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“Valérie Belin” Les images intranquilles
au Centre Pompidou, Paris

du 24 juin au 14 septembre 2015



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse avec Valérie Belin, le 22 juin 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Valérie Belin, Mannequins (Sans titre), 2003. Épreuve gélatino-argentique. © Centre Pompidou, MNAM-CCI/G.Meguerditchian /Dist. RMN-GP. © Adagp, Paris 2015.
2/  Valérie Belin, Métisses (Sans titre), 2006. Tirage pigmentaire. Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles. © Adagp, Paris 2015.

 


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Interview de Valérie Belin,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 juin 2015, durée 14'46". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Clément Chéroux, conservateur, chef du cabinet de la photographie au musée national d’art moderne
assisté de Marie Auger




D’où provient ce sentiment d’inquiétante étrangeté que produisent les photographies de Valérie Belin ? De la carnation vivante de ses mannequins de vitrine, de la fixité du visage de ces femmes rencontrées dans la rue ? De l’aspect organique de ces carcasses de voitures, du caractère sculptural de ces boeufs écorchés ? Est-ce un sosie ou une statue de cire ?

Le Centre Pompidou consacre, pour la première fois, une exposition à l’oeuvre de Valérie Belin du 24 juin au 14 septembre. Constituée d’une trentaine d’oeuvres, l’exposition est organisée autour de la toute dernière série de Valérie Belin, « Super Models ». Cette nouvelle proposition renoue avec la thématique du mannequin qui est au coeur du travail de l’artiste, en lien avec des oeuvres antérieures provenant de collections publiques ou privées.

Par le traitement de la lumière, des contrastes, les proportions des tirages et autres paramètres savamment orchestrés, Valérie Belin joue de l’incertitude. Devant ses images, il est souvent difficile de dire si ce que l’on regarde est doué de vie ou inanimé, réel ou virtuel, naturel ou artificiel. Des détails subtils qui interrompent la continuité quotidienne, ramenant au concept d’inquiétante étrangeté de Sigmund Freud qui la définissait justement comme « Le fait de douter qu’une créature apparemment vivante soit animée, et à l’inverse l’idée qu’une créature sans vie pourrait bien être animée, en se référant à l’impression produite par les mannequins de cire, les poupées ou les automates réalisés avec art » [ Sigmund Freud, « L’Inquiétante étrangeté », 1919 ]. C’est cela précisément qui confère aux oeuvres de Valérie Belin une singulière puissance et le choix des oeuvres ici réunies, « Michael Jackson », « Black Women I », « Lido », « Meats », « Engines », …, illustre cet aspect spécifique de son travail.

À l’occasion de l’exposition consacrée à Valérie Belin, les Éditions du Centre Pompidou et les Éditions Dilecta s’associent pour réaliser une monographie de référence sur cette artiste-photographe incontournable de la scène culturelle actuelle. Sous la direction de Clément Chéroux, le catalogue reprend les treize séries présentées dans l’exposition et explore les thématiques chères à l’artiste: la surface des choses inanimées ou celle des êtres, le temps figé et la question de l’identité.

Les essais de Larisa Dryansky, docteur en histoire de l’art de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Clément Chéroux, et un entretien entre Valérie Belin et Roxana Marcoci, conservateur au département de la photographie au MoMA (New York) prolongent l’expérience en proposant les clés indispensables pour cerner le travail de l’artiste.




Trois questions à Valérie Belin - Propos recueillis par Clément Chéroux, commissaire de l’exposition, conservateur au musée national d’art moderne Publié dans le Code Couleur N°22, mai - août 2015

Clément Chéroux - Comment et pourquoi avoir choisi la photographie pour construire votre oeuvre ?
Valérie Belin
- J’ai commencé à faire mes premières photographies vers 1984. Cette époque était encore très marquée par ce qu’on appelait l’art « conceptuel ». L’art minimal américain a aussi fait partie de mes premières influences. Pourquoi la photographie ? Peut-être pour cette faculté d’être en prise directe avec le réel au travers d’une expérience, et cette facilité à obtenir immédiatement un résultat visible. Je me suis alors intéressée aux « choses », et à leur manifestation au travers de ce processus d’objectivisation qu’est la photographie. Il m’est apparu qu’il existait une sorte de symbiose entre l’essence purement lumineuse des objets que je photographiais et la nature du medium photographique. La photographie s’est imposée comme un moyen d’exister. La « caméra » est devenue l’outil que j’ai utilisé, comme la machine à écrire est celui qu’utilisent les écrivains. C’est devenu un système, et ma façon de travailler.

CC - Une nouvelle série - présentée pour la première fois dans cette exposition - revient au thème des mannequins. Pourquoi cette fascination ?
VB
- J’ai réalisé une première série de photographies de mannequins de vitrine en 2003, après avoir photographié de véritables « modèles » en 2001. J’ai fait ces « portraits » avec le même souci de réalisme, comme pour atteindre une sorte d’équivalence. Dans mes photographies, les mannequins de cire sont aussi vivants que les modèles ; c’est ce paradoxe de la représentation que j’ai cherché à atteindre. Le mannequin est un être parfait, idéal, mais aussi ambigu ; il provoque un trouble de la représentation. C’est une thématique assez récurrente dans mon travail ; je photographie les visages comme des masques. Je suis fascinée par la notion d’animé et d’inanimé. J’ai repris cette thématique dans ma dernière série de photographies, mais en utilisant d’autres artifices de la représentation, par l’usage d’un motif ou d’un décor, afin d’introduire un effet de plus grande « humanité ».

CC - Comment expliquez-vous l’effet d’inquiétante étrangeté que produisent souvent vos images ?
VB
- Cette notion « d’inquiétante étrangeté », qui est à l’oeuvre dans mes photographies, est un concept très présent dans la littérature romantique allemande du 19ème siècle ; c’est aussi devenu un concept freudien. Ce sentiment irrationnel peut survenir, par exemple, par le doute suscité « soit par un objet apparemment animé dont on se demande s’il s’agit réellement d’un être vivant, soit par un objet sans vie dont on se demande s’il ne pourrait pas s’animer ». C’est ce paradoxe que je mets à l’oeuvre. Ce malaise survient dans ce moment de doute où l’on pense apercevoir un autre que soi-même dans le reflet de la vitre ou du miroir. La photographie peut être ce miroir tendu dans lequel on ne se reconnaît pas.