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“Éric Pillot” In Situ - Etats-Unis
au Palais de l’Institut de France, Paris

du 22 octobre au 22 novembre 2015



www.academie-des-beaux-arts.fr

www.ericpillot.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 23 octobre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Éric Pillot, Tigre et forêt, 2015 © Éric Pillot.
2/  Éric Pillot, Grue couronnée et rochers, 2015 © Éric Pillot.
3/  Éric Pillot, Atèle et tête, 2015 © Éric Pillot.

 


1748_Eric-Pillot audio
Interview de Éric Pillot,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 23 octobre 2015, durée 11'52". © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Lauréat 2014 du Prix de Photographie Marc Ladreit de Lacharrière – Académie des Beaux-Arts, Eric Pillot présente « In Situ – États-Unis », une série de photographies consacrée à l’animal sauvage dans les parcs zoologiques américains. Et dont les cages aux décors artificiels se nourrissent d’une culture particulière de la représentation de la nature.


L’animal, fascinant dans son décor en trompe-l’œil

L’animal sauvage, objet de rêverie, exerce toujours sa fascination sur nous. Même derrière les barreaux d’une cage de zoo, même se fondant dans le décor artificiel censé représenter son milieu naturel. Avec « In Situ – États-Unis », Eric Pillot photographie les fiers félins et les singes malicieux des parcs zoologiques américains où le sujet même de l’image semble disparaître dans les peintures en trompe-l’œil qui ornent les parois de leur habitat. Ici, c’est un élégant caracal qui domine la savane peinte aux arbres tordues et aux herbes folles qui oscillent dans le vent. Plus loin, c’est un toucan qui attire l’œil avec son bec jaune éclatant se dessinant sur le vert d’une luxuriante forêt tropicale, les branches s’entremêlant les unes aux autres. L’illusion pourrait presque être parfaite si l’oiseau ne se tenait pas en équilibre sur une gamelle de métal dont le gris froid jure avec le décor naturel, inspiré de la peinture grandiose américaine du XIXè siècle. Parfois, le trompe-l’œil établit une véritable continuité avec le décor naturel, comme cette branche sur laquelle se tient un lézard émeraude et qui s’achève, par la magie des couleurs et des correspondances, en tourelle de pierre.

L’animal, sujet de notre regard, disparait pourtant parfois, comme englouti par la représentation de cette nature sauvage dont il est issu. Tel est le cas de ce petit oiseau blanc et cobalt, qui se dissimule en haut à droite de son cadre, perché sur une haute branche et qui se découpe sur le bleu turquoise d’un ciel crépusculaire. Impossible alors de dire si l’animal est une illusion, un trompe-l’œil lui aussi, tant sa posture figée et ses couleurs l’intègrent – littéralement – dans le décor. Le doute est plus grand encore quand la peinture elle-même se charge de représenter la vie animale. Au crocodile réel et concret, allongé sur son sable, vient par exemple se joindre une grue blanche qui semble émerger d’un fleuve brillant. Lequel des deux, du reptile ou du volatile, est réellement vivant ? Sans obstacle entre l’œil et la photographie, l’animal sauvage s’offre néanmoins dans toute sa splendeur et dans toute sa dignité, nous renvoyant même notre regard. Qu’il est fascinant, tristement fascinant, ce kangourou qui nous fait face, comme découpé sur le paysage d’un désert australien, avec ses montagnes brunes et son sable ocre ! L’animal fantasmé, imaginé, est là qui se livre à notre curiosité.


Un ailleurs aux limites définies

Mais le zoo, avec ses cages aux décors colorés et ses animaux exotiques parfois, mystérieux toujours, esquisse des ailleurs, des paysages lointains qui font partie d’une culture américaine qui s’est fondée sur la communion entre l’homme et la nature. La mouette perchée sur son poteau de bois n’a que l’immensité du ciel bleu à contempler, pendant que le tigre élégant est le maître d’une forêt dont les arbres longilignes semblent vouloir toucher les nuages. Les paysages sont vastes, ils happent leurs occupants dans la plus pure tradition des peintres de l’Hudson River School, dont les toiles étaient envahies par la nature. Et c’est d’autant plus flagrant avec ce suricate, accroché à son arbre derrière lequel s’esquisse une étendue d’eau plane et étale qui rejoint le ciel entre deux piliers d’arbres verts… Plus que simple être vivant de chair et de sang, l’animal sauvage devient alors le représentant d’un ailleurs, de larges étendues que la présence de l’homme a encore épargnées mais qui sont pourtant tellement reconnaissables. Les eaux bleu profond du Pacifique dans lesquelles s’apprête à plonger une tortue ou encore les montagnes rouges et ocres à l’architecture biscornue des déserts centraméricains sont tout autant de représentations d’un monde sauvage à la fois fascinant et dangereux. L’animal est pourtant, au contraire, dépouillé de son aspect redoutable. Sans aucune barrière entre lui et le spectateur, il est à porté d’yeux, à portée d’imagination tout en prenant chair dans le réel.

Et pourtant, dans ces incroyables figurations de l’ailleurs et de la liberté, s’immiscent quelques fausses notes. Le majestueux léopard qui repose sur sa couche de paille ne pourra jamais grimper aux branches de son décor. La zone plus foncée qui s’étend au-dessus de lui le signifie amplement. Là se trouve les limites de sa cage, les bordures qui symbolisent son enfermement. Et les montagnes rouges d’Amérique centrale cachent en leur sein les cadrans d’une porte qui vient déformer et rompre leurs contours. Quant à la girafe, coincée derrière les barreaux horizontaux qui cassent sa silhouette longiligne, elle semble vouloir regarder le bleu du ciel par-dessus les planches qui constituent un pan de sa cage. La liberté et l’ailleurs ne sont ici que des illusions. Le lointain sauvage, celui qui est censé ne connaître aucune limite, est de fait restreint dans le cadre de la cage mais aussi dans celui de la photographie, qui enferme un peu plus l’animal au cœur de son décor artificiel. Il n’en demeure pas moins que, même offerts ainsi à notre regard, même loin de leurs milieux naturels, kangourous, lions royaux et hiboux majestueux conservent toute leur dignité sauvage et mystérieuse.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Exposition du lauréat 2014 du Prix de Photographie Marc Ladreit De Lacharrière - Académie Des Beaux-Arts

In situ - États-Unis est consacré à l’animal dans les parcs zoologiques de l’est des Etats-Unis. Cette nouvelle série prolonge le travail mené par le photographe dans les zoos européens depuis plusieurs années.

Éric Pillot invite à regarder l’animal sauvage comme un être singulier, avec cette particularité d’être photographié dans des décors artificiels et scénarisés par l’homme.

Support dans ses images de nos émotions contenues et de notre imaginaire, l’animal constitue pour Éric Pillot une figure de l’Autre : un Autre que j’essaie de représenter avec noblesse et une certaine proximité, un Autre que je regarde, mais que je laisse aussi me regarder.

Avec In Situ - États-Unis, Éric Pillot s'est confronté aux grands espaces et aux architectures et décors emprunts d’une culture du grandiose qui lui ont permis de faire varier sa distance avec l’animal. Il a ainsi eu accès à de nouvelles mises en scène marquées par la culture visuelle, artistique et populaire de ce pays. Ce travail lui a également donné la possibilité de photographier des espèces rarement montrées dans nos contrées.

En explorant ces autres modes de présentation, Éric Pillot a cherché à ressentir les particularités des parcs nord américains et à les rendre sensibles dans ses photographies.

L'exposition présente une trentaine de tirages 100 cm x 100 cm réalisés sur papier mat, ce grand format permettant d’instaurer un rapport « physique » avec l’animal photographié.




In situ – États-Unis : propos d'Éric Pillot

«Depuis plusieurs années, je photographie l’animal, l’animal sauvage, dont certaines espèces ne survivront sans doute bientôt plus que dans des zoos dans les années à venir. J’ai commencé à ma série « In situ » en Europe, et ai continué ici ce travail dans une autre culture et d’autres espaces, ceux des Etats-Unis.

L’architecture et les décors des zoos sont intéressants à photographier, car ils sont riches d’influences, et empreints de la culture visuelle et artistique, populaire et savante, de leur pays. Ils ont beaucoup changé depuis l’apparition des premiers parcs, et continuent d’évoluer : les barreaux sont devenus rares, afin de privilégier une vue directe des animaux, et les formes et les couleurs des installations évoquent souvent les contrées d’origine des espèces qu’elles abritent.

L’animal me fascine comme un être étrange, beau et singulier. A travers mes images, j’essaie de le représenter dans toute sa beauté, et, d’une certaine façon, de me rapprocher de lui. Il me semble aussi que l’animal est très présent dans l’esprit des hommes, et ceci dès leur plus tendre enfance. Les couleurs et l’architecture de leurs enclos m’aident à faire appel à l’imaginaire et dans mes images (qui ne font l’objet d’aucune manipulation ou retouche numérique), les bêtes me paraissent pouvoir représenter quelque chose de l’ ”animal en nous”, dans toute sa diversité : celui que nous pouvons caresser, choyer, craindre,… celui des contes, des mythes, et des livres pour enfants.

Enfin, mon travail est aussi une métaphore : Je m’efforce d’isoler l’animal dans mes images (alors qu’il vit rarement seul dans les zoos) afin de favoriser une rencontre, une rencontre avec l’ “Autre” : un Autre que j’essaie de représenter avec noblesse et une certaine proximité, un Autre dont nous devons prendre soin, un Autre que je regarde, mais que je laisse aussi me regarder.»

Éric Pillot




Éric Pillot est né en 1968. Il vit et travaille à Paris.

Il découvre la photographie après avoir effectué des études scientifiques (École polytechnique et agrégation de mathématiques), étudié la musique et travaillé plusieurs années comme ingénieur.

Il effectue depuis plusieurs années un travail poétique, centré sur l’animal, qu’il photographie dans les décors de nombreux parcs zoologiques, dans le cadre notamment de ses séries « In Situ » et « In Situ – États-Unis ». Il s’intéresse également aux paysages à travers plusieurs projets, dont sa série « Horizons » exposée pour la première fois à Shanghai en septembre 2015.

Ses photographies ont été présentées depuis 2008 dans une soixantaine d’expositions personnelles et collectives, en Europe, en Asie et en Australie. Il a publié les monographies «In Situ» aux éditions Actes Sud en 2012 et «In Situ 2» aux éditions La Pionnière en 2015. Éric Pillot est lauréat 2012 du Prix HSBC pour la Photographie et lauréat 2014 du

Prix de Photographie Marc Ladreit de Lacharrière - Académie des beaux-arts. Il est représenté par la Galerie Dumonteil à Paris, Shanghai et New York et par William Mora Galleries à Melbourne.




L’Académie des beaux-arts et le Prix de Photographie

L’Académie des beaux-arts a créé le Prix de Photographie en 2007 à l’initiative de Marc Ladreit de Lacharrière, membre de l’Académie. Ce prix a pour vocation d’aider des photographes confirmés à réaliser un projet significatif et à le faire connaître au public.

D’un montant de 15.000 euros, il récompense un photographe français ou étranger travaillant en France, sans limite d’âge, auteur d’un projet photographique réalisé et exposé à l’Institut de France dans l’année suivant son attribution. Le lauréat du Prix de Photographie 2015 sera annoncé le 21 octobre 2015 à l'Académie des beaux-arts.

Le Prix et l’exposition bénéficient depuis l’origine du mécénat exclusif de F. Marc De Lacharrière (FIMALAC)
Depuis 2007, la Revue des Deux Mondes est heureuse de publier un hors-série consacré au travail du lauréat du Prix Marc Ladreit de Lacharrière – Académie des beaux-arts à l’occasion de l’exposition de son travail au Palais de l’Institut. Cette année, ce hors série est consacré au projet d’Éric Pillot In Situ - États-Unis :
www.revuedesdeuxmondes.fr