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“L’estampe visionnaire, de Goya à Redon” L’estampe fantastique au XIXe
au Petit Palais, Paris

du 1er octobre 2015 au 17 janvier 2016



www.petitpalais.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 30 septembre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Odilon Redon, À Edgar Poe : planche 3, Un masque sonne le glas funèbre, 1882. Lithographie. © BnF.
2/  Agnès Guillaume, My nights, 2014. Vidéo, boucle. Courtesy de l’artiste.
3/  Eugène Delacroix, Faust : Méphistophélès dans les airs, 1827. Lithographie. © BnF.

 


1716_estampe-visionnaire audio
Interview de Valérie Sueur-Hermel, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 30 septembre 2015, durée 6'21". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Valérie Sueur-Hermel, conservateur en chef au département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France, commissaire scientifique de l’exposition
Gaëlle Rio, conservateur au Petit Palais




Le Petit Palais invite dans ses murs la Bibliothèque nationale de France pour célébrer pour la première fois, avec une telle ampleur, le monde terrifiant de l’estampe fantastique et visionnaire. Plus de 170 oeuvres de Goya à Redon en passant par Delacroix et Gustave Doré, issues des collections du département des Estampes et de la photographie de la BnF, introduisent le visiteur dans cet univers représenté avec force par la gravure et la lithographie du XIXe siècle. Du macabre au bestiaire fantastique, ou au paysage habité, jusqu’à la représentation du rêve ou du cauchemar : le triomphe du noir !


Cette plongée dans l’art fantastique suit un parcours chronologique.

Introduite par une vidéo contemporaine d’Agnès Guillaume convoquant dans un ballet les oiseaux noirs des nuits d’insomnie, l’exposition met tout d’abord en lumière les figures tutélaires qui ont influencé l’histoire de l’estampe et qui ont été regardées et réinterprétées par les graveurs du XIXe siècle. La Mélancolie d’Albrecht Dürer, La Tentation de Saint-Antoine de Jacques Callot, Le Docteur Faustus de Rembrandt, une planche des Prisons de Piranèse ainsi qu’une gravure d’après le Cauchemar de Füssli accueillent le visiteur. L’exposition s’attache ensuite à montrer la manière dont l’inspiration fantastique évolue au fil de trois générations successives d’artistes. La génération romantique de 1830, celle d’Eugène Delacroix, est fortement marquée par l’influence des Caprices de Goya mais aussi par l’omniprésence du diable dont la silhouette envahit au même moment l’estampe populaire. La deuxième section aborde le néo-romantisme autour de Gustave Doré, artiste le plus emblématique de ce courant : en témoignent notamment ses compositions pour L’Enfer de Dante édité en 1861. Enfin le parcours s’achève sur la présentation de planches d’Odilon Redon notamment qui, avec Dans le rêve, ouvre la voie du symbolisme.

Grâce à cette présentation, le public découvre les oeuvres des grands maîtres de l’estampe comme Delacroix, Grandville, Gustave Doré, Rodolphe Bresdin, Charles Meyron, Odilon Redon ou Félicien Rops mais aussi d’artistes moins connus tels Alphonse Legros, François Chifflart, Félix Buhot, Eugène Viala ou encore Marcel Roux. Leur production artistique a alors comme point commun de mettre en évidence un « romantisme noir » qui se nourrit de la matière même de l’encre du graveur.




Parcours de l’exposition

L’exposition est introduite par une vidéo contemporaine d’Agnès Guillaume My Nights convoquant dans un ballet les oiseaux noirs des nuits d’insomnie traitée de manière littérale et incarnée. Littérale car sur l’écran, en fond d’image, s’offre à nous un visage de femme cadré de face, en gros plan, présenté tantôt les paupières closes, tantôt les yeux grand ouverts. Incarnée car ce portrait est celui de l’artiste en personne. L’oeuvre, présentée en boucle, crée le sentiment d’un trouble récurrent. Devant le visage de l’artiste, proche de l’effacement surgissent des oiseaux noirs. Croisant tantôt près du rebord de l’écran, tantôt très loin, comme égarée dans la trame de fond du visage, cette population aviaire anxiogène se meut sans cohérence dans l’écran. Deux mondes qui ne communiquent pas, deux entités partageant le même espace-temps mais non la même intention, non la même pulsion de vie.


Les figures tutélaires

Les artistes du XIXe siècle se sont référés aux créations des maîtres du passé dont ils ont regardé et réinterprété les oeuvres. La Mélancolie d’Albrecht Dürer, La Tentation de Saint-Antoine de Jacques Callot, Le Docteur Faustus de Rembrandt, Les Prisons de Piranèse comptent parmi les planches phares de ces figures tutélaires. Mais la place d’honneur revient à Francisco de Goya dont la planche des Caprices, Le Sommeil de la raison engendre des monstres, fut pour beaucoup de graveurs la clef d’entrée de leur oeuvre nocturne. Elle est aussi celle de l’exposition.


Section I - Entre inspiration littéraire et fantasmagories populaires

Les artistes de la génération romantique de 1830 découvrent la toute nouvelle technique lithographique, introduite dans les ateliers français autour de 1815, et profitent à la fois de la liberté d’exécution qu’elle permet et du pouvoir suggestif des noirs.

Les lithographies d’Eugène Delacroix, Macbeth consultant les sorcières et les planches d’illustration du Faust de Goethe, qui portent l’empreinte des Caprices de Goya, apparaissent comme des manifestes du romantisme en noir et blanc.

Autour de 1830, dans la mouvance des Contes d’Hoffmann, le fantastique est à la mode dans tous les arts. Les artistes du cercle de Victor Hugo, auquel appartiennent Louis Boulanger et Célestin Nanteuil, sont réceptifs à ce courant qui s’épanouit aussi dans le livre illustré avec les dessins gravés sur bois de Voyage où il vous plaira de Tony Johannot et d’Un autre monde de J.-J. Grandville.

Si la littérature offre aux artistes romantiques un vivier de sujets, elle n’est pas la seule à avoir nourri leur imagination. Les arts populaires de l’image ont largement diffusé des motifs susceptibles de réappropriation : les fantasmagories, ces spectacles d’optique qui consistent à faire apparaitre des fantômes par projection à l’aide d’une lanterne magique, et les « diableries » imprimées sur des supports divers (suites lithographiées, alphabets, écrans ou abat-jour) qui mettent en scène des diables dans des attitudes grotesques, ont contribué au goût contemporain pour le fantastique.


Section II - Le fantastique à l’assaut du réalisme

Si le romantisme pictural semble avoir cédé face à l’avènement de l’école réaliste autour de 1848, il n’est pas mort pour tous. L’art du noir et blanc offre aux rêveurs et aux visionnaires un champ d’expérimentation propice. Deux graveurs isolés dans leur univers mental respectif, Charles Meryon et Rodolphe Bresdin, artistes « maudits » s’il en est, ont trouvé dans l’eau-forte les moyens de faire surgir l’irrationnel à l’horizon du réel. Les vues hantées de Paris du premier et les paysages habités du second sont au coeur de ce néo-romantisme en noir et blanc.

Avec ses planches d’illustrations gravées sur bois, aux tonalités nocturnes et aux puissants effets de clair-obscur, Gustave Doré est l’un des meilleurs représentants de ce courant. En témoignent notamment les compositions dessinées pour L’Enfer de Dante, publié en 1861. Des graveurs qui se réclament de l’école réaliste, tels Félix Bracquemond ou Alphonse Legros, cèdent eux aussi ponctuellement à la tentation du fantastique et du macabre. Incarnation du romantisme Second Empire, la figure de Victor Hugo, évoquée par des estampes interprétant ses dessins, plane sur ces artistes qui lui doivent beaucoup.


Section III - Germinations symbolistes et visions macabres

En plein courant naturaliste et alors que le groupe des impressionnistes inaugure sa quatrième exposition, Odilon Redon publie, en 1879, une suite de lithographies intitulée Dans le rêve comme un manifeste de son désir de se soustraire au positivisme ambiant. Cet album inaugural marque l’engagement de Redon sur la voie de ce qui allait devenir le symbolisme. Il est la clef de voute du dernier sursaut du romantisme en noir et blanc qui trouve un écho chez les peintres-graveurs de la fin du XIXe siècle. La maîtrise exceptionnelle par Redon de la technique lithographique au service de son imagination n’a d’égal que celle de l’eau-forte par l’allemand Max Klinger dans ses opus gravés, tel Un Gant, une suite singulière de « fantaisies sur un gant trouvé, dédicacées à la dame qui l’a perdu ».

Si le fantastique de Redon doit beaucoup à l’onirisme de Grandville, il n’est pas pour autant exempt de morbidité. Présente dans ses noirs, l’image de la Mort, souvent liée à celle de la femme fatale dans l’oeuvre de nombreux graveurs contemporains, témoigne des angoisses morbides qui traversent les deux dernières décennies du siècle.

L’attrait exercé par le satanisme et l’ésotérisme sur le mouvement décadent renouvelle la vision du diable dont les artistes s’ingénient à diversifier les représentations en se libérant des stéréotypes de la période romantique.



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