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“Lucien Clergue” Les premiers albums
au Grand Palais, Paris

du 14 novembre 2015 au 15 février 2016



www.grandpalais.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 12 novembre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Lucien Clergue, La Danse du mariage gitan, Les Saintes-Maries-de-la-Mer, 1963, tirage moderne argentique. 58,3 cm x 49,3 cm. © Atelier Lucien Clergue.
2/  Lucien Clergue, Raie échouée (détail), Camargue, 1965, tirage vintage. 49,6 x 60 cm. © Atelier Lucien Clergue.
3/  Lucien Clergue, Acrobate, Arles, 1955, tirage vintage. 30,1 x 24,3 cm. © Atelier Lucien Clergue.

 


1767_Lucien-Clergue audio
Interview de François Hébel, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 12 novembre 2015, durée 14'53". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Des planches contacts, accumulation de petites images carrées en noir et blanc gonflent des albums d'échantillons de tissus. Il y a chez Lucien Clergue une énergie brutale, indomptée, un regard qui séduit et inquiète par sa jeunesse. Les photographies alignées en un rythme rapide résonnent comme des rafales de mitraillette, faisant de l'appareil photo une arme.

Car le déclencheur n'est pas là juste pour capturer, l'acte de photographier renvoie quelque chose sur le monde. Le jeune Lucien Clergue est hanté par le traumatisme de sa ville bombardée, les ruines et décombres d'Arles donnent naissance à des formes, des abstractions évoquant une vie végétale. Des mannequins brisés nous regardent, les yeux grand ouverts, tendant leurs mains dans un geste plein de grâce. Il y a une ferveur religieuse dans ces cadrages, dans la lumière comme tentative de résurrection rédemptrice. Le jeune funambule habillé de blanc est un ange marchant dans le ciel, tout support matériel à sa performance étant dématérialisé, réduit à quelques fines et abstraites lignes noires.

La vie, son mystère, c'est bien ce qu'il semble chercher inlassablement dans les marais avoisinants. La nature se voit disséquée dans un contraste épuré noir/blanc. Mares, rochers, sable, feuillages perdent leur enveloppe charnelle pour dévoiler une mécanique céleste, un mouvement vibratoire sans échelle, reliant le microscopique à l'infiniment grand.

Ses nus offrent une image intemporelle, d'abord parce que les têtes sont absentes du cadre, puis par une impudeur totale. Il n'y a là aucune provocation, au contraire, le corps s'offre à la lumière dans l'oblitération de l'idée même de pudeur. Ces corps naissent de l'océan dans un remous d'écume, émergeant comme les premières formes animales de la matrice originelle.

Les portraits de gitans, leurs rites étranges et épileptiques, la magie des fêtes foraines, la musique et la danse omniprésentes sont autant de manifestations du mystère de la vie au sens religieux du terme. Les images rassemblées composent un récit biblique, une communion dont l'énergie débordante n'a pu être contenue entre les murs d'une église.

Les photos de corridas qui ont impressionné Picasso sont prises au ras le sol, dans un angle cinématographique expressionniste. Elles illustrent un combat épique où le taureau se confondant dans la cape devient fumée, trainée de flammes, laissant place à une figure de minotaure. Monstre surgi de la mythologie, sa mise à mort sacre le héros victorieux des forces obscures. Dans le contre jour, le torero semble vêtu de noir, il devient un prêtre en soutane administrant l'onction. La mort devient rédemption à nouveau.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat et direction artistique : François Hébel et Christian Lacroix
maîtrise d’oeuvre technique : Véronique Dollfus

Cette exposition est réalisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, en collaboration avec l’Atelier Lucien Clergue.




Lucien Clergue (1934-2014) n’a pas encore vingt ans lorsque Pablo Picasso décide de le parrainer après qu’il lui ait présenté ses premières photos à la sortie d’une corrida, à Arles (1953). Il accepte de dessiner pour lui la couverture de plusieurs ouvrages à venir et lui présente Jean Cocteau qui l’aide généreusement à structurer le discours de son oeuvre.

C’est grâce à la découverte d’albums de travail à la mort du photographe, restés jusque-là inconnus, que l’on peut saisir la fulgurance et la poésie mortifère qui habitaient alors Lucien Clergue et qui a séduit ces deux grands artistes. Sept albums, notamment de collections textiles pour couturière, récupérés, dont les échantillons de tissus ont été remplacés par des contacts présentent les thèmes les plus radicaux des premiers travaux de Lucien Clergue : charognes, ruines, enfants déguisés en saltimbanques, gitans, et très vite, la tauromachie et les premiers nus. Tout est dit de l’âme de ce jeune adulte, encore enfant pendant les bombardements de la seconde guerre mondiale, qui soigne sa mère, petite commerçante arlésienne, avant qu’elle ne disparaisse alors qu’il est encore jeune.

Célèbre pour ses photographies de nus féminins qui rencontrent la révolution sexuelle des années 60/70, le coeur de l’oeuvre de Clergue est d’une autre poésie. Cette exposition le raconte à travers un parcours original qui propose une lecture de l’oeuvre, réduite, réorganisée et dans une nouvelle hiérarchie. Par exemple : ses magnifiques photographies des gitans d’Arles et des Saintes Maries, prennent une ampleur que l’artiste ne leur avait pas donné de son vivant ne voulant pas être pris pour un reporter à une époque où la photographie était très clivée. Il était d’ailleurs celui qui avait découvert Manitas de Plata qu’il accompagne dans le monde entier.

Cette mise en place rapide d’une oeuvre trouve son aboutissement dans une thèse qu’il soutient uniquement à l’aide de photographies devant Roland Barthes qui lui reconnait la maitrise d’un langage émergent. C’est l’apogée de la recherche de Lucien Clergue. Il consacre ensuite une grande partie de son énergie à promouvoir le travail des autres à travers la création des Rencontres Internationales de la Photographie qui deviennent vite le rendez-vous mondial de cet art en plein essor, en parallèle de la gestion de sa propre carrière.

Très tôt exposé au Musée d’Art Moderne de New York (1961), la consécration de Lucien Clergue est d’être le premier photographe à entrer à l’Académie des beaux-arts (2006). Son succès vient aussi de sa qualité de conteur. Sa voix, enregistrée à l’occasion d’une exposition fêtant ses 80 ans aux Rencontres d’Arles, accompagne les visiteurs ainsi que quelques enregistrements pour la télévision qui montrent, très tôt, sa conviction de ce que la photographie va advenir.

Le parcours conçu par les deux commissaires permettra de s’immerger, dans les meilleures photographies de cette période féconde, regroupées par thèmes, dans une mise en scène qui devrait rendre la visite très dynamique et redonner sa juste place à ce photographe mondialement célèbre.

Le couturier et décorateur de théâtre arlésien Christian Lacroix et le directeur artistique, ancien directeur des Rencontres de la photographie d’Arles, François Hébel, ont été invités par le Grand Palais à réaliser le commissariat et la scénographie de cette exposition pour leur amitié avec Lucien Clergue et leur passion partagée pour Arles, cadre indissociable de l’oeuvre du photographe.


1391_Lucien Clergue audio

Archives FranceFineArt.com :
Retrouvez l’interview de Jean-François Dreuilhe, assistant de Lucien Clergue,
réalisée lors de l’exposition “Les hommes et les femmes de Lucien Clergue”
dans les cadre des Rencontres d’Arles 2014.

http://www.francefineart.com/index.php/agenda/14-agenda/agenda-news/1467-1391-arles-lucien-clergue-1391-arles-lucien-clergue