçu des bas-reliefs en ciment ou en béton comme celui pour la cour d’une école de Villmergen ou celui pour l’entreprise Wanner AG à Bilten, qui agrandissaient des compositions voisines de celles de certains de ses Tableaux-reliefs.

Pour Renault, il imagine un impressionnant dispositif de trois Tableaux-reliefs monumentaux occupant un espace approximatif de trois mètres de haut sur quatre mètres cinquante de large qui devait « constituer de véritables murs animés ». En témoigne donc le dessin du Centre Pompidou, sans doute conçu pour être présenté au commanditaire, qui constitue tout à la fois une vue d’ensemble et une étude de détail pour chacune des trois peintures prévues. Honegger les peint dans un atelier situé à Ivry, dans la région parisienne. Cependant, pour des raisons que nous ignorons, ce projet ne sera pas mis en place et l’artiste devra se résoudre à dissocier l’ensemble prévu en trois oeuvres devenues autonomes : P 757 A (celui acquis par le Centre Pompidou que l’artiste considérait comme une « oeuvre-clé »), P 757 B (Reutlingen, collection Manfred Wandel) et P 758 (collection particulière) serviront de final à la rétrospective « Gottfried Honegger » organisée par le musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1978, également présentée à Sénanque et à La Haye.

Quoiqu’il en soit de son issue décevante, cette commande aura tout de même donné l’occasion à l’artiste de concevoir pour la première fois des Tableaux-reliefs véritablement monumentaux mais aussi d’aborder la question du triptyque, qui deviendra chose courante dans les années 1980, où, nouveauté importante, les différents panneaux feront souvent alterner surfaces mates et brillantes. Surtout, les « panneaux Renault » frappent par la sobriété de leur organisation formelle, purement orthogonale, et constituent à ce titre des oeuvres où la « méthode » Honegger, mêlant « éléments prédéfinis et intervention du hasard » comme l’artiste l’a indiqué lui-même sur notre dessin, s’exprime dans sa plus grande pureté conceptuelle.

Les « études pour peinture 758 + 757 », pour reprendre à nouveau l’une des inscriptions présente sur ce dessin décidemment bavard, en expose très clairement le « programme ». Ce dernier terme n’est évidemment pas utilisé de manière anodine par un artiste qui, comme Vera Molnar en France dans ces mêmes années, fut l’un des pionniers européens de l’utilisation de l’ordinateur à des fins artistiques. En 1970, dans le cadre de l’Ecole polytechnique de Zurich ETH, Honegger avait eu accès à un ordinateur équipé du langage de programmation de haut niveau « Fortran » (pour Formula Translator), créé par l’ingénieur John Backus en 1954. La machine, associée à un traceur Calcomp 565, lui avait permis de produire –avec l’aide de deux programmateurs- plusieurs ensembles de dessins, qui, paradoxalement, sont les premiers dessins importants que nous connaissons de Gottfried Honegger, alors qu’il n’y a pas mis la main.

Cette brève « expérience » informatique, contemporaine de la lecture par l’artiste de l’ouvrage séminal de Jacques Monod, Le Hasard et la Nécessité, devait le confirmer dans son recours systématique à l’aléatoire. Ce sont cependant de plus rustiques jeux de dés et non l’ordinateur, trop sophistiqué et complexe à mettre en oeuvre, qui sont à l’origine de la structure définitive des trois panneaux conçus pour la régie Renault. Ceux-ci sont chacun rigoureusement divisés en dix-huit carrés (3 en largeur pour 6 en hauteur) qui reprennent l’un des six modules que Honegger a pris le soin de dessiner en partie haute de notre dessin et qui comportent un nombre croissant de rectangles de même dimension (2, 3, 4, 5, 6 ou 7) se présentant dans le sens de la hauteur.

Par exemple le tableau P 757 A du Centre Pompidou n’utilise que deux modules, tirés aux dés, ceux comportant respectivement cinq et sept rectangles. Cette grille qui joue sur la dilation d’une forme simple, aux proportions proche du support allongé des trois Tableaux-reliefs concernés, produit par moments de subtils décalages entre les différents niveaux conférant à ces peintures tramées une rythmique particulière, en accord avec l’effet décoratif espéré. En confrontant les peintures réalisées au dessin-programme du Centre Pompidou, on s’aperçoit cependant que la disposition des modules n’a pas été toujours intégralement respecté par Honegger (c’est le cas notamment du P 757 B de la collection Wandel), preuve s’il en était que le hasard peut être encore sollicité au cours de la mise en oeuvre du Tableau-relief. [...]