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“Séoul Paris Séoul” Artistes coréens en France
au musée Cernuschi, Paris

du 16 octobre 2015 au 7 février 2016



www.cernuschi.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 15 octobre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Lee Bae (1956 - ), Issu du feu, 2000, 163 x 130 cm – charbon de bois sur toile © Lee Bae/D.R.
2/  Bang Hai Ja (1937 - ), Naissance de lumière, 2014, 128,5 x 128 cm – pigments naturels sur papier © Bang Hai Ja/Jean-Martin Barbut.
3/  Lee Ungno (1904 – 1989), Personnage au chien, 66,2 x 34,2 cm – encre de chine, lavis brun et bleu Collection musée Cernuschi © Parisienne de photographie-Roger Viollet.

 


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Interview de Mael Bellec, commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 15 octobre 2015, durée 9'24". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Mael Bellec, conservateur au musée Cernuschi



À l’occasion de l’Année de la Corée en France, le musée Cernuschi organise une exposition consacrée aux artistes coréens contemporains ayant travaillé ou travaillant toujours en France.

Attirés à partir des années 1950 par le rayonnement culturel de Paris, ces derniers ont étudié dans la capitale, se sont intégrés aux milieux artistiques français et ont, par leur travail, participé activement au renouveau de la peinture coréenne ainsi qu’à sa diffusion en Europe.

L’exposition propose une approche historique et thématique de ce sujet à travers des sections consacrées à la génération des pionniers de l’art coréen contemporain, à l’Académie de peinture orientale, aux rapports entre artistes coréens et école de Paris, aux conséquences de la pratique calligraphique sur l’oeuvre de ces artistes, à l’intérêt porté à des matériaux traditionnels ainsi qu’à leur attrait pour la valorisation des processus créatifs.

Les plus importants artistes coréens du XXe siècle, ainsi que quelques artistes plus jeunes, sont présents dans l’exposition: Pai Unsung, Rhee Seund Ja, Kim Whanki, Lee Ungno, Nam Kwan, Bang Hai Ja, Han Mook, Moon Shin, Nam Kwan, Park Seo-Bo, Kim Tschang-Yeul, Yun Hyong-Keun, Shim Kyung-Ja, Lee Bae, Chung Sang-Hwa, Paek Youngsu, Kim Guiline, Park In-kyung, Hong InSook, Lee Jin Woo, Chae Sung-Pil, Won Sou-Yeol, Yoon-Hee.

Les soixante oeuvres exposées proviennent des collections du Musée Cernuschi, du Musée national d’art moderne de Séoul, du musée Lee Ungno de Daejeon ainsi que de collections privées du Centre national des arts plastiques et du musée Pierre André Benoît à Alès.



Figurations coréennes
à la mairie du 8ème arrondissement, du 15 octobre au 7 novembre 2015

Tandis que le musée présente des artistes devenus pour la plupart de grands peintres abstraits, la mairie du 8ème arrondissement, en partenariat avec le musée Cernuschi et la Société des Amis du Musée Cernuschi, propose au public des oeuvres figuratives d’autres artistes. Leurs choix de techniques, traditionnelles ou occidentales, leurs styles et leurs expérimentations témoignent de leur rapport complexe à la figuration. Ils révèlent aussi leurs différentes sensibilités et leur relation contrastée à leur culture d’origine.



Artistes coréens en France

Si, dès le XVIIe siècle, des modèles occidentaux contribuent au renouveau de quelques productions picturales extrême-orientales, ce n’est qu’avec le Japon de l’ère Meiji (1868-1912) qu’un pan majeur d’une scène artistique de l’Asie des caractères se met pour la première fois à l’école de l’Europe. La Chine républicaine (1912-1949) emboîte rapidement le pas au pays du Soleil-Levant, tandis qu’il faut attendre les années 1950 pour que la Corée rattrape complètement son retard sur ses voisins et sur un vocabulaire plastique internationalisé.

Dans ce processus de mise à niveau des milieux artistiques coréens, la France joue un rôle non négligeable, directement et indirectement. À des moments cruciaux, elle fournit à distance de nouveaux modèles à suivre et accueille de très nombreux artistes coréens qui souhaitent se former à l’art occidental ou travailler dans un nouvel environnement. Dans ce contexte, elle a la chance de compter, parmi ces derniers, certains des fondateurs de l’art contemporain en Corée et quelques-uns des plus importants artistes du XXe siècle.

Le musée Cernuschi est l’un des acteurs privilégiés de ces échanges. D’une part, il maintient pendant plus de cinquante ans des liens étroits avec Lee Ungno (1904-1989) et l’Académie de peinture orientale de Paris, que celui-ci fonde en 1964. D’autre part, il consacre, au fil des décennies, de multiples expositions à des peintres et des céramistes coréens contemporains. Ces relations croisées se poursuivent aujourd’hui, notamment à travers les collaborations fructueuses mises en place avec le musée Lee Ungno de Daejeon. C’est donc tout naturellement que le musée Cernuschi convie son public à se familiariser avec l’histoire des relations plastiques entre la France et la Corée, et à découvrir ou prendre connaissance de l’une des scènes artistiques les plus jeunes et les plus dynamiques d’Asie.

Cette exposition ne peut être que partiale et partielle, alors que près de trois cents artistes coréens ont séjourné à un moment ou à un autre en France. Au-delà des manques inévitables, elle laisse ainsi volontairement de côté les installations, les photographies et certaines oeuvres plus adaptées à une présentation dans un musée d’art contemporain. Toutefois, malgré ces limites, elle doit, par la qualité des créations dévoilées, susciter la curiosité et favoriser l’appréhension de cette histoire comme une part importante, voire majeure, du patrimoine artistique asiatique, mais aussi français.



L’émergence d’un art moderne et contemporain en Corée

Malgré son inventivité passée, la Corée de la fin l’époque du Chosŏn (1392-1910) apparaît comme un pays appliqué au maintien de principes conservateurs d’origine chinoise. Ceux-ci concernent autant l’art que la gestion en vase clos des clivages politiques et économiques, accentués par les pressions extérieures du Japon, de la Russie et des autres puissances occidentales.

La dégradation de la situation intérieure et les interventions étrangères aboutissent, en 1895, à la mise sous tutelle nippone de la Corée, puis à son annexion en 1910. L’instauration de structures politiques et d’institutions calquées sur celles du Japon bouleverse profondément la culture traditionnelle. De nouveaux modèles plastiques et littéraires sont propagés à la fois par l’enseignement public local et les universités japonaises qui accueillent nombre d’étudiants coréens.

La peinture à l’encre continue à être pratiquée et se nourrit de l’exemple du Nihonga 日本画. Le changement majeur consiste en une formation académique basée sur la figuration à l’occidentale et sur la découverte, cantonnée aux marges de la scène artistique coréenne, des avant-gardes européennes. Quelques rares créateurs, tel Pai Unsung (1900-1978), parviennent, dès les années 1920, à partir se former directement dans des écoles et facultés américaines, allemandes ou françaises.

Il faut toutefois attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que l’art coréen connaisse un regain majeur d’activité, marqué par un rapide processus d’assimilation et d’adaptation des vocabulaires artistiques internationaux. Le Nouveau Réalisme, fondé en 1947 par des artistes formés au Japon, est l’un des rares courants majeurs des années 1940. En revanche, la seconde moitié des années 1950 voit une floraison de groupes et de mouvements qui opposent les réformateurs aux milieux conservateurs et contribuent à établir définitivement une scène artistique contemporaine à Séoul.

Le goût dominant de la fin des années 1940 et du début des années 1950 pour une figuration schématique cède partiellement le pas à l’influence de l’expressionnisme abstrait américain, ainsi qu’à celle de l’école de Paris, dont le style semble répondre au besoin d’expression individuelle ressenti après la colonisation et la guerre. Le large intérêt dont ces tendances bénéficient conduit plusieurs artistes de premier plan à passer à l’abstraction ou à s’en rapprocher avant la fin de la décennie.



À l’école de Paris

La fin de la colonisation japonaise et la stabilisation relative de la situation politique après la partition du pays permettent à de nombreux Coréens de partir à l’étranger. Encore auréolée de son statut de capitale des arts, Paris devient une destination privilégiée pour quelques-unes des figures majeures de l’art coréen contemporain.

De 1955 à 1958, plusieurs artistes, nés entre le début des années 1910 et le début des années 1920, viennent ainsi passer quatre à cinq ans dans la Ville Lumière afin de parfaire leur connaissance des techniques occidentales. Ces créateurs, dont la personnalité prééminente est Kim Whanki (1913-1974), n’intègrent toutefois que marginalement à leur style déjà affirmé des éléments issus de l’école de Paris.

D’autres peintres, qui restent d’ailleurs en France plus longuement, sont en revanche beaucoup plus perméables à l’abstraction lyrique. Si Rhee Seund Ja (1918-2009), expatriée dès 1951 pour échapper à la guerre de Corée, fait figure de cas particulier par son appartenance quasi originelle à la scène artistique de la capitale, Nam Kwan (1911-1990), qui n’y travaille que depuis 1955, connaît lui aussi de nombreux succès. De même, Lee Ungno (1904-1989) et Bang Hai Ja (née en 1937) s’intègrent dès leur arrivée, respectivement en 1960 et en 1961, à l’école de Paris. Seul Han Mook (né en 1914), malgré son exploration de l’abstraction française, préfère un exercice plus solitaire de la peinture.

Le déclin de l’abstraction lyrique signe toutefois celui d’un dialogue entre artistes coréens et français. Park Seo-Bo (né en 1931), lors de son passage de quelques mois en 1961, blâme ainsi une école à l’expressivité affaiblie. Moon Shin (1923-1995), venu la même année, retourne en Corée pour trois ans, en 1965, puis revient en France en 1968 pour se consacrer à la sculpture. Chung Sang-Hwa (né en 1932), quant à lui, ne fait, dans un premier temps, qu’un court séjour à Paris, entre 1967 et 1968, malgré son attrait pour l’art informel.

Parmi les derniers artistes à échanger, sur un mode assourdi, avec la scène française, figurent Kim Guiline (né en 1936) et Kim Tschang-Yeul (né en 1929). Le premier, proche de membres du groupe Supports/Surfaces, leur répond de manière ironique par la matérialisation discrète, sur la toile monochrome, de la forme du châssis. Le second, qui avait choisi New York, s’installe à Paris en 1969 et y produit, brièvement, des toiles partiellement inspirées de l’art optique, avant d’opter pour un style marqué par le pop art, puis, à partir de 1972, par l’hyperréalisme américain.



Nouvelles générations

Dès la fin des années 1960, les rapports entre les artistes coréens et leur cadre parisien évoluent. Les pionniers de l’art contemporain ont en effet déjà mené une longue carrière et acquis une renommée nationale ou internationale. Leurs cadets ont, quant à eux, bénéficié du travail fondateur de la génération précédente et sont entrés immédiatement dans un dialogue de plain-pied avec les avant-gardes occidentales. Les voyages et séjours à l’étranger n’apparaissent plus, dès lors, que comme des formations complémentaires, des opportunités professionnelles, des occasions d’enrichir sa culture ou de rompre avec son environnement. Yun Hyong-Keun (1928-2007) suit ainsi entre 1981 et 1982 les cours de l’Académie de la Grande Chaumière, puis revient à Paris pour trois mois en 2002, à l’occasion d’une exposition personnelle. La France devient une destination parmi d’autres, mais reste un cadre apprécié, en raison de la vivacité de sa vie culturelle et de la richesse de son patrimoine.

En découle une individualisation des comportements. Les seuls afflux massifs d’artistes coréens font ainsi suite à la répression sanglante du soulèvement de Gwangju, en 1980, et à la levée des restrictions sur les voyages à l’étranger, en 1989. Les motivations et le temps de présence de ces nouveaux venus diffèrent d’un créateur à l’autre : Shim Kyung-Ja (née en 1944) s’abstrait de ses contraintes professionnelles et sociales pour s’immerger dans son oeuvre lors de brefs passages à Paris, de 1977 à 1979 et de 2002 à 2003, tandis que Paek Youngsu (né en 1922) choisit de vivre et de travailler en France de 1977 à 2011.

La diversité stylistique et technique des toiles produites, des abstractions en noir et blanc de Yoon-Hee (né en 1950) et de Won Sou-Yeol(né en 1949) aux compositions cosmologiques colorées de Chae Sung-Pil (né en 1972), témoigne de ces logiques individuelles. Elle résulte aussi de l’éclatement de la scène artistique française, qui ne peut plus imposer des préoccupations et un langage plastique communs. Néanmoins, l’expatriation permet à ces artistes d’approfondir et de se rejoindre, parfois, dans une réflexion sur ce qui caractérise leur culture d’origine, voire dans les formulations contemporaines de cette dernière. Ainsi, plusieurs d’entre eux, tels Lee Jin Woo (né en 1959) et Lee Bae (né en 1956), explorent les potentialités de matériaux naturels, tandis que d’autres, dont Hong InSook (née en 1962), élaborent des procédés inédits pour revisiter un vocabulaire informel.