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“Caillebotte” peintre et jardinier
au musée des impressionnismes, Giverny

du 25 mars au 3 juillet 2016



www.mdig.fr

 

© Sylvain Silleran, vernissage, le 24 mars 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Gustave Caillebotte, Orchidées, 1893. Huile sur toile, 65 x 54 cm. Collection particulière. © Paris, Comité Caillebotte.
2/  Gustave Caillebotte, Linge séchant, Petit Gennevilliers, 1888. Huile sur toile, 54 x 65 cm. Collection particulière. © Paris, Comité Caillebotte.
3/  Gustave Caillebotte, Le Boulevard vu d’en haut, 1880. Huile sur toile, 65 x 54 cm. Collection particulière. © Paris, Comité Caillebotte.

 


texte de Sylvain Silleran, rédactrice pour FranceFineArt.

 

L'organisation de la centaine de toiles de Gustave Caillebotte présente une vie où deux parcours se poursuivent en parallèle. La migration du peintre de la ville vers la campagne alimente son cheminement dans l'expression picturale. Partant de l'influence de Monet et de ses pairs, il l'absorbe pour s'en libérer par la suite et bâtir un impressionnisme qui lui est personnel.

Au lieu de peindre la modernité sous forme de gares ou de locomotives à vapeur comme ses contemporains, il en intègre la composante essentielle, la vitesse, dans sa manière de peindre. Les lignes de fuites d'un parquet ou des avenues haussmanniennes se perdant dans un gris lointain évoquent les rails du chemin de fer. Une vue plongeante depuis le balcon saisit simplement avec son cadrage l'ambiance urbaine telle qu'on la vit depuis un appartement avec une acuité documentaire.

La vitesse est celle des longs traits de brosse qui abandonnent progressivement la courbe pour devenir droits, rectilignes, se succédant furieusement pour n'être que direction. Chaque élément du tableau à son orientation propre : ciel, canal, herbe, maison sont synthétisés en hachures de couleurs. Tout n'est que vent tandis que le linge séchant sur un fil tendu se gonfle, virevolte et devient volume, son mouvement ralenti dans un modelé presque solide.

Des voiliers flottent sur une mer unie zébrée d'horizontales, se fondant dans un flou avec le ciel gris. Le traitement est simplifié jusqu'à virer à l'abstraction. L'océan est une surface plate comme un miroir, disparaissant pour donner corps et matière aux bateaux. La peinture oppose poids et légèreté, masse solide et fluidité liquide.

Des rameurs sur l'eau accélèrent en se rapprochant. L'eau se trouble, marque la trainée de la barque en rides aux crêtes étincelantes de blanc. Les rames se reflètent en très larges traits dorés, presque grossiers. Caillebotte va à l'essentiel, saisit la lumière, le mouvement et les peint d'un seul geste avec une époustouflante économie de moyens. Seulement trois couleurs lui suffisent à rendre compte de cette complexité.

Dans les jardins, le soleil perce à travers la végétation, éclaboussant le sol en aplats blancs, taches de lumière épaisses, pâteuses. Caillebotte construit un langage simple basé sur des complémentarités directes de couleurs et de valeurs. Des formes brutes, à la clarté saturée et aveuglante émergent d'une obscurité d'ombres noires comme ces quelques feuilles baignées de clarté modelant le volume de la masse sombre d'un buisson.

Gustave Caillebotte peindra également des décors, utilisant tout ce qu'il a appris de l'impressionnisme pour atteindre le trompe l'œil. Sur une porte à double battants, des vitres laissent voir une serre pleine d'orchidées. Les hautes fleurs forment une jungle épaisse comme une chevelure, sauvage et moite. En fin de parcours, un parterre de marguerites, quatre panneaux laissés inachevés permettent de découvrir les étapes de réalisation de la peinture. Avec le sentiment privilégié de se voir révélés les trucs du magicien, on y lit comment les couleurs successives donnent vie à la nature. On y ressent surtout comment, trait de pinceau après trait de pinceau, naît ce qu'on appelle l'impressionnisme.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Marina Ferretti, directeur scientifique du musée des impressionnismes Giverny




Le musée des impressionnismes Giverny organise une exposition qui se propose d'étudier le thème du jardin dans l'oeuvre de Gustave Caillebotte (Paris, 1848 – Petit Gennevilliers, 1894). Cette exposition dont le commissariat est assuré par Marina Ferretti, directeur scientifique du musée des impressionnismes Giverny, sera ensuite présentée au Museo Thyssen-Bornemisza, à Madrid.

Caillebotte a longtemps été considéré comme un peintre amateur fortuné, collectionneur et mécène de ses amis impressionnistes. Mais aujourd'hui, il apparaît comme l'une des figures majeures du groupe. Célèbre pour ses compositions inspirées du Paris d'Haussmann, il a consacré une part importante de sa production à l'évocation des jardins. À Giverny, une centaine d’oeuvres, (peintures et dessins) évoquera cet aspect de son art.

L'artiste a pris goût à la nature dans la propriété familiale d'Yerres où il a peint ses premières études sur le motif. Invité à participer à la deuxième manifestation du groupe impressionniste en 1876, il aide dès lors Claude Monet, Auguste Renoir et leurs amis, en leur achetant des oeuvres et en participant activement à l'organisation des expositions. En 1881, il acquiert au Petit Gennevilliers la propriété destinée à devenir sa résidence principale. Il y élabore un jardin, fait construire une serre et, progressivement, cet univers végétal s'impose dans son oeuvre.




Parcours de l’exposition

L'exposition du musée des impressionnismes Giverny se propose d'étudier de façon approfondie les jardins de Caillebotte et les oeuvres qu'ils lui ont inspirées. Elle sera également l’occasion de mesurer les relations artistiques complexes qui, dans ce contexte, le lient à Monet. Elle présentera quatre sections principales, qui s'articuleront autour de ses lieux de résidence.

Le Paris d'Haussmann, un univers minéral
À Paris, Caillebotte vit dans un quartier neuf : celui de la gare Paris-Saint-Lazare, de l'Opéra et du Pont de l'Europe. À l'inverse de ses amis impressionnistes, il ne décrit pas la gare ni les loisirs parisiens, mais l'activité des ouvriers, peintres ou poseurs de parquet. Car Paris est alors un vaste chantier et l’artiste n'évoque ni la Seine, ni l'animation des boulevards ou des cafés, il préfère décrire une cité lisse et grise. Souvent, il l'observe de la fenêtre ou du balcon d'un immeuble neuf. Le vide, l'ennui et le désir d'évasion sont palpables dans ses compositions. Caillebotte souligne les perspectives de la ville moderne, dessinées par les balcons et les boulevards. Souvent déserts, ceux-ci sont plantés d'arbres chétifs, rares et fragiles, comme ceux des jardins publics qui se multiplient alors.

Villégiatures à Yerres : 1861 – 1879
Dans la propriété familiale d'Yerres, Caillebotte explore les ressources du parc à l'anglaise, un jardin privé qui est récent lui-aussi et qui ressemble beaucoup aux nouveaux espaces publics parisiens avec ses allées sinueuses, ses massifs soignés et ses fabriques. Il s'intéresse également au jardin potager qui lui inspire de nombreuses compositions, ainsi qu'au cours de l'Yerres qui est le théâtre des loisirs nautiques, baignades et canotage. Les oeuvres inspirées par le jardin et le potager d'Yerres témoignent d'un impressionnisme très personnel où les cadrages audacieux ainsi que la présence de la figure humaine le distinguent de ses amis impressionnistes.

La Seine et les explorations normandes : 1880 – 1888
La propriété familiale d'Yerres vendue en 1879, l'artiste se rend à plusieurs reprises en Normandie où il voit son ami Monet qui s'installe à Giverny en 1883. Caillebotte peint à cette époque des paysages normands qui témoignent d'une technique très libre. Il a acquis en 1881 une maison au Petit Gennevilliers, en face d'Argenteuil et se passionne pour le yachting, dessine des modèles performants de bateaux et devient président du Cercle de la Voile de Paris. Comme Monet avant lui, Caillebotte décrit les voiliers et les régates sur la Seine.

Le Petit Gennevilliers : 1888 – 1894
Caillebotte s'installe définitivement en 1888 au Petit Gennevilliers où il crée un jardin qui, progressivement, prend une place prédominante dans son oeuvre. Une section documentaire et des photographies du jardin enrichiront cette section. L’artiste fait aussi construire une serre et élabore divers projets de décoration sur le thème de la végétation et des fleurs.
Son décès en 1894, à l'âge de quarante-cinq ans, interrompt le développement d'une oeuvre en pleine évolution et le retentissement du legs Caillebotte ne tarde pas à effacer la profonde originalité de l'artiste. Comme l'a rappelé Monet, « S'il avait vécu au lieu de mourir prématurément, il aurait bénéficié du même retour de fortune que nous autres, car il était plein de talent... il avait autant de dons naturels que de conscience et il n'était encore, quand nous l'avons perdu, qu'au début de sa carrière. »