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“Des artistes chinois à la Fondation Louis Vuitton” article 1798
à la Fondation Louis Vuitton, Paris

du 27 janvier au 29 août 2016



www.fondationlouisvuitton.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 26 janvier 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Huang Yong Ping, L’Arc de Saint-Gilles, 2015. Bois, fer, fibre de verre, poils de chien, feuille d’or 156 x 448 x 70 cm. © ADAGP, Paris 2015. Courtesy de l’artiste et de la galerie kamel Mennour, Paris Photo : Fabrice Seixas.
2/  Tao Hui, The Dusk of Teheran, 2014. Vidéo, couleur, son, 4 minutes. © Tao Hui, 2015. Courtesy de l’artiste et galerie Aike Dellarco, Shanghai.
3/  Xu Zhen, New, 2014. Acier inoxydable peint, 130x110x402 cm. Production : MadeIn Company. © Xu Zhen, 2015/ Courtesy de l’artiste et Shanghart Gallery, Shanghai Photo : MadeIn Company.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

La fondation Louis Vuitton présente Bentu, des artistes chinois dans la turbulence des mutations, un aperçu des nouvelles tendances de l'art contemporain en Chine. Cette exposition est complétée par l'ouverture de deux étages aux œuvres d'artistes chinois de la collection.

Currency Wars de Xu Qu agrandit les minuscules détails des trames de billets de banque sur de grands panneaux montés sur roulettes. La monnaie devient un tableau abstrait, réduit à des géométries de lignes aux couleurs criardes et vulgaires. Les devises anonymes sont alors agressives comme autant de panneaux publicitaires racoleurs.

Si cette critique est directe, celle Liu Xiaodong est plus délicate. Sa peinture néo réaliste détourne les codes picturaux de l'héroïsme socialiste. Ses héros sont des hommes ordinaires, ouvriers et paysans, s'offrant une pause dans leur travail pour discuter, fumer une cigarette, regarder un match de basketball à la télévision. Un groupe d'amis jouant aux cartes devant une épave d'avion de chasse tourne délibérément le dos à ce glorieux vestige historique, signant l'abandon final d'une idéologie. Deux hommes discutent les implications d'une radiographie des poumons, cruelle et audacieuse référence aux problèmes environnementaux que le pays doit affronter mais aussi signe subtil d'un changement des mentalités.

Les mutations de la Chine sont cartographiées par Qiu Zhijie. Son immense carte ancienne peinte à l'encre sur de grandes feuilles de papier dressent une géographie de l'histoire du pays, des courants idéologiques, sociaux, économiques et politiques qui en façonnent les identités multiples. Les régions et massifs montagneux sont bouddhisme, confucianisme, nationalisme, libéralisme; les fleuves et voies ferrées retracent les grands évènements de l'histoire, les réformes successives. Au centre du territoire trône la grande arène du 'made in China', une gigantesque foire d'empoigne chaotique où s'affrontent croissance incontrôlée, finance, travailleurs migrants, ONGs, addiction au shopping, célébrités. La modernité semble une tour de Babel illusoire menaçant d'engloutir tout l'écosystème qui l'a vu naitre.

Moins radicale mais tout aussi efficace, une génération d'artistes se saisit des influences occidentales pour les remixer dans l'affirmation d'une culture orientale. Huang Yong Ping récupère le porte-bouteilles de Marcel Duchamp et y plante cinquante bras de Bouddha, réalisant, à l'image de la tendance du cinéma actuel, un remake du ready-made originel. Xu Zhen agrandit une statuette de déesse et la recouvre d'un arc en ciel, en faisant une icône rock'n'roll.

Empruntant à l'univers du jeu vidéo, Cao Fei réalise une île fantasmatique en 3D. Les monuments célèbres de Chine, statues, trains, pandas, s'animent dans un monde kawaii tournoyant sans fin, totalement absurde mais dont la filiation avec la tradition surréaliste se clarifie petit à petit. Confrontant sans cesse le réel à l'onirique, il interroge dans une vidéo les ouvrières d'une usine sur leurs rêves d'épanouissement. Devant la caméra ces femmes deviennent l'espace d'un moment danseuses ou rockeuses avant de revenir à un réel bien moins prometteur. Ainsi, derrière l'énergie des bataillons d'employés chantant l'hymne de leur entreprise, marchant au pas dans leurs rituels matinaux émerge l'image d'une armée d'un nouveau genre. Ces soldats multicolores se préparent à une guerre d'un genre nouveau, économique cette fois-ci, dans laquelle il n'y a pas de place pour les rêves.

Une femme écoute doucement la mer dans un coquillage. Les images saturées en hyper technicolor de Yang Fudong apaisent mais ces plages, ces naïves baigneuses et les cerfs qui s'y promènent se révèlent rapidement une mise en scène de carton pâte numérique.

Le désenchantement de ces artistes vient rejoindre celui que l'on retrouve de notre côté du monde. Toutefois leur voix dans une expression artistique mondialisée se distingue par l'absence de regret et un optimisme forcené. Témoigner, transmettre une dangereuse lucidité, certes, mais rien n'empêche de sourire.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

À partir du 27 janvier 2016, la Fondation est consacrée à la scène contemporaine chinoise avec :

- Une exposition d’artistes chinois : Bentu, des artistes chinois dans la turbulence des mutations du 27 janvier au 2 mai 2016

- Une sélection d’œuvres chinoises de la Collection : La Collection, un choix d’œuvres chinoises du 27 janvier au 29 août 2016

- Des événements pluridisciplinaires : Musique, Cinéma, Performances, Poésie du 27 janvier au 29 août 2016




Bentu, des artistes chinois dans la turbulence des mutations
du 27 janvier au 2 mai 2016

avec Cao Fei / Hao Liang / Hu Xiangqian / Liu Chuang / Liu Shiyuan / Liu Wei / Liu Xiaodong / Qiu Zhijie / Tao Hui / Xu Qu / Xu Zhen / Yang Fudong

Bentu : La terre natale. Dans le champ de l’art contemporain chinois, ce terme ne renvoie pas à un nationalisme mais recouvre un concept dialectique qui concilie le bentu « local » au bantou « global » dans un processus d’universalisme et de redécouverte critique de l’identité propre. Cette expression est au centre des réflexions des artistes, des critiques et des chercheurs en Chine aujourd’hui.

Cette exposition réunit douze artistes - de différentes générations - vivant en Chine continentale. Exploitant un large éventail de techniques et outils, issus aussi bien d’une tradition et culture locales que des nouvelles technologies les plus pointues, - n’hésitant pas à les associer ou à les confronter - les artistes révèlent les complexités d’une société en mutation permanente. Les oeuvres répercutent les nouvelles donnes de l’économie, de l’écologie et parmi elles, notable, la transformation des rapports ville/campagne. Récurrentes aussi les questions d’identité.

Ce choix ne cherche pas à donner un panorama de la scène artistique chinoise mais à mettre en lumière le caractère protéiforme de sa production soumise à des évolutions extrêmement rapides et qui s’affirme moins à travers des courants que des individualités marquantes.

Première exposition consacrée à l’art contemporain chinois en France depuis dix ans – elle est co-organisée avec le Ullens Center for Contemporary Art de Pékin (UCCA à Pékin).




La Collection, un choix d’œuvres chinoises
du 27 janvier au 29 août 2016

Le nouvel accrochage présentera un choix d’œuvres chinoises de la Collection de la Fondation Louis Vuitton, avec onze artistes : Ai Weiwei / Huang Yong Ping / Zhang Huan / Yan Pei-Ming / Xu Zhen / Yang Fudong / Cao Fei / Zhang Xiaogang / Tao Hui / Zhou Tao / Isaac Julien.

Niveau 2
Le parcours commence au dernier niveau (2) dans la galerie 10/11 avec Tree de Ai Weiwei, les oeuvres de Huang Yong Ping et Long Island Buddha de Zhang Huan, des oeuvres monumentales, empreintes d’une dimension contemplative, mêlant références orientales et occidentales. En galerie 9 : des peintures d’histoire de grand format de Yan Pei-Ming et de Zhang Huan utilisent un camaïeu de noir et de gris qui leur confère une dimension dramatique. Au centre se dresse la sculpture de Xu Zhen, Eternity, qui superpose deux icônes : un Bodhisattva célèbre et la Victoire de Samothrace. Avec New (galerie 8), Xu Zhen transforme Guan Yin, l’une des déesses les plus vénérées du panthéon bouddhique chinois, en figure popiste considérablement agrandie et colorisée.

Niveau 1
En galerie 5, deux installations Tonight Moon (2000) et New Women II (2014) de Yang Fudong plongent le spectateur dans une atmosphère de rêverie. À partir d’avril 2016, l’intégralité du cycle de 5 films en noir et blanc Seven Intellectuals in Bamboo Forest, du même artiste, sera montré dans les galeries 1, 2 et 3. Galerie 6 : Cao Fei utilise dans ses vidéos d’animation, les codes de Second Life, en combinant différents univers issus de la culture pop et traditionnelle. Galerie 7 : My Ideal, de Zhang Xiaogang, se compose d’une peinture et de cinq sculptures. Ce portrait familial et social reprend les différentes figures de la société chinoise : ouvrier, paysan, étudiant, soldat et commerçant.

Niveau 0
Galerie 4 : Le parcours se termine avec l’installation Ten Thousand Waves de Isaac Julien. Hommage à la culture chinoise avec des références précises (calligraphie, cinéma des années 30 etc…), l’oeuvre a été conçue en collaboration avec des grandes figures de cette scène artistique. Sur le mode polyphonique, l’installation croise le récit d’un fait divers impliquant des travailleurs chinois avec la légende chinoise de la déesse Mazu, interprétée par la vedette Maggie Cheung.