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“Picasso.mania” article 1726
au Grand Palais, Paris

du 7 octobre 2015 au 29 février 2016



www.grandpalais.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 6 octobre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Pei-Ming Yan, Portrait de Picasso, 2009. Huile sur toile. 300 x 250 x 6 cm. Courtesy Massimo De Carlo, Milan/Londres et Galerie Thaddeus Ropac, Paris/Salzbourg © Yan Pei-Ming, ADAGP, Paris, 2015. Photographie : André Morin.
2/  Pablo Picasso, L’Acrobate bleu, Novembre 1929. Fusain et huile sur toile. 162 x 130 cm. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’Art moderne – Centre de création industrielle, dépôt du Musée national Picasso-Paris, dationen 1990, affectation au Musée national d’Art moderne en 1991. © Succession Picasso 2015 / photo Centre Pompidou, MNAM-CCI, dist. Rmn-Grand Palais / Philippe Migeat.
3/  Martin Kippenberger, Podria prestarte algo, pero en eso no te haria ningùn favor, Galeria Leyendecker (T.Ü) [Je pourrais sans doute te prêter quelque chose, mais je ne te rendrais pas service, Galeria Leyendecker (T.Ü.)], 1985. Sérigraphie. 83,8 x 59,4 cm. Cologne, Estate of Martin Kippenberger, Galerie Gisela Capitain. © Estate of Martin Kippenberger, Galerie Gisela Capitain, Cologne.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Un autoportrait bleu de 1901 ouvre l'exposition: le jeune artiste y est sobrement drapé dans un manteau sombre, l'ambiance est silencieuse. Deux pas plus loin, un Picasso géant de fibre de verre trône au milieu de l'espace; la sculpture de Maurizio Cattelan montre une superstar devenue icône, populaire jusqu'au point de devenir un produit comestible et dont la personnalité s'entremêle avec son œuvre de manière inextricable.

Toiles, sculptures et céramiques de Picasso servent ici de point de départ à un grand jeu de remixage. Du Congo de Chéri Samba à la Serbie de Emir Kusturica, la réappropriation de son art à travers le monde par des artistes extraordinairement variés montre à quel point son influence a été profondément marquante et novatrice.

Le cubisme est ainsi saisi par David Hockney. Des assemblages de tirages photographiques et de polaroïds déconstruisent le réel, le segmentent en petits carrés et le recomposent en un assemblage de facettes géométriques avec une modernité de pixels. Julian Schnabel réalise un portrait en peignant sur un amas d'assiettes, ouvrant la toile à une troisième dimension. Frank Stella poursuit cette même démarche en créant des formes impossibles à l'aide d'imprimantes 3D tandis que sur les murs défilent des images de l'artiste se mêlant à tous ses avatars de cinéma, de danse, de musique, de télévision ou de publicité.

Les copies des Demoiselles d'Avignon de Mike Bidlo font face aux dessins et toiles ayant servi d'études au tableau original. Les références à l'art traditionnel africain, la représentation de masques dans ses œuvres permet au dialogue de s'ouvrir avec d'autres générations. Ces artistes africains et afro-américains se servent de ces influences pour interroger leur culture, leur héritage et tenter de redéfinir une identité à mi-chemin entre deux mondes. Faith Ringgold mélange peinture et patchwork dans Picasso's studio tandis que Romuald Hazoumé crée des masques avec des bidons ou des pales de ventilateurs.

De même, Guernica devient un point de référence, un icône universel de la contestation politique et du pacifisme. Les posters de Rudolf Baranik en récupèrent quelques éléments isolés pour en faire un art publicitaire puissant et efficace contre la guerre du Vietnam. Le premier film d'Emir Kusturica (un court métrage étudiant) se sert des symbolique du tableau pour dénoncer l'antisémitisme, le totalitarisme, l'explosion annoncée d'une société. Les loups empaillés enchevêtrés de Who's afraid of the big bad golf? de Adel Abdessemed en reprennent également les codes en mettant en scène la sauvagerie non pas des loups, mais bien celle assassine des hommes.

La personnalité de l'homme finit par devenir une œuvre à part entière. Picasso devient un objet pop', décliné en séries par Andy Warhol, Jasper Johns ou Roy Lichtenstein. Les artistes se saisissent de son existence, comme Martin Kippenberger peignant sa compagne Jacqueline ou George Condo explorant ses fantasmes érotiques.

L'exposition, musicale comme un concert rock, s'achève sur un portrait de l'artiste par Basquiat: un retour à la simplicité de la jeunesse rappelant 80 ans plus tard l'autoportrait de 1901.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire général :
Didier Ottinger, conservateur général du Patrimoine, directeur adjoint du Musée national d’Art moderne - Centre Pompidou
commissaires:
Diana Widmaier-Picasso, historienne de l’art
Emilie Bouvard, conservatrice du Patrimoine au Musée national Picasso-Paris




« Vous continuerez longtemps à peindre ?
- Oui, parce que pour moi, c’est une manie. »

interview à Marseille, 11 mai 1959, citée dans Picasso, Propos sur l’art, Gallimard

La vingtaine d’expositions (monographiques ou collectives) qui, depuis 1973 se sont attachées à l’étude de la postérité de l’oeuvre de Pablo Picasso témoignent de son impact sur la création contemporaine. A la fois chronologique et thématique, le parcours de l’exposition du Grand Palais retrace les moments de la réception critique et artistique de l’oeuvre de Picasso, les étapes de la formation du mythe associé à son nom.

Des natures mortes cubistes aux Mousquetaires des expositions d’Avignon de 1970 et 1973, le parcours de l’exposition est ponctué d’oeuvres de Picasso, issues des collections du Musée national Picasso-Paris, du Musée National d’art Moderne, ainsi que des collections de la famille de l’artiste. Leur présentation s’inspire des accrochages réalisés par l’artiste dans ses ateliers, et des expositions qu’il a lui-même supervisées (Galerie Georges Petit à Paris en 1932, Palais des Papes à Avignon en 1970 et 1973).

Aux grandes phases stylistiques (cubisme, oeuvre tardif...), aux oeuvres emblématiques de Pablo Picasso (Les Demoiselles d’Avignon, Guernica) répondent des créations contemporaines présentées dans des salles monographiques (David Hockney, Jasper Johns, Roy Lichtenstein, Martin Kippenberger...) ou thématiques, regroupant des oeuvres mêlant techniques et supports les plus variés (vidéos, peintures, sculptures, arts graphiques, films, photographies, installations…).

Les montages Polaroïd, les images vidéos multi-écrans de David Hockney font écho au cubisme de Picasso, à son exploration d’un espace polyfocal. Au début des années 60, les artistes Pop, de part et d’autre de l’Atlantique (Lichtenstein, Errό…) s’emparent des portraits des années 30 par lesquels s’est fixée l’image archétypale de la peinture de Picasso. L’Ombre (1954) est à l’origine de la série de quatre tableaux qu’entreprend Jasper Johns en 1985 (Les Quatre saisons rassemblées, sont présentées dans l’exposition). Témoignant de l’impact de l’image publique de Picasso sur l’imaginaire des artistes du XXe siècle, à deux reprises, en 1988 et en 1995, Martin Kippenberger interprète les portraits photographiques de Picasso et de Jacqueline réalisés par David Douglas Duncan.

Les variations, inspirées par Les Demoiselles d’Avignon et par Guernica, démontrent la place occupée par ces peintures dans l’histoire de l’art moderne et, au-delà, dans l’imaginaire collectif (ces deux oeuvres ne sont pas présentées dans l’exposition compte tenu de leur déplacement impossible). Acte de naissance du modernisme pictural, Les Demoiselles d’Avignon ont fait l’objet de variations, (par Faith Ringgold, Robert Colescott…), qui commentent la dimension ethnocentrée, masculine, de cette modernité dont l’oeuvre est devenu l’emblème.

D’une lecture historique de Guernica par Emir Kusturica à la révélation du rôle symbolique joué par sa transposition en tapisserie ornant les murs du conseil de sécurité des Nations Unies (Goshka Macuga, The Nature of the Beast, 2009), de l’utilisation du tableau de Picasso dans la lutte des artistes américains opposés à la guerre du Vietnam aux manifestations de rue qui en brandissent l’image, une salle montre comment Guernica s’est muée en icône sociale et politique universelle.

A la faveur d’expositions qui l’ont réinscrit au coeur de la création contemporaine (A New Spirit in Painting, Royal Academy of Arts, 1981) ou qui en ont éclairé le sens (Das Spätwerk. Themen :1964-1972, Bâle, 1981 ; The Last Years, Guggenheim Museum, 1984), les oeuvres des dernières années de Picasso sont redevenues sources d’inspiration. Son éclectisme stylistique, son « cannibalisme » des maîtres anciens, la libre facture des peintures tardives ont inspiré la génération d’artistes révélée au début des années 80 (Georg Baselitz, Jean-Michel Basquiat, George Condo, Julian Schnabel, Vincent Corpet…).

L’installation vidéo de Rineke Dijkstra, I see a Woman Crying (Weeping Woman, 2009-2010) illustre la présence de l’oeuvre de Picasso dans l’imaginaire actuel, dans ses expressions les plus variées, du cinéma aux images numériques, de la vidéo à la bande dessinée.