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“Chamanes et divinités de l’Equateur Précolombien” article 1817
au musée du quai Branly, Paris

du 16 février au 15 mai 2016



www.quaibranly.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 15 février 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Chasseur de têtes, 350 av. J.-C. Céramique, 13 × 7 × 5 cm, Ethnie : Culture Jama Coaque. © musée du quai Branly, photo Christoph Hirtz.
2/  Chamane avec une coiffe de coquillages marins, 350 av. J.-C. Céramique, 24 × 12 × 19 cm, Ethnie : Culture Jama Coaque. © musée du quai Branly, photo Christoph Hirtz. Museo Antropologico y de Arte Contemporaneo, Guayaquil.
3/  Personnage avec une coiffe-masque et un sceptre dans chaque main, 350 av. J.-C. Céramique, 37 × 22 × 20 cm, Ethnie : Culture Jama Coaque. © musée du quai Branly, photo Christoph Hirtz. Museo Antropologico y de Arte Contemporaneo, Guayaquil.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Comment raconter une histoire qui s'est déroulée il y a des milliers d'années ? Sous le commissariat de Santiago Ontaneda-Luciano, une impressionnante collection de statues et objets rituels de l'Equateur précolombien s'élève d'un statut d'artefact archéologique pour s'animer et devenir les acteurs d'une narration. Comme dans une pièce de théâtre, personnages, animaux et esprits jouent acte après acte un conte mythologique. La scénographie est claire, aérée et didactique. D'abord nous est présenté le savoir, l'ensemble des croyances et des rituels, puis le faire, l'exercice de ce savoir.

L'univers est organisé en 3 mondes : le monde céleste, le monde terrestre que nous habitons et au dessous, l'inframonde. La terre, Pachamama est une mère nourricière qui offre l'eau et la nourriture et de ce fait doit être respectée. Le chamane connecte ces mondes, communique avec les esprits présents dans les animaux, les plantes et les roches pour en garantir l'équilibre et l'harmonie. Dans cet univers, tout est lié, le cycle de la nature, celui de la vie humaine, les émotions, les éléments (feu, air, eau et terre) symbolisés par les 4 animaux : le jaguar, l'aigle harpie, le serpent et le caïman. Un superbe personnage en céramique intègre tous ces animaux. Sa bouche rectangulaire exhibe des crocs de Jaguar, une moitié de sa tête évoque l'aigle harpie tandis que de l'autre côté son œil devient une spirale d'où surgit un serpent. Le caractère géométrique tout en angles droits arrondis et en courbures légères deviendra plus tard un élément de style des grandes civilisations d'Amérique centrale, puis signera l'identité de l'art contemporain latino-américain du XXéme siècle.

Les rituels mélangent méditation pour se détacher de l'ego et usage de substances hallucinogènes contenues dans les plantes sacrées. Certaines postures rappellent étonnamment celles issues de l'hindouisme et du bouddhisme que l'on retrouve au pied de l'Himalaya. Par le travail de l'or, le chamane orfèvre transmute comme un alchimiste le minerai inerte en matière vivante en donnant forme humaine ou animale au matériau. L'art est un acte mystique, la création de vie.

Le chamane endosse plusieurs fonctions : il est astronome, agriculteur, chasseur, effectue des initiations pour accompagner les différents stades de la vie, réalise des rites sacrificiels, diagnostique et guérit les maladies. le cycle de la vie est ainsi illustré : le passage à l'âge adulte avec les premières règles et le mariage, l'accouchement, la présentation du nouveau-né aux divinités, les tatouages, les funérailles.

En annexe, le résultat de fouilles récentes bouleverse les théories actuelles sur l'origine des civilisations précolombiennes, montrant que les peuples amazoniens étaient dotés de systèmes d'échanges et de commerce et utilisaient le cacao 1000 ans avant les civilisations mésoaméricaines. La Haute-Amazonie est désormais reconnue comme berceau de civilisation. Cette histoire n'est plus celle de petites communautés primitives mais devient la nôtre en intégrant pleinement celle de l'humanité toute entière.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Santiago Ontaneda-Luciano, chercheur à la direction des Musées et sites archéologiques du Sous-secrétariat de Mémoire sociale du Ministère de la Culture et du Patrimoine équatorien.
Conseiller scientifique : Francisco Valdez, chercheur au PALOC (Patrimoines Locaux et Gouvernance), unité mixte de recherche de l’IRD et du Muséum National d’Histoire Naturelle.




Inédite en Europe de par son ampleur, cette exposition propose une immersion dans le monde des esprits de l’Equateur précolombien à travers l’une de ses figures majeures : le chamane. Issus des collections de plusieurs musées du Ministère de la Culture et du Patrimoine d’Equateur, et pour la plupart exposés pour la première fois en France, 265 chefs-d’oeuvre permettent de découvrir les habitudes, valeurs et savoirs du chamanisme qui font aujourd’hui partie d’un legs millénaire, transmis aux peuples de l’actuel Équateur.

Les oeuvres proviennent majoritairement des quatre cultures de la côte équatorienne : Chorrera, Bahia, Jama-Coaque et Tolita, mais également de la culture Mayo Chinchipe-Marañón de haute Amazonie. C’est sur les sites de cette dernière, vieille de 5000 ans, qu’ont été récemment découvertes les traces les plus anciennes attestant du chamanisme. Cette exposition met ainsi en lumière les récentes recherches et fouilles archéologiques menées par des archéologues et anthropologues équatoriens, dont Santiago Ontaneda-Luciano, commissaire de l’exposition et Francisco Valdez, conseiller scientifique.

Passeur de tradition, le chamane présidait rites, cérémonies ou fêtes, assurant ainsi l’ordre spirituel et social d’une communauté. Personne aux pouvoirs surnaturels, exerçant parfois des fonctions politiques, le chamane consolidait l’ordre à travers une multitude de rites et de cérémonies ponctuant le calendrier annuel. Le chamanisme reste ainsi indissociable de l’histoire des civilisations de l’Équateur préhispanique. Reflet de la pensée et de la philosophie des peuples ancestraux, ce système de croyances a présidé à la construction de leur monde social, économique et politique.

Rituels de guérison, de fertilité ou d’initiation, tous avaient pour but de rétablir la connexion entre les différents niveaux de l’espace cosmique : le monde extérieur ou céleste (les astres), le monde intérieur ou inframonde (peuplé d’ancêtres défunts et d’esprits) et, au milieu, la Terre-mère ou Pachamama, le monde terrestre des êtres humains et des animaux. Une mission de médiateur social en somme, qui est attribuée au chamane dès l’enfance, entre le commun du peuple et les divinités, puissants animaux ou êtres mythiques.

Après avoir percé les secrets des représentations du monde des peuples ancestraux de l’Equateur, l’exposition dresse un portrait de la figure emblématique du chamane, détenteur d’un savoir sacré. Le culte chamanique prend forme à travers une multitude de cérémonies rituelles, au cours desquelles le chamane exerce ses pouvoirs surnaturels.




Le contexte géographique et historique
Situé à l’extrémité occidentale de l’Amérique du Sud, l’Equateur est bordé au nord par la Colombie, au sud et à l’est par le Pérou, et à l’ouest par l’océan Pacifique.

L’espace qu’ont occupé les sociétés présentées dans cette exposition est éloigné de l’influence directe du courant froid d’Humboldt venu du sud, et traversé par de petites cordillères qui créent un climat tropical pluvieux. Il s’agit ainsi d’une des zones les plus favorables à l’agriculture, où l’on cultivait essentiellement le maïs, mais aussi la yuca (manioc). En effet, à mesure qu’on avance vers le nord, la région connaît une plus grande pluviosité, ce qui a déterminé l’existence de la forêt, où la terre est fertile et se prête à toutes sortes de cultures tropicales.

Le chamanisme a été pratiqué pendant toute la vie préhispanique, mais il a acquis son expression maximale au cours de l’époque dite des développements régionaux, soit la période comprise entre 500 av. J.-C. et 500 apr. J.-C., notamment sur la côte centre-nord de l’Équateur (provinces actuelles de Manabí et Esmeraldas), avec les cultures de Bahía, Jama Coaque et La Tolita, qui sont elles-mêmes le produit du développement originel de la culture Chorrera (1000 av. J.-C.) de la période formative tardive, une phase où une multitude de facteurs nouveaux ont conduit à un nouveau processus.




Les civilisations de l’équateur précolombien
immersion et représentation (500 avant j.c – 500 après j.c)

Dans la culture des peuples ancestraux de l’Equateur précolombien, l’espace cosmique est divisé en trois mondes bien distincts. Le monde extérieur ou céleste, composé des astres. L’inframonde ou le monde intérieur, peuplé de défunts, d’esprits des montagnes, grottes et cascades représentés par des êtres mythiques. Enfin, au milieu de ces deux mondes, le monde terrestre, celui des êtres humains et des animaux.

La nature comme source de vie
Cette vision du monde est inextricablement liée à la nature, qui occupe une place primordiale dans les croyances des peuples ancestraux. Traitée avec respect et honneur, la Terre est considérée comme une mère, dite Pachamama (en langue quichua) – une mère nourricière, qui offre aux hommes tous les éléments nécessaires à leur survie.

L’homme comme gardien de la Terre
Pour que les dieux envoient pluie, fertilité et autres bénédictions, les êtres humains vouent un culte aux montagnes, aux volcans ou aux collines, les priant d’intercéder auprès des dieux en faveur de leur requête. Gardien de la Terre, l’être humain se doit de prendre soin de ses composantes telles que l’eau, les plantes et les animaux, tous dotés d’un esprit pour atteindre un équilibre harmonieux.

Les divinités et leur métamorphose
Le monde des peuples ancestraux est façonné par des représentations symboliques des éléments naturels : l’aigle harpie est associé à l’air, le jaguar au feu et le serpent à l’eau. Ces grandes divinités sont incarnées à travers des statuettes en terre cuite, dans lesquelles elles prennent la forme d’autres êtres. L’homme-jaguar, les monstres ou les dragons… Toutes ces créatures mythiques sont la combinaison de différentes espèces animales symbolisant les trois mondes du cosmos, le monde céleste, l’inframonde et le monde terrestre.




Par les images, patrimoine photographique équatorien (1900-1930)
du 16 février au 15 mai 2016

Commissaire de l’exposition : Christine Barthe, Responsable des collections photographiques du musée du quai Branly



En collaboration avec l’Institut national du patrimoine équatorien, le musée du quai Branly présente une exposition de photographies équatoriennes en parallèle de l’exposition Chamanes et divinités de l’Equateur précolombien. Pour la première fois en France, une sélection de 24 tirages originaux et négatifs provenant des collections de l’Institut national du patrimoine équatorien est exposée. Ce patrimoine a été inscrit au registre international de mémoire du monde de l’UNESCO en 2015. Une grande partie de ces photographies sont issues du Vicariat apostolique salésien installé en Amazonie équatorienne à partir de 1890. Cette sélection s’organise autour de la représentation d’Indiens Shuar entre 1900 et 1930.

Plusieurs de ces photographies, notamment celles de Manuel Jesús Serrano (1882-1957) sont réalisées afin de témoigner de l’activité missionnaire des prêtres salésiens. Les images révèlent les signes de cette influence, finalement assez peu fructueuse.

Dans les attitudes corporelles des uns et des autres se décèle un résumé parfois saisissant des forces en jeu.