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“Bourse du Talent” 2015
à la BnF François-Mitterrand, Paris

du 18 décembre 2015 au 7 février 2016


www.photographie.com

www.bnf.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation avec Héloïse Conesa pour la BnF, le 17 décembre 2015.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Michel Slomka, Srebrenica, le retour à la terre. Bourse #61 Reportage. © Michel Slomka.
2/  Laurent Kronental, Souvenir d’un futur. Bourse #64 Paysage. © Laurent Kronental.
3/  Karolin Klueppel, Mädchenland. Bourse #62 Portrait. © Karolin Klueppel.

 


1782_Bourse-Talent audio
Interview de Héloïse Conesa, conservatrice pour la photographie contemporaine
au département des Estampes et de la photographie de la BnF
et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, Paris, le 17 décembre 2015, durée 13'10". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

La photographie ne cesse de mourir, nous dit-on. L'édition 2015 de la Bourse du Talent montre au contraire une jeune scène bien vivante, mélangeant outils du passé et tendances actuelles.

Exilé(e)s de Birmanie de Hugo Ribes est une plongée dans la ville de Mae Sot, frontière poreuse entre la Thaïlande et la Birmanie voisine. Des milliers de femmes birmanes sont venues y chercher du travail et se retrouvent dans un état de semi-esclavage entre usines textiles, bars à karaoke et prostitution. Plus qu'une réflexion sur le statut de migrant, ce travail montre les faces exposées et cachées d'une ville. Les jeunes femmes vont au marché, à la fête foraine, discutent au coin d'une rue, prient au temple, sœurs de labeur et d'exil, seul l'uniforme des ouvrières les distinguant de celles œuvrant la nuit. Une fois l'obscurité venue, l'objectif entre dans hôtels et chambres, révélant à la lumière des néons la solitude de l'exil, la promiscuité, la drogue qui aide à tenir, la menace des proxénètes qui se lit dans les lignes bleutées des tatouages. Ce travail photographique réussit à capter magnifiquement la culture birmane en assumant une candide simplicité, fuyant tout effet et maniérisme pour cadrer l'essentiel. En abandonnant courageusement la quête d'une originalité synthétique, Hugo Ribes construit une œuvre généreuse et remplie de compassion.

Karolin Klüppel, dans Mädchenland, le royaume des filles, est partie photographier les petites filles d'une société matrilinéaire en Inde. Les tirages sont saturés, contrastés comme avec des filtres instagram. Ce pays des filles semble une contrée fantastique, un monde de Peter Pan sans adultes où les enfants vivent en harmonie dans une nature vibrante de la présence de ses esprits. Sources d'eau pure, insectes aux couleurs vives, poissons, fruits deviennent bijoux et vêtements, parures luxueuses. Ces portraits d'enfants à l'existence simple et onirique sont comme des tableaux classiques, images d'un paradis perdu ou rappel de la vraie valeur des choses.

Dans la même veine, La Prophétie de Fabrice Monteiro détourne l'image de mode pour la mettre au service d'un discours environnemental. Ses mannequins sont des géantes, des déesses multicolores dressées sur d'immenses jambes. Leurs robes imposantes sont faites des déchets de nos supermarchés, de bois mort prêt à brûler, leurs couronnes, diadèmes futuristes en panneaux solaires ou assemblages organiques shamaniques. Triomphantes d'une beauté libérée telles des techno-sirènes post-apocalyptiques ou inquiétantes en créatures tentaculaires surgies de l'océan, luisantes de pétrole, ces déesses préfigurent nos croyances futures, les divinités vers lesquelles nous nous tournerons lorsque nous en aurons fini avec notre superficialité et accepterons de voir le monde tel qu'il est devenu.

L'appel de Yann Laubscher clôt ce parcours, proposant, après les discours d'urgence environnementale, une vision apaisée. Dans une Russie reculée, des hommes et femmes ont fait depuis les années 60 le choix d'un retour à la nature, fuyant l'idéologie tant politique que consumériste. Les clichés sont d'une sobriété radicale, débarrassés de tout élément sociétal. Il ne reste que les personnages, debout, de face, au milieu de forêts et de prés. La nature reprend ses droits, emplissant l'image de ses odeurs de tourbe et de feuillage, de la sensation de son humidité, de la fraicheur de la saison, du silence qui se fait quand l'agitation du monde est loin. Si l'ombre de la destruction plane, inquiétante, la forêt semble la défier, sûre malgré tout de sa supériorité.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Photographie.com, en collaboration avec Héloïse Conesa, conservateur au département des Estampes et de la photographie de la BnF




Depuis 2007, la BnF, fidèle à sa tradition d’ouverture à la photographie actuelle, présente les images distinguées par les jurys des quatre sessions annuelles de la Bourse du Talent. Cette manifestation, organisée par Photographie.com et Picto, est un moment incontournable de la reconnaissance des talents émergents.

Au fil des années, le public a pu découvrir non seulement les nouveaux talents, mais aussi les nouvelles lignes de force de la photographie contemporaine. Les jurés, issus de tous les horizons du territoire de la photographie, ont révélé et fait connaître de nombreux photographes largement célébrés. Citons entre autres Jürgen Nefzger, Stéphanie Lacombe, Nicolas Dhervilliers ou Lucie & Simon. L’édition 2015 offre elle aussi sa moisson de travaux remarquables.

Bourse du Talent #61 Reportage
Le jury a choisi d’attribuer la Bourse #61 Reportage à Michel Slomka pour son sujet « Srebrenica, le retour à la terre ». Presque 20 ans après le massacre de Srebrenica, le photographe a saisi le quotidien de survivants qui, bien qu’ayant tout perdu, ont décidé de revenir vivre chez eux.

Bourse du Talent #62 Portrait
Dans sa série « Mädchenland », la lauréate de la Bourse du Talent #62 Portrait Karolin Klueppel, s’intéresse aux jeunes filles Khasi du nord-est de l’Inde. Elle livre un travail d’une grand sensibilité, tant artistique que documentaire, sur le quotidien des femmes dans cette société matrilinéaire.

Bourse du Talent #63 Mode
La série «Out of line» de Laura Bonnefous, lauréate de la Bourse # 63 Mode, est un échange entre le corps, l’espace et le vêtement. L’humain est souligné par sa force la plus primaire, tandis que le vêtement se personnifie. Les formes se redessinent, les personnages se transforment et des hybridations se créent entre matière humaine et matière textile.

Bourse du Talent #64 Paysage
Lauréat de la Bourse du Talent #64 Paysage, Laurent Kronental, dans sa série « Souvenir d’un futur », offre un témoignage émouvant sur la vie des séniors dans les grands ensembles urbains de région parisienne. Fasciné par le modernisme ambitieux et à la fois suranné de ces architectures conçues pendant les Trente Glorieuses, le photographe interroge la condition de ceux qui y ont vieilli et qui représentent la mémoire des lieux.

Les photographies exposées viendront par ailleurs enrichir les collections du département des Estampes et de la photographie de la BnF.


icono audio

Archives FranceFineArt.com :
réécouter Héloïse Conesa,
conservateur au département des Estampes et de la photographie de la BnF,
lors de la Bourse du Talent 2014

http://www.francefineart.com/index.php/agenda/14-agenda/agenda-news/1618-1519-bnf-bourse-du-talent