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“Picasso” Sculptures
au Musée national Picasso, Paris

du 8 mars au 28 août 2016



www.museepicassoparis.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 7 mars 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Pablo Picasso, Le Verre d'absinthe, Paris, printemps 1914. Bronze peint à l'huile, cuillère à absinthe en métal blanc, 21,6 x 16,4 x 8,5 cm. The Museum of Modern Art, New York. Gift of Louise Rheinardt Smith, 1956. Photo © Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence. © Succession Picasso 2016.
2/  Photographe anonyme, Picasso devant la version en fer peinte en blanc de La femme au jardin (MP267) lors de l'exposition « Picasso » à la Galerie Georges Petit, Paris 1932. Tirage contrecollé sur carton. Anonyme. Musée national Picasso-Paris. Archives privées de Pablo Picasso. Don Succession Picasso, 1992 APPH6652. Photo © RMN-Grand Palais/Mathieu Rabeau. © Succession Picasso 2016.
3/  Pablo Picasso, Tête, Paris, 1907. Hêtre sculpté et partiellement peint, 37 x 20 x 12,5 cm. MP1990-51. Photo © RMN-Grand Palais/Béatrice Hatala. © Succession Picasso 2016.

 


1829_Sculptures audio
Interview de Cécile Godefroy, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 7 mars 2016, durée 8'34". © FranceFineArt.

 


texte de Clémentine Randon-Tabas, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Innovations et Métamorphoses
La production sculpturale de Picasso est méconnue. Peu exposée, nombreux sont ceux qui en ignorent l’ampleur. Et pourtant c’est se priver d’un bien grand plaisir car elle recèle en elle tout le génie de l’artiste. Du bois travaillé à la hachette, des sculptures constructions faites d’objet de la vie quotidienne, des pliages de papiers qui deviendront tôles peintes, des sculptures de vides et de rien en fil de fer, Picasso ne se lasse pas de jouer avec formes et matériaux. Il innove, chamboule les règles établies et donne à voir d’une autre manière. Ce qui nous semble aujourd’hui des acquis, que ce soit dans le choix du sujet, de la forme et de la matière n’étaient à l’époque pas anodins. Son oeuvre montre aussi, de part sa diversité, que quel que soit le médium, l’essentiel est bien ailleurs. Picasso sculpteur, peintre, céramiste rend caduques toutes catégorisations et ouvre le champ à d’autres possibles.

Multiplicité et Présence
L’exposition souligne l’aspect des multiples dans la production sculpturale de l’artiste. Les oeuvres ont leur double mais gardent pour la plupart leur unicité de part un changement de couleur ou de matière. Picasso a-t-il cherché à exprimer quelque chose par ces copies qui n’en sont pas ? L’exposition présente aussi l’intérêt de tenter une analyse du processus créatif de l’artiste en présentant parfois en résonance avec ses peintures, dessins et sculptures préparatoires. Des variations sur le même thème, dont seuls les matériaux et échelles varient. Quelle est la place de l’original et de ses reproductions pour Picasso ? On ne le sait pas vraiment. D’ailleurs ici la multiplicité ne semble rien enlever au rayonnement. Nombre de ces oeuvres sont le fruit de collaborations et existent parfois en plusieurs exemplaires comme Le fou, mais elles semblent toutes dégager cette même force qui fait crier au génie. Picasso semble avoir voulu longtemps tenir secrètes ses sculptures. On dit qu’il aimait à vivre parmi elles, « son peuple de sculptures ». Dans sa villa il les met en scène, les dispose comme dans une pièce de théâtre. Finalement au-delà de toute analyse, c’est surtout cette présence, cet “inexplicable” qui s’en dégage qui font la force de son oeuvre, quel qu’en soit le médium.

Clémentine Randon-Tabas

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Virginie Perdrisot
Commissaire associée : Cécile Godefroy




Après une réouverture triomphale qui a réuni un million de visiteurs, le Musée national Picasso-Paris présente sa première exposition internationale majeure : « Picasso. Sculptures ».

A la suite de la rétrospective « Picasso Sculpture » au Museum of Modern Art (MoMA) de New York réalisée en partenariat avec le Musée national Picasso-Paris (14 septembre 2015-7 février 2016), l'ambition de l'exposition « Picasso. Sculptures », qui sera présentée à l'Hôtel Salé du 8 mars au 28 août 2016, est d'envisager la sculpture de l'artiste sous un nouvel angle : sa dimension multiple, à travers la question des séries et variations, fontes, tirages et agrandissements, réalisés à partir des originaux sculptés. Avec plus de deux cent quarante oeuvres, c'est le plus important rassemblement de sculptures depuis l'exposition « Picasso sculpteur » au Centre Pompidou en 2000. Des ensembles exceptionnels seront présentés, tels que la série des six Verres d'absinthe (1914), visible dans son intégralité pour la première fois en Europe.


Parcours

Salle 1 : Introduction. « Picasso. Sculptures »

L'oeuvre sculpté de Picasso est le domaine de création qui illustre le mieux le « mouvement de la pensée » que l'artiste dit préférer à sa « pensée elle-même ». À la suite de la rétrospective « Picasso Sculpture » au MoMA de New York, le propos de l'exposition au Musée national Picasso-Paris est d'envisager la sculpture de Picasso dans sa dimension multiple : fontes, séries, variations et agrandissements. Avec plus de deux cent quarante oeuvres, c'est le plus important rassemblement de sculptures depuis l'exposition « Picasso sculpteur » au Centre Pompidou en 2000. Le parcours est organisé en quinze sections déployées sur deux étages de manière chronologique, des premiers modelages des années 1900 jusqu'aux agrandissements en tôle des années 1960.

Salle 2 : Premières sculptures
En 1902, Picasso modèle sa première sculpture intitulée Femme assise, petit sujet en terre qui s'apparente à un santon. Suivent plusieurs modelages, parmi lesquels Tête de femme (Fernande), 1906 : les traits délicatement incisés et la facture classique du visage de Fernande Olivier, compagne de l'artiste, contrastent avec l'inachevé volontaire de la chevelure qui se fond dans un cou massif, rappelant le non finito d'Auguste Rodin. La Tête de femme (Fernande), 1909, marque une évolution sensible dans la sculpture de Picasso et un détachement du modèle rodinien consécutif aux développements du cubisme analytique. En 1910, le marchand d'art Ambroise Vollard fait l'acquisition des originaux de cinq sculptures de Picasso pour les éditer en bronze, tels Le Fou et les Têtes de femme (Fernande) de 1906 et 1909. Avec l'accord de l'artiste, ces deux dernières sont rééditées en 1960 par le marchand Heinz Berggruen et fondues à la cire perdue par la fonderie Claude Valsuani.

Salle 3 : Primitivisme et bois sculptés
Au printemps 1906, Picasso séjourne à Gósol, village de montagne dans les Pyrénées orientales, en compagnie de Fernande Olivier. L'influence de la culture catalane est perceptible dans les peintures de l'artiste ainsi que dans les premiers bois qu'il entaille à l'aide d'outils rudimentaires : le corps étiré en hauteur de Buste de femme (Fernande), recouvert par endroits de peinture rouge et noire, s'inspire de la « Vierge polychrome de Gósol », 1150-1199 (bois, Museu Nacional d'Art de Catalunya, Barcelone). À Paris, durant l'été 1907, l'artiste sculpte de nouvelles figures dans le bois qu'il recouvre partiellement de peinture, tels Tête et Figure. L'été suivant, il taille dans le chêne sa Figure la plus importante : le motif de la cariatide fait référence à l'art gréco-romain, tandis que l'allure totémique et les formes brutes et anguleuses renvoient au caractère chamanique des sculptures africaines.

Salle 4 : Verre d'absinthe
Par ses qualités d'opacité et de transparence, de vide et de plein, le verre constitue un motif privilégié du cubisme, ainsi qu'en témoignent les peintures, les collages et les constructions créés par Picasso entre 1912 et 1914. Le verre que Picasso modèle dans la cire au printemps 1914 parachève cet ensemble : six épreuves du Verre d'absinthe, auxquelles sont fixées de véritables cuillères en métal, sont fondues en bronze puis peintes, chacune différemment, par l'artiste qui mêle parfois le sable à la peinture. Picasso conserve une épreuve tandis que les cinq autres sont acquises par le marchand Daniel-Henry Kahnweiler, qui les fait photographier par Émile Delétang dès 1914 afin d'en assurer la diffusion auprès des milieux artistiques.

Salle 5 : Le Monument à Apollinaire
En 1921, Picasso reçoit la commande de réaliser un monument à la mémoire de Guillaume Apollinaire, mort en novembre 1918. Il présente plusieurs projets, depuis un ensemble de sculptures biomorphiques intitulées Métamorphoses jusqu'à une série de sculptures en fer soudé. En collaboration avec Julio González, l'artiste crée à l'automne 1928 au moins quatre maquettes intitulées Figure, dont trois subsistent. Dans ces sculptures du vide et de la transparence, Picasso semble répondre à l'Oiseau du Bénin, double de l'artiste dans la nouvelle d'Apollinaire Le Poète assassiné, par « une profonde statue en rien, comme la poésie et la gloire ». Les différents projets présentés dans cette salle ont été refusés par le Comité Apollinaire. En 1959, un portrait de Dora Maar en bronze est inauguré dans le jardin de l'église Saint-Germain-des-Prés.

Salle 6 : Les Constellations
Ici et dans le jardin sont exposés deux agrandissements réalisés de manière posthume en 1985 d'une des maquettes en fer soudé présentées dans la salle précédente. Ces sculptures sont nées d'une série d'études graphiques composée d'une constellation de points reliés entre eux. La figure y dialogue avec son environnement et incarne l'idée d'un dessin dans l'espace. Cette sculpture graphique semble faire écho aux mots de Jean Cocteau dans son discours d'inauguration du portrait de Dora Maar servant de monument à Apollinaire à Saint-Germain-des-Prés, où il saluait « le poète incomparable qui devint constellation parce que les gouttes d'encre qui tremblaient au bout de sa plume tombaient sur les pages blanches en les étoilant ».

Salle 7 (salon Jupiter) : La Femme au jardin
C'est avec l'appui technique du sculpteur catalan Julio González que Picasso entreprend la réalisation, en 1929, de La Femme au jardin, une sculpture en fer soudé de grandes dimensions qui constitue le dernier et le plus ambitieux projet de monument à Apollinaire. Picasso peint cette première version en blanc et commande à González, l'année suivante, une réplique en bronze. Les deux versions sont réunies dans la première rétrospective de l'oeuvre de Picasso présentée chez Georges Petit en 1932. Le bronze rejoint ensuite le parc de Boisgeloup, propriété de l'artiste dans l'Eure, où sa situation en pleine nature suggère que la sculpture serait une représentation du mythe de Daphné transformée en laurier pour échapper au désir du dieu Apollon.

Salle 8 (chapelle) : Tête d'homme
Tête d'homme est une sculpture en fer soudé et laiton créée en 1929 et installée dans le parc de Boisgeloup. Les lignes de soudure s'affichent comme autant d'ornements faciaux et rappellent que l'oeuvre s'est faite en collaboration avec un artiste spécialiste de la sculpture en fer, Julio González. Photographiée plusieurs fois par Brassaï, Tête d'homme a été reproduite dans des essais fondamentaux, comme « Picasso dans son élément », publié par André Breton en 1933 dans la revue Minotaure, et dans l'ouvrage de Daniel-Henry Kahnweiler, Les Sculptures de Picasso, publié en 1949, première étude significative dédiée au sujet.

Salle 9 : L'atelier de Boisgeloup
En juin 1930, Picasso fait l'acquisition du château de Boisgeloup, près de Gisors en Normandie. Il installe son atelier de sculpture dans l'un des garages des communs et se livre à une pratique intensive du modelage en plâtre, dont émergent des figures féminines, allongées et debout, des têtes et des bustes de femmes, inspirés des traits de Marie-Thérèse Walter, nouvelle muse de l'artiste. En 1933, Picasso crée plusieurs sculptures : Tête casquée ou Femme au feuillage, qui résultent d'un travail d'assemblage de matériaux composites, d'empreinte d'objets et de modelage. Longtemps connus par les seules photographies de Brassaï, certains plâtres, tel le Buste de femme, sont tirés en ciment pour l'Exposition internationale de 1937, avant d'être fondus en bronze au début des années 1940.

Salle 10 : Picasso et la fonderie Claude Valsuani
À Vallauris où il s'est installé en 1947, Picasso crée des sculptures « encyclopédiques », combinant par l'assemblage matériaux et objets de récupération noyés dans le plâtre. La Guenon et son petit et la Petite fille sautant à la corde sont deux exemples remarquables de cette méthode additive : tandis que la gueule du singe est formée de deux petites voitures d'enfant et son corps constitué d'une céramique, la fillette renferme un panier en osier et un moule à gâteau en guise de torse et de tête. Fondre en bronze ces assemblages hétéroclites est un véritable défi que Picasso confie à la fonderie Claude Valsuani qui s'ingénie à mouler le plâtre d'une seule pièce, sans découpe préalable. Évoquant la fonte de la Tête de taureau, assemblage d'une selle et d'un guidon de bicyclette, Picasso confiait à Brassaï son admiration pour le bronze, qui « peut donner aux objets les plus hétéroclites une telle unité qu'il est parfois difficile d'identifier les éléments qui l'ont composé ».

Salle 11 : « Colorier la sculpture »
Dans les années 1950, Picasso renoue avec la pratique du bronze peint qu'il avait inaugurée en 1914 avec la série des Verres d'absinthe. La reproduction en bronze de ses sculptures est mise à profit par Picasso lui-même, en ce qu'elle lui offre la possibilité de « fouiller » un sujet. Tandis que dans les deux versions de Crâne de chèvre, bouteille et bougie, le décor peint fait évoluer l'équilibre entre ombre et lumière, les épreuves en bronze de La Grue et de La Liseuse sont autant d'occasions d'animer la sculpture par la couleur, de lui donner une dimension picturale. Pour Picasso, dont on connaît l'attention portée à la couleur des patines, l'idée de peindre ses sculptures était récurrente. La Tête de femme en céramique présentée dans cette salle offre à Picasso l'occasion de peindre un volume, ce qu'il expérimente dans plusieurs exemples en terre cuite ainsi que le montre la salle 2.7 du musée, dédiée à la céramique comme art du multiple.

Salle 12 : Les Baigneurs
Composé de six personnages indissociables, le groupe des Baigneurs figure sur une série de dessins en septembre 1956 qui donnent les clés de la mise en scène des oeuvres au bord de la mer : La Plongeuse et L'Homme aux mains jointes sont sur la jetée, La Femme aux bras écartés et Le Jeune Homme sur un plongeoir, L'Homme-fontaine et L'Enfant dans l'eau. Cette mise en scène sur différents niveaux est évoquée pour la première fois dans cette salle. Le groupe exposé ici est un des deux tirages en bronze réalisés par la fonderie Claude Valsuani à partir des sculptures originales en bois : ces deux groupes en bronze ont largement circulé dès 1959 aux États-Unis et en Europe. Les sculptures révèlent les particularités des matériaux et objets trouvés et détournés dont elles sont issues : pieds de lit, manches à balai, cadres de tableau, morceaux de pelle.

Salle 13 : Les sculptures en tôle pliée et peinte
Inaugurée avec le groupe des Baigneurs, la pratique de la sculpture plane marque un nouveau tournant à travers la création d'oeuvres en tôle pliée et peinte, où s'opère la synthèse entre dessin, peinture et sculpture. Comme Picasso le décrit lui-même : « D'abord, je commence avec des feuilles de papier que je plie, replie, recoupe et replie, et une fois faites en papier, comme c'est fragile et qu'[elles] se déforment au moindre contact des autres, je les fais en tôle un peu plus solide […]. C'est, au fond, du laboratoire, des choses de laboratoire […]. » Par le pliage et la variation du décor peint, la perception de la sculpture se modifie au gré des points de vue et du changement de perspective. La mise en scène visible dans cette salle s'inspire du dispositif scénographique de l'exposition « Hommage à Pablo Picasso » au Petit Palais en 1966, qui présentait certaines de ces oeuvres alors inconnues du public sur des plateaux tournants.

Salle 14 : « Dessiner aux ciseaux »
La rencontre avec Lionel Prejger, marchand d'art, et Joseph-Marius Tiola, maître forgeron, aux abords des années 1960 motive un dernier ensemble remarquable de sculptures qui conduisent Picasso du papier découpé et plié à l'agrandissement en tôle. Reprenant un travail de découpe déjà exploré à l'époque cubiste, l'artiste bénéficie du ressort extraordinaire de Tiola qui lui permet de transposer ses maquettes en carton en tôles de fer, d'abord à l'échelle, puis agrandies et peintes. La sculpture évolue au gré des découpages : reproduite en tôle en deux exemplaires, la Femme à l'enfant, autrefois Femme au plateau et à la sébile, est ainsi devenue maternité. Exécutée en tôle et en trois versions, la Femme au chapeau est la transposition d'une peinture du 27 janvier 1961, dont les différents éléments ont été découpés et soudés et dont Picasso fait varier le décor de couleurs.

Salle 15 : La Femme aux bras écartés
Les dernières productions plastiques de Picasso concrétisent un rêve cher à l'artiste : que sa sculpture accède à la monumentalité et gagne l'espace public. Ce projet était apparu dès 1927 alors que Picasso se plaisait à imaginer les Métamorphoses, dont il remplissait un carnet de dessins comme autant de baigneuses monumentales venant peupler la Croisette à Cannes. La dimension publique lui est offerte par la rencontre avec Carl Nesjar, sculpteur et peintre norvégien qui met à la disposition de Picasso sa technique de la bétogravure, grâce à laquelle l'agrandissement en béton imite le dessin de la sculpture originale par projection de sable soufflé sur sa surface. La Femme aux bras écartés est un exemple éclairant de ce passage entre sphère privée et espace public : la maquette en carton plié est transposée à l'échelle, puis agrandie en tôle, avant d'accéder à la monumentalité dans sa version en béton gravé.