`

contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Prix Levallois 2015” Jeune création photographique internationale
à la Galerie de L’Escale, Levallois

du 9 octobre au 28 novembre 2015



www.prix-levallois.com

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 8 octobre 2015.

1727_Prix-Levallois1727_Prix-Levallois1727_Prix-Levallois

Légendes de gauche à droite :
1/  Tom Callemin, Man met kind. Lauréat – Prix Levallois 2015, Jeune création photographique.
2/  David Fathi, Lee Merlin, Miss Atomic Bomb, portant un robe en forme de champignon atomique.
Mention Spéciale – Prix Levallois 2015, Jeune création photographique internationale.
3/  Grégoire Pujade-Lauraine, A Perpetual Season. Prix du public – Prix Levallois 2015, Jeune création photographique.

 


1727_Prix-Levallois audio
Interview de Fannie Escoulen,
directrice artistique du Prix Levallois - Jeune création photographique internationale,

par Anne-Frédérique Fer, à Levallois, le 8 octobre 2015, durée 14'18". © FranceFineArt.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Avec une nouvelle direction artistique et des innovations attractives, le prix de la Jeune Création Photographique de Levallois tente d’imposer sa place de moment incontournable dans monde international de la photographie.

Avec son emplacement en banlieue parisienne et son lieu d’exposition, la Galerie de l’Escale, délicat à maîtriser, ce n’est pas un pari si facile. Des lieux de passages étroits, des murs de briques rouges, des puits de lumière aveuglant ou bien même une salle traversées de piliers, sont des handicaps qu’il faut penser. La hiérarchisation des lauréats dans l’espace déstructure encore la vision globale.

Un petit pan de mur pour le Prix du public attribué au travail de Grégoire Pujade-Lauraine qui saisit une poésie formelle des grands ensembles, puis une longue travée pour les nombreux clichés et les vitrines de David Fathi, Mention spéciale du Jury, pour sa recherche cynico-ludique autour des expériences nucléaires à travers le monde. Ici, une mise en balance et correspondance sur un même support visuel des objets de collections avec les images favoriseraient peut-être encore mieux la prise de conscience quant aux disjonctions entre les discours et les faits lorsque l’on traite de l’aventure nucléaire des grandes puissances.

Le mariage entre commissariat et travail artistique prend enfin son ampleur avec l’œuvre du jeune artiste belge, Tom Callemin. Scénographiées dans la grande salle du sous-sol, dans des formats et des supports variés qui dynamisent le regard, les photographies du lauréat viennent brusquer la rétine grâce à des noirs très profonds et des blancs agressifs. Elles ouvrent notre imagination sur un monde chargée d’ambigüités. Les végétaux et formes humaines se mêlent. Les maisons abandonnées ou éventrées ne remplissent plus leur fonction d’accueil. Les hommes et femmes paraissent perdus ou sous influence. Malgré tout, tout ne semble pas définitif, car chaque image nous renvoie sur une autre. Il faudra guetter la prochaine exposition pour voir si ce jeune talent se confirme. En attendant, Levallois et sa Galerie de l’Escale sont très rapidement accessibles depuis la gare Saint-Lazarre.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire générale du Prix Levallois : Fannie Escoulen



Depuis sept ans, le Prix Levallois soutient le travail de jeunes photographes-auteurs de moins de 35 ans. Ouvert à tous les genres de la photographie contemporaine internationale, sans exclusive, il fait émerger chaque année de nouveaux talents et leur ouvre les portes d’une reconnaissance à venir.

En 2015, quinze finalistes ont été mis à l’honneur parmi 500 candidatures reçues, issus de 51 pays différents. Un jury international, composé de quatre personnalités du monde de la photographie et de l’Adjoint au Maire délégué à la culture de la Ville de Levallois, a examiné avec attention les quinze propositions pour décerner le Prix Levallois à Tom Callemin et une Mention Spéciale à David Fathi. Le grand public a également été invité cette année à participer à l’élection en ligne du Prix du Public décerné à Grégoire Pujade-Lauraine.

L’exposition présentée à la Galerie l’Escale de Levallois rend hommage au travail des trois photographes primés.

Dans des démarches stylistiques éloignées, ils nous livrent une évocation du monde très personnelle, tout en tension et à la frontière de la fiction et de la réalité. Des noirs et blancs énigmatiques et sourds de Tom Callemin, à la troublante série de David Fathi, jusqu’aux architectures (in) habitées de Grégoire Pujade-Lauraine, ce sont trois tendances de la photographie contemporaine, trois couleurs complémentaires qui se rencontrent et nous invitent à prendre la mesure d’une nouvelle génération de photographes en devenir aux travaux déjà bien affirmés.




Tom Callemin, Index - Belgique / 24 ans – Lauréat

Réalisées sur cinq ans, entre 2010 et 2015, la dizaine d’oeuvres de Tom Callemin réunies ici frappent par leur efficacité et leur proximité formelle : le regard est invariablement attiré par un motif centré (corps, architecture ou objet) qui, puissamment éclairé au flash, se découpe nettement sur un arrière-plan noir. Index, le titre de l’exposition, évoque autant le doigt qui pointe que le référencement et le classement : antiphrase visant sans doute à brouiller les pistes, car Callemin n’est pas un entomologiste auscultant les spécimens nocturnes pris dans la lumière de son flash.

Apparemment spontanées, presque des instantanés si l’on en croit la photographie de cet homme et sa fille, ces images sont en fait longuement muries. Les compositions avec figures sont des mises en scène qui, pour certaines, rejouent très exactement des images trouvées dénuées de vocation artistique. C’est une photographie médicale qui est à l’origine de cette étrange situation figurant deux jeunes femmes l’une derrière l’autre et jouant sur l’inversion du positif et du négatif. Parfois, la photographie de Callemin est une synthèse d’images sources où l’histoire de l’art s’ajoute au vernaculaire : ce fascinant buste de femme soutenu par ces deux bras qui pénètrent le cadre est aussi un écho aux figures de la Vierge de la Lamentation.

Rappeler la source des photographies de Tom Callemin n’est pas trahir leur mystère. C’est revenir sur la place et le rôle du photographe, une question au coeur de sa pratique : dans cette interaction qu’est la réalisation d’une composition avec figures répondant à un projet, voire à un modèle précis, quel degré de violence le photographe peut-il exercer sur son modèle pour arriver à ses fins et quelle part de liberté peut-il lui concéder pour que le modèle ouvre l’image sans pour autant qu’elle n’échappe à l’artiste ? C’est souvent affaire de détail, comme dans ce nu en pied dont le hiératisme imposé par Callemin et inspiré par le photographe August Sander est perturbé par le geste presqu’imperceptible mais si libre et gracieux de la main droite de la jeune femme.

On pourrait tout aussi bien ne pas chercher l’origine des images et ignorer leur théâtralité pour se tourner vers leur au-delà. Car il est peu dire que les photographies de Callemin ont un fort pouvoir d’évocation. Les deux maisons, l’une aux volets fermés, l’autre ruinée, si présentes dans l’exposition, font planer un sentiment d’inquiétude ; les arbres deviennent des jambes fossilisées et l’épouvantail un homme s’enfonçant dans la nuit. Il y a sans doute une part de fantastique dans ces images, mais aussi quelque chose du « modèle intérieur » dont parlait André Breton. On ne voit jamais les yeux des figures. Ils sont cachés ou, plus souvent, fermés, comme sur bon nombre de photographies surréalistes, sans pour autant simuler le sommeil.

On veut y voir une invite à renverser le regard pour dépasser le visible, à s’affranchir de la vue pour atteindre la vision.

Étienne Hatt




David Fathi, Anecdotal - France / 30 ans - Mention Spéciale


C’est une histoire truffée de trous. Des trous de mémoire, des trous dans le sol. Depuis les bombardements de Hiroshima et Nagasaki en 1945, plus de 2 000 bombes atomiques ont explosé sur notre globe. Hormis des balafres, que reste t-il de ces essais nucléaires ? Des anecdotes tombées aux oubliettes.

David Fathi enquête depuis deux ans sur ce qu’il appelle « le péché originel du scientifique » : la bombe A. De clic en cratère, il se met à collectionner d’étranges objets, quelques cailloux biscornus achetés sur eBay et surtout des récits ubuesques. En 1958, deux avions se percutent dans les airs au sud de la Géorgie. L’un d’eux transportait une bombe qui n’a jamais été retrouvée. Même année, un bombardier lâche par mégarde un engin explosif sur une ferme en Caroline du Sud. Les poulets se sont littéralement volatilisés. Trois ans auparavant, dans le Nevada, l’armée américaine teste l’impact des radiations sur les denrées alimentaires. Selon leur goûteur officiel, bière et plutonium ne font pas bon ménage côté papilles.

À partir de ces anecdotes, il concocte des images où la fiction s’entremêle à la réalité. Sa matière première est un magma hétérogène : captures d’écran tirées des films de propagande tournés pendant la guerre froide, imagerie satellite, photos dont il est l’auteur ou encore images d’archives, comme le célèbre cliché, datant de 1957, de Lee Merlin ou « M iss Atomic Bomb », qui pose en pin-up dans son Bikini explosif. Il met également en scène de fausses roches nucléaires, appelées trinitites, en pliant des photographies façon origami. D’une démarche venue du documentaire, David Fathi s’en éloigne peu à peu, préférant la manipulation de l’image afin de jeter un trouble et amener le spectateur à s’interroger sur les zones d’ombres d’une histoire collective.

Elodie Cabrera




Grégoire Pujade-Lauraine, A Perpetual Season - France / 34 ans - Prix du Public


Par les teintes subtiles et feutrées de sa série A Perpetual Season, Grégoire Pujade-Lauraine capture le sentiment de vacuité aliénante provoqué par une grande partie de notre environnement architectural. En demeurant invariablement oblique dans son regard et dans sa position spatiale, il confronte le spectateur aux géométries de la modernité et à leur impact sur ceux qui l’habitent.

Les éléments architecturaux, aux formes anthropomorphiques, y évoquent tour à tour les mouvements et les stases d’êtres humains, tandis que les différentes postures des personnages font paradoxalement songer à une statuaire sans âge. Ceux-ci, semble-t-il, ne sont pas seulement représentés mais rendus présents, empreints d’une forme particulière d’énergie et pourtant étrangement détachés de leur entourage immédiat.

L’architecte Claude Parent, fervent défenseur de la ligne oblique dans son propre domaine, soutient qu’alors que nous sommes enfermés dans des espaces orthogonaux, l’oblique nous offre la possibilité d’expérimenter une instabilité fertile et de définir nos positions par le déplacement. Ainsi, dans A Perpetual Season, Grégoire Pujade-Lauraine souligne par sa position de prise de vue notre potentiel de fluidité face aux lignes dessinées par les formes têtues du béton coulé.

Les interférences entre le profil des personnages et la décrépitude progressive des lieux génèrent d’intenses mouvements et impulsions rythmiques, explicites ou tacites. Le jeu des diverses courbes, que celles-ci soient humaines ou faites de béton, se déploie dans le cadrage précis des coins et des angles, des portes et des clôtures, des gestes et des visages.

Ce motif récurrent d’un modernisme flétri, cet effritement des façades dans lequel le ciment unificateur se fissure et se désagrège, dévoilant ainsi les structures qui le composent, renvoie aux heures auxquelles ces photographies ont été prises; signalant le crépuscule – ou peut-être la seconde vie – du modernisme.

Joséphine Michel