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“Carte blanche à Lee Bae” Saison de Corée
au Musée Guimet, Paris

du 18 septembre 2015 au 25 janvier 2016



www.guimet.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse avec Lee Bae, le 17 septembre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Affiche de l’exposition Carte blanche à Lee Bae. © MNAAG / Conception graphique : Pauline Roy.
2/  Lee Bae installant l’œuvre Issu du feu au MNAAG, 2015. Charbon de bois avec élastiques. © Lee Bae/ photo : Châlet Pointu.
3/  Vue de l’installation Carte blanche à Lee Bae (détail) MNAAG, 2015. © LeeBae / photo : André Maurin.

 


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Interview de Lee Bae,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 17 septembre 2015, durée 7'51". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat général : Sophie Makariou, présidente du MNAAG
Commissariat : Éric Lefebvre, directeur du musée Cernuschi




Cet automne, le MNAAG met la Corée à l’honneur dans le cadre des années croisées célébrant, en 2015, le 130e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Corée. À travers trois expositions et une programmation spéciale à l’auditorium, le musée propose de découvrir l’art de ce pays encore trop méconnu en France. Saison de Corée en explore les facettes variées jusqu’au plus contemporain.

Carte blanche à Lee Bae inaugure cette saison le 18 septembre 2015 (jusqu’au 25 janvier 2016), avec une installation présentée dans la rotonde du 4e étage du musée. Établi à Paris depuis 1990, l’artiste plasticien coréen Lee Bae (né en 1956 à Chung-Do en Corée du Sud) a instauré une forme de connivence avec le charbon, matériau au centre de son imaginaire et à la forte portée symbolique et rituelle dans la culture coréenne. Sa démarche tient à la fois de la performance, de la peinture et du dessin. D’une grande cohérence plastique, elle conjugue perception de la matière et de la lumière, opposition du noir et du blanc, et ouvre une réflexion sur le temps. La carte blanche proposée par le MNAAG à Lee Bae a donné lieu à une intervention qui réunit peinture, sculpture et vidéo au sein d’un espace conçu par l’artiste comme une « grotte contemporaine », sous la voûte de la rotonde du musée.




Entretien entre Lee Bae et Henri-François Debailleux - (2011, extraits)


Pour retracer un peu votre parcours, à vos débuts, vous avez donc travaillé avec du charbon de bois. Qu’est ce qui vous a amené à choisir ce matériau?

Lorsque je suis arrivé à Paris, en février 1990, j’ai trouvé un atelier à Pantin dans une ancienne usine de la Seita. Pour peindre, je suis allé acheter du matériel dans des magasins spécialisés et là j’ai été très surpris par les prix. J’avais peu de moyens financiers et pour moi c’était horriblement cher, notamment les couleurs. J’ai beaucoup hésité et près de mon atelier il y avait un entrepôt de bricolage et de matériaux de construction où j’ai trouvé des sacs de charbon de bois pour faire un barbecue...Je ne sais pas pourquoi j’ai acheté un de ces sacs. Et je me suis alors souvenu que lorsque j’étais étudiant aux Beaux-Arts à Séoul, j’avais commencé avec des fusains et que c’était la même matière. Je me suis aussi tout de suite rendu compte qu’avec un sac je pouvais travailler une semaine, ce qui était économique. J’en étais très content parce que cela me permettait de ne pas me limiter, de ne pas me freiner à cause du coût des matériaux. Dans un premier temps, j’ai utilisé ce charbon de bois comme du fusain. Et puis, petit à petit, en avançant dans mon travail, j’ai acheté un médium acrylique demi-transparent pour la fixation, ce même medium que j’utilise d’ailleurs aujourd’hui dans mes tableaux. Je trempais le charbon dedans et quand je dessinais ça se collait tout seul. Je frottais beaucoup et la poudre de charbon chargeait la toile, ce qui donnait des reliefs de matière intéressants.

[…]

Avec le charbon de bois vous avez également réalisé des installations. Quel en était le sens?

Je voulais aller encore plus loin dans cette volonté de mettre en avant le matériau, de donner encore plus la sensation de sa réalité, de sa « physicalité ». Il ne s’agissait pas de faire une installation juste pour faire une installation, mais de libérer le matériau du cadre refermé et parfois contraignant de la toile, de mieux jouer avec l’espace, de créer une rencontre et une confrontation physiques encore plus fortes avec le spectateur. Par exemple, lorsqu’une fois j’ai disposé dans un grand espace un tas de morceaux de charbon attachés avec un élastique, c’était pour que les visiteurs se promènent au milieu de cette matière. En Corée, un grand moine a dit un jour: « l’eau est eau » ou encore « la montagne est montagne ». Pour moi, c’était pareil : le charbon était là, tout simplement, il était charbon. Dans sa nature même. En plus, en l’apportant dans cet espace et en l’attachant, je soulignais mon intervention, je le transposais. Sans le transformer, juste en le mettant dans un cadre différent, je créais un lien, un dialogue entre un matériau naturel et un lieu culturel.

[…]

Comment êtes-vous passé des formes figuratives de vos débuts aux formes abstraites qui dominent votre travail depuis maintenant plusieurs années?

Au départ, je voulais que mes formes – qui n’ont toutefois jamais été complètement figuratives – délivrent un message et évoquent directement ce que je voulais exprimer. Et puis, assez vite, je me suis de plus en plus concentré sur le seul pouvoir évocateur du matériau. Je voulais, comme je l’ai dit précédemment, vraiment le mettre au premier plan, montrer sa vraie nature, son essence. Je n’ai donc plus eu besoin de la figure. La forme abstraite suffisait, sans aucun aspect narratif, anecdotique, pour donner directement la sensation. Aujourd’hui, cette forme peut venir de la nature, des objets avec lesquels je vis, de la ville, du corps, de mes images mentales... en fait de tout ce qui m’entoure sans qu’on puisse pour autant identifier précisément quoi que ce soit. Je tiens à ce que les formes que je peins soient les plus naturelles et spontanées possibles. Je laisse ouvert, je ne veux pas m’engager dans une figure particulière qui pourrait devenir restrictive. Et lorsque je trouve la forme juste, c’est vraiment par elle que je peux donner un corps au noir, inscrire et faire vivre ce corps noir dans l’espace blanc du tableau. Il est très important que la surface de ce corps noir, de ce corps du noir, soit extrêmement lisse parce qu’elle prend ainsi l’aspect d’une peau, aussi bien la peau de la peinture que la peau humaine. C’est ce qui me permet d’en faire avant tout une zone d’énergie, de pureté et de spiritualité.

[…]