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“Henri Salesse” Nouveau monde 1945 - 1977
à la Maison de la Photographie Robert Doisneau, Gentilly

du 28 janvier au 24 avril 2016



www.maisondoisneau.agglo-valdebievre.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec les commissaires, le 27 janvier 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Henri Salesse, Z.U.P. Chambéry, août 1974. © MEDDE/MLETR.
2/  Henri Salesse, Enquête sociologique 3. rue Marin-le-Pigny, Rouen, septembre 1951. © MEDDE/MLETR.
3/  Henri Salesse, Autoportrait, non daté. Collection Jeanine Salesse.

 


1799_Henri-Salesse audio
Interview de Daniel Coutelier, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Gentilly, le 27 janvier 2016, durée 28'42". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires : Daniel Coutelier et Michaël Houlette



Cette exposition vise à retracer pour la première fois la carrière d’Henri Salesse (Paris, 1914-2006), photographe fonctionnaire du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) dès 1945. À travers le parcours de Salesse, c’est l’histoire de ce ministère et les choix de la reconstruction française d’après-guerre qui sont exposés. Henri Salesse apparaît en effet comme l’observateur privilégié d’une transformation radicale et spectaculaire du territoire français.

Henri Salesse a exercé sa carrière de photographe en tant que fonctionnaire de l’État de 1945 à 1977. Ses images et celles des autres photographes qui ont travaillé pour le MRU et pour les ministères qui lui ont succédé sont à présent conservées à la photothèque de la direction de la Communication des ministères de l'Écologie et du Logement.

L’archive patrimoniale de cette photothèque se compose de 67 000 négatifs de format 6x6 cm pour la majeure partie. Depuis 2008, cette archive a fait l’objet de plusieurs travaux qui ont révélé la qualité exceptionnelle d’un fonds documentaire jusqu’alors méconnu. Elles ont permis de distinguer certains auteurs (dont Salesse) et de contextualiser la production d’un service photographique administratif créé à la Libération.

Cette exposition et l’ouvrage qui l’accompagne, embrassent l’intégralité de la carrière administrative d’Henri Salesse. Ses reportages ont été identifiés et isolés afin de mieux cerner son rôle, son regard et son approche de photographe chargé de documenter la reconstruction et la transformation du territoire national.

Regarder l’oeuvre de Salesse, c’est considérer le travail d’un technicien missionné à travers la France afin d’établir des constats : c’est acter un état de délabrement d’un pays au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et suivre un vaste chantier de redressement mis en place par les pouvoirs publics de l’époque. Mais c’est surtout assister, en l’espace de trois décennies, à la métamorphose des villes et des campagnes, à l’élaboration manifeste d’un nouveau monde.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France, comme d’autres pays européens, est confrontée à plusieurs problèmes majeurs à propos de l’habitat. Il s’agit en effet de reconstruire vite pour remédier aux importantes destructions de guerre qui ont anéanti des villes entières mais aussi pour résoudre la question du logement insalubre et précaire qui sévit dans tout le pays depuis les années 1920 et enfin pour répondre à une démographie croissante (le baby-boom) qui a amplifié l’urgence d’une construction à grande échelle.

Les destructions touchent toute la France, du nord au sud, d’est en ouest, et la priorité est de parer aux urgences, de « bricoler » comme on peut des solutions, de « s’ingénier » pour qu’au moins le pays ne se dégrade pas davantage. Dans le même temps, ce gouvernement planifie déjà une autre reconstruction beaucoup plus ambitieuse. Car les ravages engendrés par le conflit mondial sont aussi l’occasion unique de repenser les villes et d’offrir aux Français un cadre de vie qu’ils n’ont jamais connu auparavant, du confort dans des logements fonctionnels, un environnement paisible dans des villes modernes et aérées, et cela pour le plus grand nombre. La tâche est démesurée, car il faut à la fois remédier aux destructions de la guerre, entreprendre une construction massive pour pallier un essor démographique exceptionnel, puis résoudre l’insalubrité de très nombreux logements. Sans compter que l’ambition va s’affirmer au fur et à mesure que l’urgence se fera moins pressante. Eugène Claudius-Petit, ministre emblématique du MRU nommé en 1948, orientera radicalement la politique de reconstruction vers le modernisme et la planification urbaine.

Pour entreprendre ce chantier colossal, sans précédent, qui durera plusieurs années, l’État va tout centraliser. Le MRU va encadrer la reconstruction des villes, installer des délégations dans chaque département, trier sur le volet ses délégués locaux et tout surveiller depuis Paris. Il va falloir reconstruire à l’échelle d’un pays tout entier, donc aussi convaincre le plus grand nombre de Français du bien-fondé de l’ambitieux Plan, les habitants des « taudis » d’abandonner leur logement pour des appartements clairs et spacieux dans les grands ensembles, mais aussi les victimes des dommages de guerre d’attendre des années dans des baraquements provisoires avant de retrouver un toit.
(Daniel Coutelier, Henri Salesse, Nouveau monde, éd. Tumuult 2016).

La nouvelle administration chargée de la reconstruction a besoin de données tangibles afin d’évaluer l’étendue des dommages et fixer sans attendre des priorités. Mais elle a aussi besoin d’images pour montrer à la population qu’une vaste entreprise de redressement vient de se mettre en marche. Henri Salesse rejoint le service photographique du MRU au moment de sa création en 1945.

Henri Salesse a travaillé pour Photolith, une imprimerie spécialisée dans la reproduction photo-mécanique, située rue Niepce à Paris, où il sera employé de 1927 à 1945. Il continue de se former en autodidacte, obtient des diplômes de la revue Française de photographie, puis durant la guerre, d’août 1939 à août 1940, il est mobilisé, affecté pour grande partie à la section photo de la base aérienne de la Malmaison dans l’Aisne, en qualité de photographe. Il prendra ensuite des cours à la Société française de photographie et de cinématographie à partir de novembre 1942… À la libération, à 31 ans, Henri Salesse compte déjà 18 ans d’expérience en photographie. (Daniel Coutelier, Henri Salesse, Nouveau monde, éd. Tumuult 2016).

Salesse prend des milliers de clichés au cours de ses tournées photographiques qui l’emmènent sur l’ensemble du territoire hexagonal. Comme les autres photographes du MRU, il parcourt les terrains à construire, visite des centaines de chantiers et un nombre incalculable d’habitations nouvellement édifiées. Il doit regarder, enregistrer, répertorier pour pouvoir montrer. (Michaël Houlette, Henri Salesse, Nouveau monde, éd. Tumuult 2016).

Pendant ses trente-deux années d’activités professionnelles, Henri Salesse affiche une étonnante constance dans sa production photographique. Les réponses qu’il apporte aux commandes qui lui sont passées, son approche et son traitement du sujet respectent avec peu d’écarts le cadre qu’il s’est fixé dès ses débuts. Cette régularité se trouve en grande partie renforcée par la répétition de sujets similaires (de nombreux immeubles en chantier par exemple) mais aussi par l’usage prédominant du 6x6 jusqu’à la fin de sa carrière en 1977. L’oeuvre de Salesse, offre un regard équanime sur les trois décennies de reconstructions et de constructions françaises qui ont suivi la guerre. Elle permet incidemment d’établir des comparaisons entre les premiers clichés des années 1940 et les dernières prises de vues des années 1970, entre la nécessité de redresser un pays dévasté et l’avènement d’une société nouvelle, entre un avant et un après où s’exprime une puissante volonté politique. Ainsi ses reportages illustrent le passage de la ville ancienne, partiellement détruite ou « enlaidie » par des compilations désordonnées d’architectures, à l’édification de la cité moderne avec ses contours planifiés et ses espaces rationalisés. […] Ils montrent enfin comment la notion d’aménagement du territoire s’instaure progressivement en France et comment le paysage urbain ou rural est peu à peu recomposé pour laisser place aux nouvelles habitations, aux activités économiques et, par-dessus tout, aux infrastructures routières. (Michaël Houlette, Henri Salesse, Nouveau monde, éd. Tumuult 2016).

La pratique photographique d’Henri Salesse, celle d’un photographe soumis à un protocole de prise de vue visant à une neutralité documentaire, et son rôle de « vérification technique » posent les jalons d’une pratique et d’un regard moderne sur le territoire. Le travail de ce photographe technicien, sa relation au paysage et à l’espace urbain, évoque en effet les productions qui seront réalisées quelques années plus tard par certains auteurs de la DATAR ou par de nombreux photographes contemporains.




Salesse Nouveau Monde : Catalogue d’exposition publié par Tumuult Éditions, Berlin, 2015. Avec les textes de Daniel Coutelier et Michaël Houlette. 
Prix de vente à la Maison Doisneau : 15 € / ebook : 2 € sur www.tumuult.com

Avec Salesse, Nouveau Monde, les éditions Tumuult présentent leur troisième catalogue d’exposition en partenariat avec la Maison de la Photographie Robert Doisneau. Augmentées d’une introduction scientifique de Daniel Coutelier et curatoriale de Michaël Houlette, les onze planches photographiques composant le recueil, offrent une traversée unique de l’habitat français depuis l’insalubrité d’après-guerre jusqu’aux grands ensembles des années 1970. Par la photographie d’Henri Salesse, offrir ici une plongée inédite dans le fonds du Ministère français de la Reconstruction et de l’Urbanisme — un ouvrage de collection, à consulter, emporter, afficher. 
La maison d’édition Tumuult créée à Berlin en 2014 est engagée dans la diffusion et la libre circulation des savoirs.