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“Miquel Barceló” Sol y sombra
à la BnF François Mitterrand, Paris

du 22 mars au 28 août 2016



www.bnf.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 21 mars 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Miquel Barceló. TORO, BANDERILLES, 1990. 99,5 x 64,5 cm. Lithographie. © ADAGP, Paris, 2016. BnF, Estampes et photographie.
2/  Portrait de Miquel Barceló. © Jean-Marie del Moral.
3/  Miquel Barceló. « ANIMAL MOUILLÉ », LANZAROTE 8, 1999. 65 x 75 cm. Eau-forte et aquatinte. © ADAGP, Paris, 2016. BnF, Estampes et photographie.

 


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Interview de Cécile Pocheau Lesteven, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 21 mars 2016, durée 11'36". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Cécile Pocheau Lesteven, conservateur en chef au département des Estampes et de la photographie de la BnF, chargée de collections Estampes XXe et XXIe siècles




La Bibliothèque nationale de France et le Musée national Picasso-Paris s’associent pour proposer un double évènement consacré à Miquel Barceló. Fortes de nombreuses pièces inédites, deux expositions permettent au public une immersion dans l’univers de l’artiste majorquin. Aux peintures et céramiques présentées par le Musée national Picasso-Paris fera écho à la riche production gravée proposée par la BnF. Deux lieux et deux expositions pour une oeuvre exceptionnelle à découvrir au printemps 2016 à Paris.

À la BnF, l’oeuvre imprimé et une monumentale fresque de terre et de lumière inédite

L’oeuvre imprimé de Miquel Barceló, rarement exposé, représente cependant une part majeure du travail de l’artiste. Peintre, dessinateur, sculpteur et céramiste, il expérimente également depuis ses débuts les techniques d’impression. Foisonnant, profondément original, son oeuvre imprimé représente à ce jour près de deux cent cinquante gravures sur cuivre, sur bois, lithographies, sérigraphies et estampages. Bien qu’autonome, ce travail reste indissociable, par sa dimension foncièrement expérimentale, de l’ensemble de la production protéiforme de l’artiste majorquin. C’est tout naturellement que la BnF a choisi de faire découvrir cette part méconnue de son oeuvre en dialogue avec des dessins, des sculptures, des céramiques et des peintures, dans un parcours thématique construit autour d’une sélection de soixante estampes, travaux récents ou très anciens, qui rend compte de la cohérence et de la singularité de sa démarche.

Une monumentale fresque de terre et de lumière est créée in situ sur toute la hauteur des vitres de l’allée Julien Cain que l’artiste a couvertes d’une fine couche d’argile avant d’y dessiner en grattant la glaise séchée. Spectaculaire introduction à l’exposition, cette fresque de 190 mètres de long sur 6 mètres de haut immerge le visiteur dans l’univers envoûtant de Barceló et rend hommage au philosophe majorquin Ramon Llull. Le parcours se déploie ensuite sur les thèmes de l’empreinte, la trace et la griffure, de la métamorphose, des tauromachies et des littératures. Vases et briques de terre cuite, portraits à l’eau de Javel, sur parchemin ou oreille d’éléphant, livres embossés et bronzes patinés, peintures et carnets font écho aux estampes. Estampes dans lesquelles l’artiste, tirant parti de toutes les ressources du medium, joue avec les textures, les couleurs et les subtiles nuances des noirs et des blancs pour, de l’ombre, faire naître la lumière.

A l’occasion de cette exposition, Miquel Barceló a complété par de belles donations le fonds de ses estampes et de ses livres d’artistes à la BnF.




Parcours de l’exposition à la BnF

L’exposition Sol y sombra à la BnF invite à découvrir des facettes inédites de l’oeuvre foisonnante de Miquel Barceló. Son oeuvre complexe se déploie dans la fascination des contraires. Il oscille entre deux extrêmes, puisant tout autant dans les gestes et matériaux archaïques (la terre, le bois, le cuir) que dans les moyens d’expression les plus élaborés et les références érudites. Une monumentale fresque d’argile et de lumière, créée in situ sur plus de 1000 m2 de verrière, ouvre l’exposition conçue autour de son oeuvre graphique et imprimé. Cet aspect de son travail, peu montré en France, constitue pourtant un espace de recherche essentiel pour l’artiste. Du gigantesque dessin animé sur glaise séchée aux gravures « sophistiquées » récemment créées autour du texte La solitude sonore du toreo de José Bergamin, le parcours proposé à la BnF permet d’appréhender la cohérence et la singularité de la démarche de l’artiste. Miquel Barceló n’a de cesse, depuis près de quarante ans, d’élargir le champ de ses expérimentations, de bousculer les techniques, pour inventer de « nouveaux territoires picturaux ».


Le Grand Verre de terre, «Vidre de Meravelles» : Une fresque d’argile et de lumière sur le vitrage de l’allée Julien Cain

Miquel Barceló investit le site François-Mitterrand de la BnF en créant, allée Julien Cain, un gigantesque dessin tracé au doigt sur la fine pellicule d’argile dont il a recouvert les vitres donnant sur le jardin. Sur 190 mètres de long et 6 mètres de haut, son bestiaire fantastique dessiné s’anime au rythme du passage des heures et de l’intensité de la lumière. Dans cette fresque spectaculaire, oeuvre éphémère conçue pour durer le temps de l’exposition, se retrouve tout ce qui fait la particularité et la force de l’art de Barceló : son rapport charnel à la matière, et plus particulièrement la glaise, « matière humaine par excellence »1, la pulsion vitale, primitive, qui anime et conduit l’artiste à s’emparer de son médium, avec ses qualités ou ses accidents, pour « faire d’une chose une autre chose »2. Fasciné par l’art pariétal qui l’inspire depuis longtemps, Barceló a sgraffié sur la fine couche d’argile un récit qu’il nous laisse déchiffrer. Cette fresque immerge le visiteur dans l’univers envoûtant de Barceló et rend hommage au philosophe majorquin Ramon Llull.

« Le détournement m’a toujours plu, comme cette verrière qui devient fresque. J’aime beaucoup la légèreté liée au fait de dessiner avec les doigts et l’argile. Et la réversibilité, aussi. »3

1. Extrait de l’entretien de Miquel Barceló, Chroniques de la BnF n°75
2. Extrait de l’entretien de Miquel Barceló avec Cécile Pocheau Lesteven, livre-catalogue de l’exposition Sol y sombra.
3. Extrait de l’entretien de Miquel Barceló, Chroniques de la BnF n°75


L’oeuvre imprimé / Graphique

Peintre, dessinateur, sculpteur et céramiste, l’artiste Miquel Barceló manifeste depuis ses débuts une grande curiosité pour les techniques d’impression. Il les a expérimentées à différentes périodes de son parcours, seul ou en collaboration avec de prestigieux imprimeurs et continue de les pratiquer dans un espace dédié de son atelier. Lithographie, collotypie, offset, sérigraphie, gravure en taille-douce, gaufrages et estampages : Barceló a exploré toutes les techniques, les bousculant, les superposant, tirant partie de toutes les ressources du médium.


L’empreinte, la trace et la griffure

La première section de l’exposition se présente comme un prolongement de la monumentale fresque d’argile et de lumière créée sur les vitres de l’allée Julien Cain. Les oeuvres présentées, d’argile, de bronze ou sur papier (dessins, peintures ou impressions), donnent à voir le geste de l’artiste. Il s’empare du réel en bousculant traditions et techniques, en détournant matériaux et outils, dans un processus créatif aussi inventif que transgressif.

Aux cinq vases et briques d’argile modelée et sgraffiée, portraits ou autoportraits, sortis récemment du four de l’atelier de Vilafranca à Majorque, répondent Mère, un portait à l’eau de javel de la mère de l’artiste et une gravure représentant une tête de taureau. Tous deux sont retravaillés, l’un à la plume, l’autre à la pointe sèche, d’un trait qui vibre sur la toile ou la feuille de papier.

Dans les oeuvres sur papier, telle El bal de carn (lithographie biface sur papier gommé), l’artiste exploite toutes les ressources de la feuille. Il travaille le recto et le verso, les transparences, les superpositions et les volumes - gaufrages, braille, collages de papiers froissés, relief des estampages de planches de bois données à ronger aux termites. Tout comme il semble épuiser dans ses lithographies les possibilités de la pierre pour faire apparaître d’infinies nuances de noirs et de surprenantes tonalités, il parvient par les procédés d’impression à suggérer sur la feuille un espace tridimensionnel. L’extraordinaire Livre des aveugles publié en 1992, imprimé en lithographie et en gaufrage sur un texte en braille du photographe aveugle Evgen Bavcar, éclaire remarquablement le cheminement de l’artiste. Partant d’objets les plus banals, fruits ou légumes qu’il thermoforme pour créer les matrices d’impression, il obtient de subtils bas-reliefs de papier, torses et sexes féminins, crânes ou têtes animales. Un ensemble de moulages en plâtre, silicone et bronze, permet de comprendre le processus à l’oeuvre dans ce livre à double lecture, que le public pourra réellement lire et toucher.


Le mur des matrices

Faisant face à l’étonnante suite des quatre états de la gravure Banderilles, un « mur des matrices » composé de bois gravés ou rongés par les termites, de pierres lithographiques et de cuivres incisés donne à voir l’élément premier du processus d’impression. De même, ce dispositif permet d’appréhender les qualités propres des matériaux : douceur et nuances de la pierre, oxydation du métal, maléabilité du bois. Certaines de ses matrices sont devenues supports pour de nouveaux dessins ou sont conservées par l’artiste pour leur beauté intrinsèque, au même titre que les multiples « fétiches », ossements, pierres, animaux empaillés qui peuplent l’univers baroque de son atelier.


Métamorphoses, le devenir animal

Le thème des métamorphoses, de l’artiste en animal, de l’animal en humain, de la « matière première » en forme aboutie, est au coeur de la deuxième section de l’exposition. Les autoportraits de l’artiste en monstre, en chien, poisson ou gorille font face aux représentations d’êtres hybrides, « mi-Ramon Llull, mi-cabri », torses masculin et féminin délicatement modelés à partir du squelette d’une tête de cheval, « crâne en marche » doté de pattes, nourris de cet animisme découvert en Afrique lors de séjours au Mali. Y sont présentées des lithos offset (Monstres a la ciutat, Animal amb tres pixerades, Nocturn, una pixerada) datant des toutes premières années de la carrière de Barceló. Il s’agit d’estampes qui reprennent les figures et les couleurs de ses peintures de 1982 qui lui ont valu une reconnaissance internationale après leur présentation à la Documenta de Kassel aux côté de Keith Haring et Basquiat. Douée d’une énergie primitive, marquée par la nature duelle de l’artiste avec cette part d’animalité revendiquée, l’oeuvre de Barceló s’inscrit profondément dans le cycle de la vie et de la mort.


Le cercle magique de l’arène

Au centre du parcours, « le cercle magique de l’arène » réunit trois séries de tauromachies exécutées par l’artiste en lithographie et en gravure. Pour Barceló, l’arène, où, à la fin de la corrida, quand l’ombre a envahi l’espace circulaire, restent inscrites sur le sable les traces de la chorégraphie du toreo, est une métaphore de la peinture. Barceló a créé ces estampes à différentes périodes de son parcours, au début et à la fin des années 90 puis en 2015 à l’occasion de la réalisation des illustrations pour l’édition de La solitude sonore du toreo de José Bergamin aux éditions du Solstice. Il y explore des procédés d’impression anciens ou réinventés - papier report, « aquatinte » au bitume de Judée retravaillée à la pointe sèche et à la brosse métallique montée sur perceuse -, exploite la diversité des textures, joue de toutes les nuances des noirs et des blancs obtenus par la cuisine de l’impression pour revisiter cette « espagnolade » que sont les scènes de tauromachie. Dans le tourbillon du geste de l’artiste, taureau et torero, réduits à des ombres ou des lignes diaphanes, disparaissent pour laisser place au vide central de l’arène, tel le vide qui structure l’espace de l’atelier des peintures quand les tableaux sont empilés contre les murs.


Littératures

Le parcours s’achève sur un motif central dans l’oeuvre de l’artiste : les littératures et gens de lettres, les livres et les bibliothèques. Lecteur avide, nourri des amitiés nouées au fil de sa carrière avec des écrivains – Paul Bowles, Hervé Guibert, Patrick Modiano ou Alberto Manguel - , Barceló a trouvé dans l’univers des lettres de nombreuses sources d’inspiration. Les onze Pornográficas gravées à Lanzarote aux Canaries d’après les 120 Journées de Sodome de Sade et les impressions de portraits d’écrivains (Nerval, Ezra Pound, Gamoneda et Leopardi) gravés à la scie électrique sur la plaque de bois dialoguent avec la Bibliothèque longue, une peinture de grand format peu connue exécutée au début des années 80. Dans cette dernière section, l’extraordinaire bibliothèque de carnets de Barceló que l’artiste conserve soigneusement depuis qu’il a 17 ans, a été en partie reconstituée. Conjuguant dessins, peinture et écriture, tout à la fois journaux intimes, carnets de voyage et de croquis, ils ont été et demeurent pour Barceló un moyen d’expression privilégié. On y trouve, au fil des pages et dans la succession des carnets, les images récurrentes qui nourrissent l’ensemble de son travail tel l’éléphant renversé ou encore les crucifixions. On y trouve également des récits et de multiples références aux écrivains et maîtres en peinture et gravure - Rembrandt, Goya, Dürer et Picasso -, dont il connait intimement les oeuvres.


Voir l’article de l’exposition au Musée national Picasso-Paris du 22 mars au 31 juillet 2016 :

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