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“Jannis Kounellis” article 1833
à la Monnaie de Paris, Paris

du 11 mars au 30 avril 2016



www.monnaiedeparis.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse avec Jannis Kounellis, le 10 mars 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jannis Kounellis, Kounellis écrit avec le feu, 1969. Vue de l’exposition « Lux Perpetua », Kamel Mennour, Paris, 2012. Courtesy de l’artiste.
2/  Jannis Kounellis, Sans titre (12 chevaux), 1969. Vue de l’exposition, Galleria Attico, Rome. Courtesy de l’artiste.
3/  Jannis Kounellis, Da inventare sul posto, 1971. Vue de l’exposition, Sonnabend Gallery, New York, 1971. Courtesy de l’artiste.

 


1833_Jannis-Kounellis audio
Interview de Chiara Parisi, directrice des programmes culturels et commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 10 mars 2016, durée 7'08". © FranceFineArt.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

L’imposante salle Dupré de l’hôtel de la Monnaie s’efface devant l’incroyable présence des huit chevalets métalliques géants de Jannis Kounellis. Faits de plaques d’acier et de poutres IPN, l’instrument de travail du peintre du XIXe s. se place dans une démesure qui nous rabaisse à notre condition d’humain devant la stature étourdissante de LA Peinture. Chacune des plaques posées sur tréteaux porte une date en son dos. C’est celle de la naissance de huit artistes-mastodontes, figures classiques de l’histoire de l’art. Devant, à leurs pieds, trois œuvres de faible hauteur viennent comme des offrandes : une urne recueillant du charbon, un lit où brûlent plusieurs dizaines de flammèches, tout à côté une autre couche, celle-là grillagée, abritant quelques rats courant sur une litière de paille. Le tout repose sur des tapis de clous.

Ni brut, ni pauvre, les matériaux et les objets sont, tout à la fois, dans leur taille et leur ordonnancement à la mesure et à la démesure de l’homme. Les plaques de fer présentes dans presque toutes les salles des salons de la Monnaie de Paris sont aux dimensions humaines. Enroulées, torsadées telles des rollmops, posées sur un lit mortuaire et recouvertes d’une couverture sombre, elles se font corps gisants, appelant au recueillement. Plus loin, rangées comme des toiles dans l’atelier ou de la marchandise dans le magasin, elles semblent attendre une mise en forme. Chez Kounellis, le métal se fait aussi couteau lorsqu’il est associé au bois. A plusieurs reprises, les mêmes longues lames d’étalier sont mis en scène. A côté, ce sont des crocs de boucher servant de patère à des manteaux en loque qui viennent meubler les plaques métalliques. Dans la même salle, une ballerine et un violoniste répètent des pas sur la Pulcinella. Dans le fond, une toile qui semble en cours de réalisation comporte quelques portées de la partition.

Tout au long de la déambulation, d’une pièce à l’autre, les œuvres communiquent et se transforment. Par une fine mesure de l’agencement dans l’espace, les œuvres tiennent dans un équilibre asymétrique qui force le mouvement. Tout au long des neuf salles, Jannis Kounellis joue de l’ambiguïté des matières et des formes, tout à la fois matériau et instrument, qu’il s’agisse d’êtres humains ou d’autres animaux, ou bien encore du fer. Tous sont susceptibles de transformation au-delà d’apparentes fixités. Tous sont susceptibles de torsion sous le poids du métal ou même de la culture. En maestro de l’espace, Kounellis réagence ainsi ses travaux anciens et récents pour un public parisien qui l’a trop longtemps ignoré.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire : Chiara Parisi, directrice des programmes culturels



A la Monnaie de Paris, Jannis Kounellis compose une sculpture dramatique sur les mille mètres carrés des salons XVIIIe siècle du Palais en bord de Seine. Eminemment présente, concrète, irréductible, la nouvelle exposition de Kounellis impose une expérience directe, sans intermédiaire, par le visiteur.

« Je viens avec les mains vides comme un vieux peintre ». C’est avec ces mots que Jannis Kounellis avait répondu, il y a quelques mois, à l’invitation faite par la Monnaie de Paris, qui tenait à commencer l’année 2016 avec l’un des « monstres sacrés » de l’art contemporain, à l’origine de L’Arte povera.

Comme un peintre, Kounellis conçoit son exposition à la Monnaie de Paris comme une fresque. Il avait déjà, en 1972, franchi les limites de la peinture avec Da inventare sul posto, le tableau joué par une danseuse et un violoniste. Grand ami de Heiner Müller, il réalise également en 1975, Tragédie civile, un acte unique tel que le ferait un dramaturge.

Au sein des salons XVIIIe de la Monnaie de Paris, la peinture est mise en scène à travers une installation de chevalets en métal. Cette armée de métal froid saisira le visiteur par sa dimension et le contraste avec l’architecture et les décors du Palais : colonnes, marbre, ornements, dorures…

C’est ainsi que l’artiste interpelle le visiteur et pose la question du processus de fabrication d'une œuvre. C'est dans le faire, dans l'intuition des formes, dans le modelage, que naît le projet de l'artiste : les matériaux que Kounellis utilise sont des messagers politiques autant que de l’histoire, de la mémoire et des temps présents.

Né en 1936 au Pirée, Kounellis est une figure majeure de l’art contemporain et l’un des pionniers de l’Arte Povera, aux côtés de Alighiero Boetti, Mario Merz, Giulio Paolini, Giovanni Anselmo, Michelangelo Pistoletto, Giuseppe Penone… Avec une attitude artistique révolutionnaire, Kounellis défie l’industrie culturelle en revenant à l’essence même du geste créateur, notamment par le recours, dans le processus de création, à des matériaux dits « pauvres ».