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“Ce que fait le printemps avec les cerisiers *” article 1841
à la Galerie Nathalie Obadia - Cloître Saint-Merri, Paris

du 19 mars au 10 avril 2016



www.galerie-obadia.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 19 mars 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Carole Benzaken, Magnolias 22, 2015. Encre de chine et crayons, feuilleté sur verre. 160 x 120 cm. © Courtesy de l’ artiste et Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
2/  Fabrice Hyber, Pom(s), 2014. Huile et fusain sur toile. 150 x 250 cm. © Courtesy de l’ artiste et Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
3/  Rina Banerjee, Petty crime, shame on her mind, 2014. Acrylique, encre et collage sur papier aquarelle. 152,4 x 55,88 cm. © Courtesy de l’ artiste et Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Laissons les considérations climatiques à leur brume d'ennui. Le printemps, à la galerie Nathalie Obadia, est fait de fleurs vénéneuses, de plumes d'oiseaux, de fruits trop mûrs, d'animaux étranges et de filles pêcheresses.

La grande tapisserie de Laure Prouvost nous montre un printemps dématérialisé. Un immense collage numérique s'étend sur toute la largeur d'un mur, fidèlement reproduit au pixel près en une trame de milliers de fils. Des images trouvées, capturées, copiées/collées se superposent, se fondent les unes dans les autres, ici floues et éthérées, là avec une précision photographique, comme téléchargées de la mémoire d'un cloud défectueux. Un arbre, une femme allongée savoure un massage, une autre portant un masque ethnique chevauche une moto, des chatons, des écrans de télévision, un bout de manga érotique, une nature aquarellisée, des trames géométriques de gif animés, des vestiges gréco-romains se télescopent dans un calme fracassant. Une culture devenue folle à force de flux incessant d'images et d'informations est revenue à l'état de soupe originelle d'où quelque chose de neuf va enfin éclore.

Pour Rina Banerjee, la saison est un dragon paré d'une élégance haute couture. La délicatesse des matériaux et de la confection, tout en broderies de fil bleu profond, de perles et de coquillages, parure de plumes rouges habillent un crâne d'animal aux canines dangereuses. Au dessus, une belle fleur de riche étoffe sur une tige d'acier promet, tel un pavot, un sommeil profond et lourd, une ivresse interdite voire immorale.

Une autre de ses œuvres, une aquarelle, puise dans une tradition fleurie, en couleurs douces sur une tranquille clarté de papier blanc. Mais la jeune fille qui danse se disloque dans une posture honteuse, son corps tordu sous le poids de la culpabilité. Un collage de gouttes vertes, mi sang, mi végétal, se densifie jusqu'à former un torrent de larmes.

Carole Benzaken peint sur calque des évocation de fleurs et de plantes. De l'aquarelle qui s'étale en taches comme des reliquats de révélateur photographique et des traits de crayons de couleurs en hachures forment tiges, pétales, paysages. Le calque pris entre deux plaques de verre devient un vitrail contemporain qui aurait rencontré le daguerréotype, la peinture qui naît des multiples traits colorés successifs rejoint l'impressionnisme dans une collision temporelle, addition des époques et des techniques pour saisir un instant.

Le pommier de Fabrice Hyber, centré, droit, portant sur ses branches bien horizontales de beaux alignements de pommes est parfait comme un rayon de supermarché. La nature se présente comme un plan d'architecte, un projet tracé au fusain, le tout empaqueté, vendu sous une épaisse couche de vernis brillant. Les pommes colorées coulent jusqu'au sol en traînées verticales de peinture diluée, arc-en-ciel rectiligne de verts, de jaunes et de rouges. Elles y rebondissent en suivant des trajectoires fléchées ou éclatent en onomatopées, les mots écrits, répétés formant la partition d'un rythme.

Les hommes dessinés par Mithu Sen sont éthérés, transparents, laissent lire leurs squelettes et organes. Ils jouent avec poissons et oiseaux, voient leur corps de fondre avec des plantes. Les grandes feuilles de papier sont placées dans des boîtes lumineuses, accentuant l'impression de fragilité, ressemblant ainsi à des fines peaux tatouées. L'aspect organique permet de se saisir du dessin pour l'oublier tout en le regardant et ne garder que le sentiment, l'émotion qu'il véhicule.

Le printemps se goûte ainsi comme un bon vin, dans une succession d'impressions, d'évocations, tournant en nous dans une fluidité liquide, insaisissable, mais laissant derrière son passage l'empreinte durable de son parfum.

Sylvain Silleran

 


 

Exposition collective avec :
Rina Banerjee, Valérie Belin, Carole Benzaken, Patrick Faigenbaum, Fabrice Hyber, Pascal Pinaud, Laure Prouvost, Fiona Rae, Sarkis et Mithu Sen.


Pablo Neruda *