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“George Desvallières” La peinture corps et âme
au Petit Palais, Paris

du 15 mars au 17 juillet 2016



www.petitpalais.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 14 mars 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  George Desvallières, Hercule au jardin des Hespérides, 1913. Paris, musée d’Orsay, don de Mme Robert André et de Mme Couvreux-Rouché, en souvenir de leur père, Jacques Rouché, ami de l’artiste, 1958. Photo © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Jean Schormans © Adagp, Paris 2016 et © droits réservés.
2/  George Desvallières et son fils Daniel le jour de son départ pour le front, Nice, 29 janvier 1915. Photo anonyme. © droits réservés.
3/  George Desvallières, Naïade, 1914 Collection Catherine et Xavier de Bayser. © P. Henriot © Adagp, Paris 2016. © droits réservés.

 


1836_George-Desvallieres audio
Interview de Isabelle Collet, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 mars 2016, durée 9'52". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commisariat :
Isabelle Collet, conservateur en chef au Petit Palais
Catherine Ambroselli de Bayser, conseiller scientifique




Poursuivant son cycle dédié à la redécouverte des maîtres du tournant des XIXe et XXe siècle, le Petit Palais est heureux de présenter la première rétrospective consacrée au peintre George Desvallières (1861-1950), réunissant 90 oeuvres (peintures, dessins, vitraux, tapisserie...) issues de musées français et de collections privées, alors que paraît le catalogue raisonné de son oeuvre complet sous la direction de Catherine Ambroselli de Bayser. Son style puissant s’incarne dans les figures d’une antiquité héroïque puis dans l’expression profonde d’une foi attisée par l’épreuve de la guerre 1914-1918. Homme d’engagements et de combats, George Desvallières est une personnalité hors norme qui nous replonge dans l’univers créatif de l’entre deux-guerres.

Peintre profane à ses débuts placés sous le parrainage de Gustave Moreau, Desvallières manifeste très jeune son indépendance vis-à-vis de l’enseignement académique et une curiosité pour toutes les formes d’art. Son style évolue vers un naturalisme critique qui dépeint les nuits cosmopolites de Londres et de Montmartre. Son engagement dans la fondation du Salon d’automne, inauguré en 1903 au Petit Palais, marque un tournant dans sa carrière. Il y accueille les avant-gardes du fauvisme puis du cubisme qu’il défend face au déchaînement de la critique. La maturité venue, l’artiste retrouve la foi et défend avec Georges Rouault un christianisme militant et social étayé par la forte personnalité de Léon Bloy. Chef de bataillon durant la Grande Guerre, il sera l’un des premiers artistes, au retour du front, à mettre en image l’expérience inouïe des combats grâce à des commandes monumentales. Ses quêtes spirituelles attisées par son vécu douloureux de la première guerre mondiale en font l’un des plus actifs défenseurs du renouveau de l’art sacré, formant aux côtés de Maurice Denis une jeune génération d’artistes chrétiens.

Salué en 1937 à l’exposition des « Maîtres de l’art indépendant » organisée au Petit Palais, l’oeuvre de Desvallières est à nouveau mis en lumière sur les cimaises du musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.

Le parcours de l’exposition suit de manière chronologique l’évolution de son art durant 60 ans. La monumentalité de sa peinture s’y révèle dans une constante tension entre le corps et l’esprit, le charnel et le spirituel.

Un dispositif vidéo permettra d’évoquer les grands décors religieux et commémoratifs in situ, de Paris à Douaumont.

L’exposition est accompagnée par la publication d’un catalogue qui prolonge la découverte de ce peintre singulier, si influent en son temps.




Parcours de l’exposition

Le choix des maîtres


Durant ses années de formation, George Desvallières bénéficie d’un environnement culturel et artistique exceptionnel. Son grand-père, l’académicien Ernest Legouvé, prend en charge avec bienveillance l’instruction de ce petit-fils peu enclin aux études mais doué pour le dessin. Libéral et républicain, Legouvé reçoit rue Saint-Marc toute une élite des arts, des sciences et de la politique.

L’éducation artistique de l’adolescent est confiée au peintre Jules-Élie Delaunay. Cet ami de la famille est l’un des meilleurs rénovateurs de la tradition classique et un portraitiste recherché. L’enseignement de Delaunay privilégie la pratique du dessin et la visite des musées, bientôt complétée par des voyages, notamment en Italie, en Suisse et en Espagne. Un atelier aménagé dans les combles de l’immeuble familial, des séances d’études devant modèle à l’académie Julian et la rencontre décisive avec Gustave Moreau créent les conditions favorables à un éveil artistique à l’écart de l’École des beaux-arts.

Bien accueilli au Salon dès 1883, le jeune Desvallières s’y fait remarquer grâce à des portraits de parents et d’amis saisis sur le vif, ainsi que par des dessins au pastel d’une ampleur singulière.


Éloge du corps

Ernest Legouvé a fondé une école d’escrime qui occupe l’entresol de son immeuble parisien. La pratique du sport et de l’éducation physique sont encouragées non seulement pour fortifier le corps et l’esprit de la jeunesse masculine, mais aussi pour préparer la revanche militaire après l’humiliation de la défaite face aux Prussiens, en 1870.

La mise en jeu du corps est aussi à la source de l’enseignement artistique de Delaunay, dont la peinture savante et maniériste s’articule autour de la figure humaine. Moreau, plus éloigné des données du réel, considère que la beauté physique réfléchit également les grands élans de l’âme. L’oeuvre de Desvallières porte la marque de ce double héritage.

Imprégnée de culture latine, sa peinture profane et décorative reçoit le soutien de Jacques Rouché. Ce polytechnicien, chef d’entreprise, consacre sa fortune au spectacle vivant, dirigeant successivement le Théâtre des Arts puis l’Opéra Garnier. À partir de 1905, Rouché achète régulièrement des oeuvres à Desvallières et l’associe aux travaux décoratifs de son hôtel particulier aux côtés de Maurice Denis et d’Albert Besnard. Les grands nus virgiliens réalisés durant cette période font écho aux chorégraphies contemporaines vues sur les scènes parisiennes.


Choses vues

L’année 1903 marque une rupture. Si Desvallières se détache de l’emprise esthétique de Moreau, il partage avec Georges Rouault, de dix ans son cadet, un même attachement à la mémoire de son mentor disparu en 1898. Ses anciens élèves les plus novateurs (Matisse, Marquet, Piot) vont bientôt se retrouver au Salon d’automne dans la « cage aux fauves ». Fort de sa réputation de portraitiste médaillé du Salon, Desvallières se rend à Londres durant l’été 1903 dans la perspective de trouver des commanditaires. Ce déplacement est l’occasion d’expérimenter une nouvelle manière de peindre, en rupture avec le symbolisme de sa jeunesse. Desvallières observe la vie nocturne des théâtres et des grands hôtels, à la manière d’un Degas ou d’un Toulouse-Lautrec.

De retour à Paris, il s’engage, aux côtés de l’architecte Frantz Jourdain, dans l’aventure du Salon d’automne dont la première édition est inaugurée au Petit Palais en octobre. Vice-président du Salon, il milite pour y présenter les expressions contemporaines les plus diverses. Un rapprochement avec les maîtres de la modernité (Toulouse-Lautrec, Cézanne, Redon, Gauguin), révélés par des rétrospectives inédites, nourrit et conforte ses propres recherches.

Ses travaux londoniens, qui gardent l’audace et la légèreté de l’esquisse, se prolongent dans les nuits de Montmartre. Loin de se complaire dans les séductions de la scène de genre, la série des Femmes de Londres témoigne d’une inquiétude morale dans un monde désenchanté.


La conversion

Élevé dans une famille peu pratiquante, à l’exception de sa mère, George Desvallières prend ses distances avec le catholicisme tout en continuant à «chercher Dieu ». Cependant, il traite parfois de thèmes bibliques dans le cadre de ses participations au Salon des artistes français. Huysmans puis Léon Bloy, dont il fait la connaissance par l’intermédiaire de Rouault, l’encouragent dans une recherche spirituelle en marge du courant de laïcisation qui touche la société civile.

Survenu en 1904, lors d’une visite en l’église Notre-Dame-des-Victoires, son brusque retour au credo de la foi chrétienne guide désormais son oeuvre et son existence d’homme mûr. Ce nouveau converti peint de plus en plus de sujets religieux, « en pleine épaisseur terrestre », mêlant sa vie familiale aux représentations du sacré. Proche de la pensée dominicaine, déjà soucieux d’apostolat, il rédige en 1912 le projet d’une école d’art placée sous la protection de Notre-Dame de Paris, qui se concrétisera au lendemain de la Grande Guerre.


Sacrifice, deuil, renouveau

Responsable d’une compagnie de chasseurs sur le front des Vosges jusqu’en 1918, Desvallières affronte, avec sa foi et son patriotisme ardents, les épreuves de la Grande Guerre. En France, le conflit est un moment fort du réveil religieux qui se manifeste dans les tranchées et se prolongera jusque dans les années 1930.

Durant les heures les plus sombres de sa mobilisation, Desvallières prend l’engagement de consacrer sa peinture à Dieu. Revenu indemne, il accomplit ce voeu, abandonnant définitivement les sujets profanes. Souvent monumental, son oeuvre participe dès lors à la ferveur commémorative d’une société massivement en deuil. L’artiste associe dans une même célébration picturale la Passion du Christ et le sacrifice du poilu, lui donnant les traits de son jeune fils Daniel, mort au combat en 1915. La guerre vue au travers du prisme de la foi catholique fait de Verdun, avec ses 700 000 morts et blessés, un nouveau Golgotha, le mont où Jésus fut crucifié.

Démobilisé en novembre 1918, Desvallières reprend ses activités au Salon d’automne où il inaugure en 1922 une section d’art religieux. Déployant une intense activité, il expose souvent en France et en Amérique. Avec son ami Maurice Denis, il fonde les Ateliers d’art sacré, installés place de Furstenberg (Paris, 6e arrondissement), près de l’ancien atelier d’Eugène Delacroix.

Peintre apôtre, Desvallières entend lutter contre les écueils de l’académisme et de l’imagerie saint-sulpicienne afin de laisser libre cours à son inspiration personnelle. Il plaide pour des rapprochements féconds entre figures profanes et apparitions mystiques.

Ses créations traduisent l’aisance avec laquelle, en fin connaisseur des codes de la peinture chrétienne, il s’en affranchit pour mieux exprimer sa foi. Arrivé au soir de sa vie, le peintre poursuit sa quête d’une beauté d’autant plus triomphante qu’elle surgit par-delà les épreuves.