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“Les Fragments de l’amour” article 1777
au CAC - La Traverse, Centre d’art contemporain d’Alfortville

du 8 décembre 2015 au 12 mars 2016



www.cac-latraverse.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l’exposition avec Léa Bismuth, le 11 décembre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Dorothée Smith, Septième promenade, (film still) 2013. Fiction expérimentale, couleur et caméra thermique. Courtesy the artist & Galerie Les Filles du Calvaire, Paris.
2/  Alix Cléo Roubaud, 31 rue de la Harpe, octobre 1980/décembre 1980, 24 x 30 cm. Tirage gélatino argentique sur papier. Collection particulière, Courtesy Hélène Giannecchini, responsable du Fonds Alix Cléo Roubaud.
3/  Mounir Fatmi, Casablanca Circles, 2012. Impression pigmentaire sur baryté. Courtesy the artist & Keitelman Gallery, Bruxelles.

 


1777_Fragments audio
Interview de Léa Bismuth, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Alfortville, le 11 décembre 2015, durée 10'54", © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat de Léa Bismuth



avec : Charbel-joseph H. Boutros, Anne-Lise Broyer, Julien Crépieux, Mathilde Denize, Emma Dusong, Mounir Fatmi, Hervé Guibert, Axel Pahlavi, Javier Pérez, Alix Cléo Roubaud, Stéphanie Saadé, Dorothée Smith, Agnès Thurnauer et João Vilhena.

Et quand je t’appelle mon amour, mon amour, est-ce toi que j’appelle ou mon amour ? Toi, mon amour, est-ce toi que je nomme ainsi, à toi que je m’adresse ? Je ne sais pas si la question est bien formée, elle me fait peur. Mais je suis sûr que la réponse, si elle m’arrive un jour, elle me sera venue de toi. Toi seulement, mon amour, toi seulement tu l’auras su. Nous sommes demandés l’impossible, comme l’impossible, tous les deux.1

Ces mots de Jacques Derrida, dans son livre énigmatique La Carte Postale, en disent long sur cette étrange affaire de lien et de co-création à l’origine de toute histoire d’amour. Car il est bien question d’une histoire que l’on se raconte, mais aussi d’un roman de vie, que l’on composerait pas à pas, presque malgré nous. Si bien, qu’en réalité, c’est la vie même qui s’écrierait au fil des jours.

L’hypothèse serait donc la suivante : imaginer une exposition qui tenterait de dire quelque chose de ce que nous ne pouvons nous contenter d’appeler un « sentiment » ou un « état », mais qui serait encore davantage. Car, dire quelque chose de l’amour, pouvons-nous même imaginer une seule seconde que cela serait possible ? Comment mettre des mots, et a fortiori des images et des oeuvres, sur un « impossible » que deux êtres se donnent comme terrain de jeu ?

Vouloir dire l’amour est une ambition démesurée. Les grands romans d’amour s’y sont frottés, et nous en avons lu beaucoup 2. Le cinéma aussi y trouve la matière première de nombreux chefs-d’oeuvre, et nous avons vu beaucoup de ces films-là 3, qui reviennent en rêve comme s’ils avaient été vécus. C’est pourquoi littérature et cinéma — ces arts de l’expérience du temps incompressible, et du corps pris dans une épaisseur temporelle, qu’elle soit celle de la lecture ou du visionnage — apparaîtront comme les grands fantômes de cette exposition et seront à l’origine de certaines oeuvres présentées.

Ainsi, nous ferons l’expérience d’une exposition conçue par éclats, parce qu’il reviendra justement au spectateur de façonner un récit à partir de multiples fragments, et de fantasmer sa propre histoire d’amour, de la réinventer peut-être, dans un voyage qui le mènera de la rencontre à la disparition, en passant par tant de pics d’intensité qu’il serait bien difficile de tous les nommer : regard, charme, contact, baiser, union, fusion érotique, fascination, fantasme, adresse, temps, écriture, lettre, souvenir, corps à corps, douleur, vie…

Une mise en garde toutefois : chaque histoire d’amour singulière a sa géographie propre, ses zones d’opacité et son cheminement; aucune vérité n’y préside. L’exposition respectera ce fourmillement des existences. Et ce seront les oeuvres, en tant que cristallisations amoureuses, qui auront finalement raison de cet amour réinventé.

Léa Bismuth

1/ Jacques Derrida, La Carte Postale, lettre datée du 3 juin 1977, Flammarion, 1980-réédition 2014, page 14
2/ Citons pas tout à fait au hasard : Blanche ou l’oubli, La Prisonnière, Ada ou d’ardeur, Le Ravissement de Lol V. Stein, Au-dessous du volcan…
3/ Citons encore : La Captive, L’Avventura, La Notte, L’Eclipse, Le Voyage en Italie, Eloge de l’amour…