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“Réouverture” La sculpture au coeur de la rénovation de l’Hôtel Biron
au Musée Rodin, Paris

à partir du 12 novembre 2015



www.musee-rodin.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 6 novembre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jérôme Manoukian, agence photographique musée Rodin.
2/  3/  © musée Rodin (photo Jean de Calan)

 


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Interview de Catherine Chevillot, directrice du Musée Rodin,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 6 novembre 2015, durée 7'03". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Connu sous le nom d’hôtel Biron, le magnifique hôtel particulier datant du XVIIIe siècle abrite le musée Rodin depuis son ouverture en 1919. Il a fallu plus de trois années de travaux pour le restaurer et le mettre aux normes de sécurité et d’accessibilité. Les parquets, en particulier, avaient énormément souffert de la fréquentation des 700 000 visiteurs annuels. La rénovation de cet écrin a été l’occasion d’une refonte complète du parcours muséographique. La présentation porte un nouveau regard sur les collections du musée et le processus créatif de l’artiste est au coeur de la réflexion de ce parcours. À cette occasion, de nombreuses pièces en plâtre, qui illustrent la genèse de l’oeuvre de l’artiste, ont été restaurées et sorties des réserves.

Le parcours à la fois chronologique et thématique se déroulera sur 18 salles ainsi qu’un espace dédié aux collections d’arts graphiques et de photos, qui n’existait pas. Une salle (« Rodin à l’hôtel Biron ») restituera la présence de Rodin à l’hôtel Biron, sa demeure à partir de 1908. Le mobilier a été restauré à cette occasion, et ce cabinet de curiosités présentera à la fois des oeuvres du maître mais également des éléments de sa collection d’antiques à laquelle il tenait beaucoup. Cette collection, peu montrée jusqu’à maintenant, fera elle aussi l’objet d’une présentation dans la salle « Rodin et l’Antique », plus de cent fragments antiques entourant l’Homme qui marche seront accrochés au mur, reflétant l’admiration que Rodin portait à l’Antique ainsi que la diversité de sa collection. L’accrochage d’une cinquantaine de peintures de la collection de l’artiste sera également une découverte pour le public, le Père Tanguy de Van Gogh ou le Penseur d’Edward Munch, mais aussi le Théâtre de Belleville d’Eugène Carrière restauré pendant 3 ans au Centre de recherche et de restauration des musées de France, qui a retrouvé son éclat.

Grâce à la générosité de la fondation Iris & B. Gerald Cantor, le mobilier a été spécialement conçu pour accueillir les sculptures dans les espaces rénovés. Farrow & Ball, partenaire du musée, a créé une couleur unique, Biron Gray, dont la subtilité mettra en valeur les oeuvres.




Editorial par Catherine Chevillot, directrice du musée Rodin

« Jeunes gens qui voulez être les officiants de la beauté, peut-être vous plaira-t-il de trouver ici le résumé d’une longue expérience. »

Commencement du testament artistique de Rodin, cette phrase pourrait figurer au fronton de son musée. C’est bien en effet d’abord pour les jeunes artistes que le sculpteur, adulé par l’Europe entière, poursuivit avec opiniâtreté son projet de fonder un musée consacré à son oeuvre. Son ambition était de donner à voir : Rodin n’était pas un homme de discours et de conférences. Aux jeunes sculpteurs qui affluaient vers son atelier autour de 1900, il proposait non pas un enseignement, mais un temps de travail avec lui.

Donner à voir la sculpture, lui donner toute sa place, permettre au public de s’immerger dans cette appréhension particulière du monde, telle est la mission inchangée aujourd’hui du musée Rodin, de sa politique scientifique et culturelle, et même de son modèle économique. Notre temps d’images dématérialisées, d’espace virtuel et de « réalité augmentée » nous fait oublier la confrontation avec la matérialité des objets et des formes. Or la sculpture, par sa nature, ne se laisse jamais réduire à une image : il faut du temps pour l’apprécier dans toutes ses facettes et sous des lumières changeantes. Qu’elle porte l’empreinte des mains ou la trace de la recherche spatiale, la sculpture est d’abord un format, une matière, une masse, une couleur. Peut-être faut-il au spectateur d’aujourd’hui ces confrontations d’échelle, ces surgissements tangibles, ces objets palpables, pour qu’enfin il s’arrête et regarde, reprenne conscience de lui-même, de ses limites physiques dans l’espace réel.

La réalité sensible de la sculpture devait donc être au centre du projet de rénovation de l’hôtel Biron, entrepris début 2012. La confortation des structures et la mise aux normes techniques d’un édifice du XVIIIe siècle à bout de résistance ont été l’occasion de restaurer le bâtiment choisi par Rodin lui-même pour la présentation de son oeuvre. Retrouver la particularité des ambiances lumineuses, chaleureuses et mouvantes, favoriser la confrontation personnelle du visiteur avec l’objet, voilà quelles ont été mes premières priorités.

La sculpture, l’affirmation de sa réalité comme de sa poésie, de son histoire comme de sa modernité, ont donc guidé tous les choix lors de la rénovation : respect du lien de Rodin à cette architecture telle qu’il l’a connue et occupée, de l’interaction entre le jardin et les salles ; jeu de la lumière naturelle ; discrétion du dispositif muséographique, parcours simple alliant le chronologique et le thématique, qui se prolonge dans la nature paisible du jardin.

Donner au public les moyens de découvrir ou de mieux appréhender cet art est le fil conducteur de toute la politique des publics, de l’accessibilité matérielle aux dispositions d’aide à la visite en passant par le cartel : aussi trouvera-t-on de nouveaux outils de médiation (audioguides, médiation numérique…), une action volontariste en direction des publics prioritaires (handicap, champ social…), un effort particulier concernant la politique tarifaire afin que le musée reste accessible au plus large public possible.

Cette vaste entreprise n’aurait pas été possible sans l’aide de l’État et la collaboration étroite avec les services de la Direction générale des patrimoines ; sans l’engagement de nos mécènes, au premier rang desquels la Fondation Cantor : une très longue histoire nous a lié à Iris et B. Gerald Cantor, qui se manifeste aujourd’hui encore par une immense générosité. Ce renouveau nous a permis de créer aussi de nouveaux liens, comme avec la Fondation Ville et Patrimoine. Que tous les partenaires du musée trouvent également ici l’expression de ma gratitude.

La sculpture était au coeur du projet de création de musée d’Auguste Rodin, elle est au cœur du nouveau musée Rodin.




La sculpture au cœur de la rénovation

Rodin à l’Hôtel Biron


« Vous devriez, cher grand ami, voir ce beau bâtiment et la salle que j’habite depuis ce matin. Ses trois baies donnent prodigieusement sur un jardin abandonné, où on voit de temps en temps les lapins naïfs sauter à travers les treillages comme dans une ancienne tapisserie. » Rainer Maria Rilke à Auguste Rodin, le 31 août 1908

Lorsque le poète Rainer Maria Rilke, ancien secrétaire de Rodin, adressa cette lettre au sculpteur, il venait d’investir l’atelier qu’occupait sa femme, Clara Westhoff, dans une des salles du rez-de-chaussée de cet ancien domaine de la congrégation du Sacré Coeur de Jésus qui y avait installé une maison d’éducation pour les jeunes filles de l’aristocratie. En 1904, et en application de la loi qui supprimait les congrégations enseignantes, les religieuses furent contrainte de l’abandonner. Provisoirement et dans l’attente d’une décision officielle, le vieux bâtiment désaffecté fût mis en location. De jeunes artistes occupèrent les lieux, louant à bas prix une ou plusieurs pièces en guise d’atelier ou de logement. Les inconnus côtoyaient les célébrités actuelles et futures comme le peintre Henri Matisse, la danseuse Isadora Duncan ou le poète Jean Cocteau. Attiré par la poésie du XVIIIe siècle, Rodin fut immédiatement conquis et s’y installa quelques semaines plus tard en 1906, louant un, puis plusieurs salons du rez-de chaussée.

« L’hôtel n’est vraiment mélancolique que lorsque, par la brume, il regarde la sauvagerie du jardin à l’abandon ; il n’est triste que lorsqu’il semble évoquer son passé de bosquets et de petits temple. » Gustave Coquiot, Rodin à l’hôtel Biron et à Meudon, Ollendorff éditeur, Paris, 1917.

Dans ce lieu, Rodin recevait ses admirateurs, des journalistes, des marchands et des collectionneurs. L’exposition monographique qu’il avait organisée au pavillon de l’Alma en 1900 en marge de l’Exposition universelle avait fait sa renommée internationale ; les visites à Paris de personnalités françaises et étrangères entraînèrent de nombreuses commandes qui en firent l’artiste le plus convoité. Cette renommée, fraîchement établie, lui attira alors une nouvelle clientèle, célèbre et fortunée, qui ne tarda pas à lui passer commande. Mais tout en travaillant à la réalisation de ces portraits sculptés, le maître consacra progressivement la plupart de son temps au dessin. Installé dans un des salons ovales qui donnait sur le jardin, Rodin s’enfermait pour dessiner, dans une veine parfois très érotique, des nus qui avaient désormais sa préférence. Chaque jour, de Meudon, Rodin regagnait Paris et son atelier du dépôt des marbres, rue de l’Université puis à partir de 1908, l’hôtel Biron.

Le projet d’un musée

Lorsqu’en 1911, l’État devint propriétaire des lieux, il affecta la partie sud du jardin au lycée Victor Duruy avant de menacer le sculpteur et ses autres locataires d’expulsion. Tous quittèrent les lieux. Mais de précieux soutiens politiques et artistiques permirent à Rodin d’obtenir un sursis et de repousser plusieurs fois la mise en vente de l’hôtel particulier. Le rêve, secrètement caressé par Rodin tout au long de sa vie, de créer son propre musée ressurgit dès lors que l’artiste put jouir d’une reconnaissance réelle et d’une aisance financière. Le vieux sculpteur menait là son dernier combat.

La donation

Rodin donna à l’État la totalité de ses collections en 1916. Finalement, après des débats acharnés, c’est en pleine guerre, le 24 décembre 1916, que la Chambre des Députés, puis le Sénat, acceptèrent la donation. L’Assemblée nationale vota alors l’établissement du musée Rodin à l’hôtel Biron. Les retards imposés par la guerre empêchèrent le sculpteur d’assister à l’accomplissement de son rêve en ne rendant possible l’ouverture du musée que deux ans après sa mort, le 4 août 1919. Toutefois, Rodin avait permis de sauver l’hôtel Biron de la démolition en négociant avec l’État les termes de sa donation. Véritable écrin de tout l’oeuvre de l’artiste, l’hôtel Biron devenu musée Rodin est aujourd’hui entièrement consacré à la mémoire du sculpteur et à la mise en en lumière de la sculpture.

L’esprit de la rénovation

L’esprit de la rénovation a consisté non pas à restituer un hypothétique état d’origine de la construction de l’hôtel en 1732, mais à tenter de retrouver un « état Rodin ». Ouvert au public depuis 1919, le musée Rodin avait besoin d’être rénové avant d’aborder son deuxième siècle d’existence. Il devenait urgent de faire procéder à des travaux de rénovation visant à préserver la construction ancienne et lui redonner tout son l’éclat, lui offrir une muséographie digne de sa collection tout en l’adaptant aux normes d’accessibilité et de sécurité d’aujourd’hui. Les parquets, datant du XVIIIe siècle ainsi que les huisseries étaient dans un état préoccupant de conservation. La moitié des fenêtres a dû être restaurée en atelier. Pour l’autre moitié, trop dégradée, une restitution à l’identique a été réalisée.

La restauration de l’hôtel Biron, ensemble classé, a été articulée, entre 2012 et 2015, autour de la rénovation des salles d’exposition, de l’ouverture de nouveaux espaces de visite, du renouvellement complet du parcours muséographique avec un circuit continu et fluide, des mises aux normes d’accessibilités avec la construction d’un ascenseur, de sûreté des oeuvres et du bâtiment et de sécurité incendie (issues de secours, détection), la création de toilettes, et de la préservation du patrimoine architectural. Le programme concernant la rénovation historique (planchers, parquets et huisseries) du bâtiment a été opéré par Richard Duplat, architecte en chef des Monuments Historiques, le chantier de muséographie et de mise aux normes a été conçu et réalisé par l’architecte Dominique Brard de l’Atelier de l’Île.

Le nouveau musée Rodin présente maintenant l’oeuvre du sculpteur de façon plus complète pour un large public, facilitant la compréhension de l’oeuvre d’Auguste Rodin, de son histoire et de ses techniques.