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“Ragnar Kjartansson, Seul celui qui connaît le désir *” Saison La vie magnifique
au Palais de Tokyo, Paris

du 21 octobre 2015 au 10 janvier 2016

* D’après le poème de Johann Wolfgang von Goethe, « Nur wer die Sehnsucht kennt », 1795-1796.



www.palaisdetokyo.com

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 19 octobre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  2/  Ragnar Kjartansson, World Light, 2015. Photogramme. Enregistré lors d’une performance commissionnée par le musée Thyssen-Bornemisza d’art contemporain (Vienne). Courtesy de l’artiste & Luhring Augustine (New York) ; la galerie i8 (Reykjavik).
3/  Ragnar Kjartansson, Me and My Mother, 2015. Courtesy de l’artiste & Luhring Augustine (New York); la galerie i8 (Reykjavik).

 


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Interview de Julien Fronsacq, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 19 octobre 2015, durée 6'47". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Saison La vie magnifique

Faire advenir la poésie dans tous les moments de notre existence, magnifier les instants simples de nos vies occidentales, sublimer le banal, voilà ce qu’abordent les trois générations d’artistes qui se côtoient cet automne au Palais de Tokyo au sein de la saison « La vie magnifique ».

Trois générations d’artistes qui, comme l’écrivait René Crevel à propos de Sonia Delaunay, aiment « suffisamment la vie magnifique pour nous offrir des chefs-d'oeuvre qui embelliront nos gestes quotidiens ». *

Ugo Rondinone célèbre l’immense John Giorno, et à travers lui la poésie comme mode de vie. Cet hommage inédit, cette déclaration d’amour sous la forme d’une exposition-œuvre signée Ugo Rondinone manifeste l’importance et l’influence de John Giorno, figure majeure de la scène underground américaine des années 1960, complice de la Beat Génération, poète visuel et performer qui depuis plus de cinquante ans est l’ami inspirant de plusieurs générations d’artistes.

Ragnar Kjartansson s’attache à dépeindre les stéréotypes du bonheur occidental en brouillant les frontières entre le banal et le sublime. Cette attention à la fragilité précieuse des sentiments est exprimée avec humour dans la grande installation performative Bonjour, produite en partenariat avec le Festival d’Automne à Paris.

Mélanie Matranga, quant à elle, crée un flottement entre espace intime et exposition. Elle fait participer le visiteur à des moments suspendus dans lesquels la rêverie, l’attente, les corps croisés dans cet espace presque domestique maintiennent les émotions, les désirs et les objets au seuil de leur formalisation.

* René Crevel, « La mode moderne, visite à Sonia Delaunay » pour la revue Integral (Bucarest), n° 67, octobre 1925 - Détours, Pauvert, 1985.




Commissaire : Julien Fronsacq



« Parfois on a besoin d’ajouter un peu de théâtre dans la vie et vice versa. » 2Ragnar Kjartansson

Le Palais de Tokyo présente cet automne la première exposition personnelle en France de l’artiste islandais Ragnar Kjartansson (né en 1976, vit et travaille à Reykjavik). De manière à la fois poétique et surprenante, l’exposition s’attache à dépeindre les désirs quotidiens, en quête de transcendance, brouillant les frontières entre le banal et le sublime.

Parmi les oeuvres inédites réalisées pour l’exposition figure Bonjour (2015), une performance spectaculaire qui met en scène la rencontre fugace d’un homme et d’une femme dans le décor à l’échelle 1 d’une place pittoresque d’une petite ville française. Scenes from Western Culture [Scènes de la culture occidentale] (2015), autre oeuvre qui sera présentée pour la première fois lors de l’exposition, est constituée d’un ensemble de peintures cinématiques et idylliques, qui trouvent une certaine inspiration dans les compositions de Jean-Antoine Watteau : une scène de bateau à moteur sur un lac suisse, un couple qui fait l’amour dans une confortable chambre à la décoration minimaliste, une baignade dans une piscine, l’incendie d’une cabane en bois, des enfants issus de la bourgeoisie qui jouent dans un jardin public à Munich, etc. Cette importante installation vidéo célèbre et déplore tout à la fois les désirs produits par la culture occidentale.

L’oeuvre Seul celui qui connaît le désir (2015) est composée de grandes peintures disposées de façon aléatoire et qui représentent des glaciers et des roches enneigées, rappelant la tradition théâtrale du décor peint. Au sein de ce système d’illusion apparent, le bois joue le rôle d’une roche. Ces objets imposants contiennent et révèlent leurs nombreuses aspirations : à la beauté, à la transcendance, à être autre chose, et illustrent ainsi parfaitement la tension entre le banal et le sublime.

Ragnar Kjartansson compose une oeuvre singulière à la croisée de la performance et du cinéma, de la sculpture et de l’art lyrique, de la peinture de plein air et de la musique. Il produit régulièrement de vastes projets interdisciplinaires dont la réalisation implique souvent plusieurs participants – acteurs, musiciens, amis et membres de sa famille.

« Éprouvant les mécanismes du spectacle et les ressorts de la tragédie, Ragnar Kjartansson parvient conjointement à faire advenir une émotion à travers des gestes mélodramatiques et à révéler la réalité qui se joue dans les fondements de toute interprétation, en particulier celle de l’acteur ou celle du chanteur. » Julien Fronsacq

Le projet d’exposition conçu par Ragnar Kjartansson pour le Palais de Tokyo succède à une importante série d’expériences inspirées de World Light [Lumière du Monde] (1937-1940), le roman épique composé de quatre volumes du Prix Nobel Halldór Laxness. Considéré comme le chef d’œuvre de cette figure incontournable de la Littérature islandaise du XXème siècle, et comme une sorte de bible pour de nombreux artistes islandais, l’ouvrage relate l’histoire tragique et éminemment romantique d’un poète maudit.

À Berlin et à Reykjavik, avec la complicité de Kjartan Sveinsson, ancien pianiste du groupe Sigur Rós, l’artiste a conçu une adaptation lyrique du roman. Intitulée The Explosive Sonics of Divinity [Les sonorités explosives du Divin] (2014), l’oeuvre bouscule le genre du spectacle lyrique en remplaçant l’ensemble des comédiens par des éléments de décors, seuls acteurs sur scène. Ces décors, peints par l’artiste, reproduisent des paysages islandais romantiques et stéréotypés.

World Light [Lumière du Monde] (2015), autre oeuvre qui sera montrée pour la première fois au Palais de Tokyo, est une vidéo qui découle d’une performance intitulée The Palace of the Summerland [Le Palais du pays de l’été] (2014), dans laquelle Ragnar Kjartansson et ses amis ont transformé, quatre semaines durant, l’espace d’exposition du Thyssen Bornemisza Art Contemporary (Vienne, Autriche) en plateau de tournage. En collaboration avec plus d’une vingtaine d’amis artistes et de membres de sa famille, il a offert aux visiteurs une exposition en évolution constante, révélant l’intégralité de la production du film – des répétitions à la création des costumes jusqu’au tournage. La vidéo dure plusieurs heures, reflétant ainsi l’ambition du roman et celle de son protagoniste, un poète miséreux qui cherche à tout prix et inlassablement à vivre sa passion pour la beauté et la poésie, qui le conduit à la pauvreté, à l’inceste et au suicide, tout en lui donnant l’occasion d’assister, de temps en temps, à l’éclosion de véritables fleurs de beauté.

« La répétition est un facteur important dans la transformation d’un [temps] linéaire en une situation. Je pense qu’en tant qu’artiste je peux apporter certains éléments au théâtre ou emprunter des éléments théâtraux pour les intégrer à mon travail, mais mon point de vue sera toujours en dehors du théâtre ». 3 – Ragnar Kjartansson

La performance Bonjour (2015) fera se répéter chaque jour, pendant toute la durée de l’exposition, le charme d’une rencontre fugace entre un homme et une femme. L’artiste explore ici avec fantaisie l’art de mettre en scène un récit – de l’anecdote la plus banale à l’épopée – et renouvelle ainsi la performance et l’expérience que peut en avoir le visiteur.

« Alors que le concept de durée est central à l’art de la performance des années 1970, elle n’est qu’un outil formel pour Kjartansson, pour qui l’exploration des limites physiques du corps ont peu d’intérêt. En revanche, en termes de contenu, il se tourne souvent vers ce que d’aucuns considèrent comme l’antithèse de la performance : le théâtre ».4

Dans Scenes from Western Culture (2015), l’ensemble de films courts qui dépeignent des moments d’éclosion du désir quotidien, « l’écart entre la nature des sujets contribue à l’aspect tragi-comique d’une culture occidentale réduite ici à quelques scènes anecdotiques. » (Julien Fronsacq)

Enfin, certaines oeuvres présentées au Palais de Tokyo, telles que Raging Pornographic Sea (2012) et Me and My Mother (2000, 2005, 2010, 2015), mêlent aux questions soulevées par le ressassement des questions liées à la filiation, sujet essentiel de la démarche de l’artiste au sein de laquelle fiction et réalité tendent plus que jamais à se confondre.

Ragnar Kjartansson est né en 1976 à Reykjavik (Islande), où il vit et travaille. Diplômé de l’Académie des Arts d’Islande et du Royal Institute of Art de Stockholm, il a représenté l’Islande à la Biennale de Venise en 2009. Depuis plusieurs années, son travail bénéficie d’une large reconnaissance internationale et a été montré dans le cadre de nombreuses expositions personnelles en Europe et aux États-Unis. Après avoir de nouveau participé à la Biennale de Venise en 2013 avec le projet « S.S. Hangover », il a présenté « The Visitors » à l’ICA de Boston et au Guggenheim de Bilbao en 2014. Une vaste exposition personnelle intitulée « Me, My Mother, My Father, and I » a également eu lieu en 2014 au New Museum, à New York.


(2), (3) Ragnar Kjartansson, entretien réalisé par Markús Thór Andrésson “Ragnar Kjartansson -A Simple Act of Forgiveness”, Flash Art, n° 281, novembre-décembre 2011, pp. 78-81.
(4) Markús Thór Andrésson, “The Lure of Repetition”, Parkett, n°94, 2014.