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“Warhol” Unlimited
au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

du 2 octobre 2015 au 7 février 2016



www.mam.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 1er octobre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Ugo Mulas, Andy Warhol, Gerard Malanga et Philip Fagan à la Factory, New York, 1964. Photographie de Ugo Mulas. © Ugo Mulas Heirs. All rights reserved. Courtesy Archivio Ugo Mulas, Milano – Galleria Lia Rumma, Milano/Napoli. © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / ADAGP, Paris 2015.
2/  Andy Warhol/strong> (1928-1987), Photogramme de Blow Job (Fellation), 1964. Film tourné en 16 mm, noir et blanc, muet, durée 35 minutes à 16 images par seconde, Pittsburgh, The Andy Warhol Museum. © 2015 The Andy Warhol Museum Pittsburgh, PA, a Museum of Carnegie Institute. All rights reserved.
3/  Andy Warhol (1928-1987), Big Electric Chair, 1967. Peinture acrylique et encre sérigraphique sur toile, 137,2 x 185,7 cm. © The Menil. Collection, Houston, Gift of the artist - Photo : Hickey-Robertson, Houston. © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / ADAGP, Paris 2015.

 


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Interview de Sébastien Gokalp, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 1er octobre 2015, durée 4'44". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Comment parler d'un artiste dont l'œuvre est si connue qu'elle est devenue un élément de langage populaire ? Le choix du musée d'art moderne de Paris est de se détourner de la rétrospective pour explorer les thématiques du travail de Warhol. Construite comme un interview avec l'artiste, l'exposition cherche à cerner sa personnalité ironique et fuyante.

Une courte déclinaison d'autoportraits sérigraphiés, quelques boîtes de soupe et de Brillo servent de brève introduction avant d'entrer dans le vif du sujet. Puis l'espace est cloisonné d'écrans sur lesquels sont projetés des gros plans de visages célèbres ou pas. Si certains nous provoquent avec une sexualité outrageuse (blowjob), la plupart ne font que poser le temps que se déroule la bobine de pellicule 16mm. Le spectateur n'étant plus distrait par un narratif se trouve réduit à sa fonction de consommateur, dévorant l'image jusqu'à l'ennui.

La répétition d'une image l'extirpe de sa banalité pour en faire une icône quasi-religieuse. Sa surexploitation finit par l'emmener au point de sa dissolution. Que ce soit les images filmées d'un plan fixe de plusieurs heures de l'Empire State building ou des fleurs sérigraphiées sur des supports de toutes dimensions, toutes vivent une vie d'œuvre d'art pour venir mourir dans l'invisibilité d'un motif de papier peint. Ce processus évoque une reproduction industrielle de l'acte sexuel: une montée excitante vers un point culminant orgasmique, puis le silence de l'ennui.

Un long couloir aux murs couverts de posters et de photos mène à une explosion lumineuse et sonore stroboscopique. Des images de performances musicales s'animent sur la surface des 4 murs d'une pièce. L'ambiance de boîte de nuit illustre la facette nocturne et festive de l'art de Warhol dans ses collaboration avec musiciens et performers. Cette fête se poursuit par la traversée d'une salle remplie de coussins argentés gonflés à l'hélium. Ces nuages synthétiques flottent dans l'air, volent lentement au gré des passages et des interactions du public, l'invitant à assumer sa condition matérialiste et l'artificialité de ses rêves et désirs.

L'espace s'ouvre finalement sur shadows : un motif sombre, agrandissement photographique étiré jusqu'à l'abstraction où ne se discerne que l'ombre d'un sujet/objet indéterminé. Cette ombre se répète le long de 102 grandes toiles colorées accrochées bord à bord, épousant les courbes de l'architecture du musée. La répétition des toiles comme les clichés d'une pellicule devient mouvement. Pourtant, l'image reste la même, s'obstinant dans une immobilité de mort.

Warhol, en poursuivant sa démarche jusqu'à l'absurde affiche une fumisterie délibérée, vidant l'image de son sens en la multipliant à l'infini pour lui donner un statut d'œuvre d'art. Esquivant une nouvelle fois les questions de l'intervieweur, il détruit ce qu'il construit par le processus même de son travail. Comme un jongleur, son œuvre semble n'exister qu'un court instant dans l'espace aérien au dessus de ses mains.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Directeur : Fabrice Hergott
Commissaires de l’exposition : Sébastien Gokalp et Hervé Vanel




« Si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, vous n'avez qu'à regarder la surface de mes peintures, de mes films, de moi. Me voilà. Il n’y a rien derrière. » (Andy Warhol, The East Village Other, 1er novembre 1966)

À l’occasion de la première présentation en Europe des Shadows (1978-79) dans leur totalité, le Musée d'Art moderne de la Ville de Paris consacre une exposition exceptionnelle à Andy Warhol (1928-1987). Avec plus de 200 oeuvres, elle met en valeur la dimension sérielle de l’oeuvre de Warhol, aspect incontournable de son travail, et sa capacité à repenser les principes de l’exposition.

Conservée à la Dia Art Foundation, les Shadows, étonnant ensemble de 102 toiles sérigraphiées de 17 couleurs différentes se déploient sur une longueur de plus de 130 mètres. Elles rappellent de façon magistrale la capacité de Warhol à ébranler les conventions de l'art, depuis la conception des oeuvres jusqu'à leur mise en scène. A la question de savoir si elles étaient de l’art, Warhol répondait non : « ... on passait de la disco durant le vernissage, je suppose que ça en fait un décor disco ». L’art de Warhol se présente comme un défi que l’exposition du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris étend à plusieurs séries comme les Electric Chairs (1964-1971), les Jackies (1964), les Flowers (1964-1965), les Maos (1972-1973).

La manière souvent controversée avec laquelle l'artiste mettait en scène son propre travail est au centre de toutes les interrogations qui légitiment cette exposition. On y retrouve le souci constant de l’artiste d'investir l'espace et le temps pour en remodeler notre perception. Le visiteur est invité à se laisser submerger par l’accumulation des oeuvres d’Andy Warhol, des Self-portraits (1966-1967, 1981) aux Brillo Boxes (1964), des portraits filmés (les Screen Tests, 1964-1966) aux papiers peints les Cows (1966), des ensembles de Flowers aux frises de Maos, du cinéma expérimental (le célèbre film Empire de huit heures, 1964) aux Silver Clouds (1966), sans oublier les environnements spectaculaires des concerts du Velvet Undergound (l'Exploding Plastic Inevitable, 1966).

Aussi encensé que critiqué, l'artiste possède toujours la capacité de bouleverser les attentes du visiteur et cela malgré la surmédiatisation à laquelle il a pratiquement toujours été exposé. Au-delà de son image superficielle de « roi du Pop Art », Warhol n’a eu de cesse de réinventer le rapport du spectateur à l’oeuvre d'art. Débordant sans cesse des cadres qu’on lui assigne, Andy Warhol s’impose comme l’artiste de la démesure. Quelles que soient les formes explorées, son rapport à l’oeuvre tend vers l’abolition des limites.




Introduction au parcours de l’exposition

« Vous allez au musée et ils disent que c’est de l’art et des petits carrés sont accrochés au mur. Mais tout est de l’art et rien n’est de l’art. » (Andy Warhol, Newsweek, 7 décembre 1964)

Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris consacre une exposition exceptionnelle à Andy Warhol (1928-1987) à l’occasion de la première présentation en Europe des Shadows (1978-79).

Shadows, une seule peinture en cent deux parties, est une oeuvre hors norme. La sérialisation d’un motif abstrait génère une scansion rythmique évoquant une pellicule cinématographique et ouvre la perception de l’espace sur une dimension temporelle. Il faut ainsi appréhender l’oeuvre dans l'espace et dans le temps sans pouvoir en saisir le commencement ni la fin. L'ensemble des peintures prime sur les individualités pour créer un lieu et définir une atmosphère singulière. Il s'agit là d'un geste radical qui, accompagné dans cette exposition d'une sélection d'oeuvres antérieures, nous invite à repenser l'art de Warhol au-delà des catégories normatives. Au-delà même de l’art « pop » auquel son oeuvre est généralement assimilée, les « peintures », les « sculptures » ou les « films » de Warhol débordent soigneusement des cadres établis.

Dès le milieu des années soixante, l’artiste ne cachait pas son désir d'en finir avec la peinture pour produire une oeuvre sans contraintes ni limitations. Il n'y reviendra, dans les années soixante-dix, que pour poursuivre son entreprise de subversion des codes et des conventions attachés à ce médium. À cette fin, Warhol utilise très tôt l'exposition elle-même comme un moyen d'expression avec lequel il ne cesse d'expérimenter tout au long de sa carrière, défiant immanquablement les règles et les usages de l’accrochage. Saturer l'espace, mélanger les genres, renverser les hiérarchies, en faire trop ou trop peu, sont autant de manières pour l'artiste de mettre les institutions et les visiteurs au défi de réduire son art à des « petits carrés ».