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“Samuel Gratacap, Empire” prix LE BAL de la jeune création
au Bal, Paris

du 11 septembre au 4 octobre 2015



www.le-bal.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 10 septembre 2015.

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1/  2/  3/  Samuel Gratacap, Empire. © Samuel Gratacap, 2012-2014 / Prix LE BAL de la jeune création.

 


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Interview de Samuel Gratacap,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 11 septembre 2015, durée 17'25". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Pascal Beausse

À l’occasion du lancement du « Prix LE BAL de la jeune création » en partenariat avec l'ADAGP, LE BAL présente l’exposition EMPIRE consacrée au travail de Samuel Gratacap (né en 1982).

« S'il y avait la sécurité dans mon pays, je ne resterais pas ici, même pas un quart d'heure. » Omar

« Situé en Tunisie à 5 km du poste de frontière avec la Libye, le camp de Choucha est devenu un lieu de transit pour plusieurs centaines de milliers de réfugiés d’origine subsaharienne qui ont dû fuir la guerre en Libye. Depuis 2011, date d’apparition du camp dans le désert tunisien, j’ai suivi le quotidien des réfugiés. Mon travail photographique et vidéo rend compte de l’espace-temps particulier de ce lieu de vie marqué par l’attente. L’attente liée aux différentes étapes des demandes d’asile déposées par les réfugiés qui se mêle à la tension de ces destins suspendus dans un lieu temporaire, devenu pérenne par la force des choses, pour finalement disparaître. » Samuel Gratacap




CHOUCHA

« Samuel Gratacap n’est jamais ni dans la mise en scène, ni dans la rigueur de l’oeil froid, mais endosse plutôt le rôle de celui qui témoigne d’un monde dont il devient une composante. C’est d’ailleurs pour cela que les paroles de ceux qu’il rencontre prennent pour lui tant d’importance. Toujours à la recherche de la juste distance, il témoigne aussi filmiquement d’une crise humanitaire : il donne alors un visage au sentiment tenace de l’abandon, malgré l’espoir toujours renouvelé du départ. » Léa Bismuth

L’exposition sera accompagnée d’un livre co-édité par LE BAL et Filigranes éditions, conçu par Pierre Hourquet et l’artiste en collaboration avec Guillaume Gratacap.« Choucha : un camp de réfugiés situé en Tunisie, à 5 kilomètres du poste-frontière avec la Libye et à une vingtaine de kilomètres de la ville de Ben Guerdane. Créé en février 2011, le camp est un lieu de transit pour plusieurs centaines de milliers de réfugiés durant la guerre civile libyenne et les attaques de l’Otan. Alors que les réfugiés libyens sont accueillis dans des familles tunisiennes et s’établissent temporairement à Tunis ou dans le camp de Remada, les réfugiés d’origine subsaharienne affluent à Choucha. Je m’y suis rendu la première fois au mois de janvier 2012, pour accompagner une journaliste. Me confrontant aux règles du reportage à court terme, je faisais face à la réalité complexe du camp et à mes propres difficultés pour en restituer une image. Je décidai alors de revenir à partir du mois de juillet 2012, afin de démarrer un travail documentaire au long cours, photographique et vidéo.

Choucha : la première image
Un an après l’ouverture du camp en janvier 2011, passé la « crise » libyenne et la mort de Kadhafi en octobre 2011, le sort des réfugiés n’intéressait plus autant les médias. Je ne fais pas beaucoup de photographies les deux premiers mois. Je n’y arrive pas. Tous se sentaient abandonnés. La première image est celle d’un lieu dominé par la lumière et par le vent, un morceau de désert tunisien. Des silhouettes, les habitants de ce lieu de vie temporaire, des apparitions fantomatiques et lointaines. Une de mes premières photographies est celle d’un homme tchadien qui tient à bout de bras un morceau de feuille A4 : la confirmation du rejet définitif de sa demande de statut de réfugié – REJECTED. C’est une image, et il me l’offre. La vie, l’avenir de cet homme tiennent sur ce bout de papier tendu comme un manifeste.

Sur aucune carte
Choucha, janvier 2014, des femmes et des enfants mendient l’eau et la nourriture pendant que les hommes s’efforcent de trouver du travail dans la ville de Ben Guerdane. Je n’étais pas revenu dans le camp depuis juillet 2013, je savais que les organisations humanitaires étaient parties mais je n’avais pas idée des conséquences. Les réfugiés de Choucha – hommes, femmes et enfants – vivaient la double peine, celle de subir la fin d’un conflit et celle d’être laissés là trois années après l’ouverture du camp. J’ai commencé par dessiner une carte, comme pour m’excuser d’être là. Je souhaitais représenter ce morceau de territoire tunisien qui n’était sur aucune carte et qui certainement ne le serait jamais. Un lieu surexposé à la lumière et des personnes sous-exposées médiatiquement. J’ai effectué ce relevé en deux temps : un en juillet 2012, et l’autre six mois plus tard. Le nombre de tentes avait diminué entre-temps. Comment représenter ce territoire en constante recomposition ? L’(in)utilité de cette carte ? Je suis un cartographe profane. « Child protection », « vulnerable cases »…

Le vent balaie tout
Aujourd’hui, en 2015, ceux qui restent ne veulent toujours pas de Choucha. Ils ne veulent toujours pas de cet « Empire » et voudraient manifester. Mais, à quoi bon une manifestation en plein désert ? Le vent balaie tout. Les familles ont quitté le camp au début de l’année 2014. Elles sont retournées en Libye pour rejoindre l’Italie par la mer. « Quatre ans passés à Choucha, et tu finis par te transformer en vieillard », m’avait dit un jour Amidou. « Même pas un quart d’heure », m’a dit un jour un jeune Gambien, Omar ; « S’il y avait la sécurité dans mon pays, je ne serais pas resté ici dans ce camp. Même pas un quart d’heure. »

Texte de Samuel Gratacap en collaboration avec Léa Bismuth




Samuel Gratacap
, Lauréat du Prix SFR/LE BAL de la jeune création photographique européenne (2013)

Un jury composé de Pascal Beausse, responsable des collections photographiques du CNAP ; Valérie Jouve, artiste ; Oriane Bonifassi, responsable SFR Jeunes Talents ; Diane Dufour, directrice du BAL et Fannie Escoulen, commissaire d'exposition indépendante, lui a décerné le prix. Les précédents lauréats sont : Marie Sommer, Lolita Bourdet, Dorothée Davoise et Sylvain Couzinet-Jacques.

Depuis 2007, Samuel Gratacap (1982) mène une réflexion sur la représentation des enjeux géopolitiques nord-sud, sud-sud, et des espaces transitoires sur la carte des routes migratoires en Méditerranée. Son travail d’investigation et d’immersion s’articule autour de l’image photographiée et filmée. Il a déjà concrétisé plusieurs projets dans des zones de transit, notamment dans le centre de rétention administrative de Marseille (2007-2008), sur l’île de Lampedusa en Italie (2010), et vit depuis quatre ans entre la France, la Tunisie et la Libye. Il a suivi sa formation artistique à l’école des beaux-arts de Bordeaux, puis à l’école supérieure des beaux-arts de Marseille où il s’est orienté vers la photographie et la vidéo. Il fut assistant pour le collectif Stalker (2004-2008) puis des artistes Bouchra Khalili (Mapping journeys — 2008) et Antoine d’Agata (Odysseia — 2013).


L’exposition sera accompagnée d’un livre co-édité par LE BAL et Filigranes éditions, conçu par Pierre Hourquet et l’artiste en collaboration avec Guillaume Gratacap.