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“Hubert Robert (1733-1808)” Un peintre visionnaire
au Louvre, Paris

du 9 mars au 30 mai 2016



www.louvre.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 8 mars 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Hubert Robert, Le Pont du Gard, qui servait autrefois d’aqueduc pour porter les eaux à Nîmes, 1787. Huile sur toile. H. 242; l. 242 cm. Musée du Louvre © RMNGrand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux.
2/  Hubert Robert, La Lingère, 1761. Huile sur toile, H. 35; l. 31,6 cm. Williamstown, Sterling and Francine Clark Art Institute. © Sterling and Francine Clark Art Institute / Photo by Michael Agee, Williamstown, Massachusetts.
3/  Hubert Robert, Caprice architectural avec un canal, 1783. Huile sur toile. H. 129; l. 182,5 cm. Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage © Musée de l'Ermitage / Pavel Demidov.

 


1831_Hubert-Robert audio
Interview de Guillaume Faroult, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 8 mars 2016, durée 13'14". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Pour comprendre un peintre, il faut regarder ses esquisses, ses dessins. La sanguine sur le papier nous montre comment l'oeil regarde, la pensée se structure, la main se déplace. Hubert Robert possède toutes les qualités : son trait est libre, rapide et léger. D'un premier plan aux traits épais, un peu grossiers jusqu'au fond se dissolvant dans la lumière, la profondeur se construit comme un plan de cinéma.

L'architecture est immense, majestueuse, mais paradoxalement jamais écrasante. Au contraire, elle devient un décor de théâtre, offrant un vaste espace de jeu pour l'expression de la comédie humaine. Dans ces vestiges d'un empire, d'une culture classique morte, la vie renaît, à l'image de la végétation indomptable qui pousse partout, surgissant d'entre les pierres. Femmes, hommes et enfants se promènent, discutent, ravaudent, commercent, se séduisent ou lavent leur linge, semblant ignorer totalement la grandeur de leur environnement. Les vieilles pierres se fissurent, l'enduit se lézarde, les toitures percés laissent apparaitre le ciel. Le vieillissement inexorable d'une civilisation la condamne à sa chute pendant que la suivante se construit sur ses ruines.

Si le linge pend à une corde tendue entre un portique romain et la statue de Marc Aurèle, ce n'est pas par insolence ou par défi. A l'instar de ce séducteur juché sur une échelle dans le coin d'un atelier de restauration de statues, offrant un bouquet de fleurs à une demoiselle, la culture actuelle, colorée, musicale et vivante, viendra toujours remplacer les cultures éteintes du passé.

Un pont de pierre effondré, reconstruit en bois, occupe toute la toile. Il sert d'encadrement à un paysage grandiose, paradis bucolique dont la perspective s'étend sous son arche. Hubert Robert renverse les valeurs architecturales, s'en servant pour montrer autre chose que ce qui est attendu. Le point de vue depuis l'intérieur sur la loggia de la Villa Médicis, en tournant le dos à l'édifice, nous en montre les jardins et la lumière, le bruit de la fontaine et des oiseaux, peignant de façon subtile la douceur de vivre dans ce cadre. Les ambiances sont parfaitement maitrisées jusque dans les plus fins détails picturaux, le mouvement de l'eau peut être un délicat jet de fontaine, le trouble d'une rame sur la surface d'un canal ou une légère brise brouillant le reflet d'une barque.

Au fur et à mesure qu'il progresse en technique et en maitrise, l'artiste perd de sa légèreté, de ces touches sensuelles héritées de son compagnonnage avec Fragonard. L'architecture atteint une échelle démesurée de cité de science fiction, les falaises fantastiques hors d'échelle deviennent des paysages de légendes. La peinture prend toute sa force et sa puissance, les cascades titanesques déversent leurs flots furieux, grondant comme le tonnerre, Rome s'embrase dans un océan de flammes rouges surgies de l'enfer, écrasant une population effrayée. Hubert Robert ne redonnera une place à l'humain que dans de petites toiles, notamment celles décrivant son passage en prison après la révolution, ou sur des assiettes peintes dans sa cellule. Le ravitaillement des prisonniers à Saint-Lazare, malgré la gravité du sujet, renoue avec la richesse des couleurs, la sensualité des gestes et des étoffes. Un retour à la grâce de la jeunesse ?

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition :
Guillaume Faroult, conservateur en chef du Patrimoine, département des Peintures, musée du Louvre.




Bien plus que le peintre de ruines et de paysages dont la postérité a gardé l’image, Hubert Robert fut surtout l’un des plus grands créateurs d’imaginaire poétique du XVIIIe siècle.

Cette dimension est au coeur de l’exposition monographique ─ la première depuis 1933 ─ que le musée du Louvre et la National Gallery of Art de Washington ont décidé de lui consacrer. Cette rétrospective rend compte de la brillante diversité et de la féconde curiosité de cet artiste inspiré et aimable, tout à la fois peintre, philosophe, paysagiste, architecte, maître d'oeuvre, personnage officiel, un peu poète et historien aussi.

En s’appuyant sur les riches collections des départements des Peintures et des Arts Graphiques du musée du Louvre, l’exposition réunit un ensemble exceptionnel et varié de 140 oeuvres (dessins, peintures, esquisses peintes, gravures, peintures monumentales, ensembles décoratifs et mobilier). Elle est rendue possible par la participation des plus grands fonds patrimoniaux français et étrangers conservant des oeuvres de l’artiste : des prêts généreux proviennent ainsi des États-Unis et de Russie et aussi du musée Carnavalet ou du musée des Beaux-Arts de Valence, qui conserve sans doute la plus belle collection de dessins d’Hubert Robert.

Spirituel, sociable et esprit sans cesse en quête de nouveaux espaces d’investigations, en bref, véritable homme des Lumières, Hubert Robert entreprit un remarquable itinéraire d’artiste qui le conduisit de Rome au milieu du XVIIIe siècle jusqu’à la cour de France dont il réalisa certains des plus spectaculaires décors dans la décennie brillante qui précéda la Révolution. Mémorialiste de Paris et de l’histoire tumultueuse qui bouleversa la fin du siècle, il acheva sa brillante carrière en conservateur attentif et engagé du tout récent Muséum central des arts, le futur musée du Louvre.

Esprit visionnaire, cet artiste à l’oeuvre tout à la fois éclectique et profondément cohérent embrassa les genres distincts du paysage poétique, vues urbaines à la topographie inventive souvent proche du caprice architectural, des études archéologiques, des réalisations, remarquables et novatrices, dans le domaine des jardins paysagers (à Versailles ou à Méréville), ainsi que des décors palatiaux (à Bagatelle, à Rambouillet et jusqu’en Russie). Sur sa route, il a rencontré certains des plus grands créateurs de son siècle tels Pannini, Piranèse ou Denis Diderot, de grands architectes novateurs, mais aussi Fragonard, Elisabeth Vigée-Lebrun et Jacques-Louis David.

La riche production de ce créateur prolifique s’incarne dans l’exposition par la présentation de nombreux dessins – notamment ses merveilleuses sanguines (musée des Beaux-Arts de Valence), des esquisses peintes, des gravures, des caprices architecturaux ou archéologiques, des grandes peintures monumentales, des ensembles décoratifs (par exemple, la célèbre série des Antiquités de la France peinte pour le château de Fontainebleau, aujourd'hui au Louvre) mais aussi des représentations des grands jardins paysagers conçus par l’artiste et enfin des pièces de mobilier uniques dessinées par Robert pour la reine Marie-Antoinette (mobilier de la laiterie de Rambouillet).