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Interview de Christine Macel par FranceFineArt
FranceFineArt : Christine Macel vous êtes conservatrice en chef au Musée national d'art moderne et commissaire générale de la nouvelle présentation des collections contemporaines présentée à partir du 23 mars au niveau 4 du centre Pompidou sous le nom "Cher(e)s Ami(e)s - hommage aux donateurs".
Qu'il soit une personne privée, un artiste, un galeriste, une fondation, depuis son ouverture en 1947, l'histoire du musée national d'art moderne prouve la générosité de ses mécènes et donateurs. Ce nouvel accrochage d’œuvres réalisées par des artistes du monde entier et de toutes générations, est donc un hommage singulier à ces acteurs souvent restés dans l'ombre. Les espaces n'étant pas extensible, vous avez dû faire des choix en présentant des œuvres entrées dans la collection depuis les 5 dernières années et qui offrent ainsi une lecture de l'art au présent.
Donc après bientôt 70 ans de collaboration entre donateurs et conservateurs, qu'elles ont été vos réflexions pour réaliser un accrochage qui rend hommage à ses donateurs tout en restant dans le présent, dans l'histoire qui se construit ?
Christine Macel : J'ai fait un choix parmi les cinq dernières années de donations, qui n'avaient donc pas ou peu été montrées, et je me suis concentrée sur les oeuvres les plus récentes, datées en général après 2000, afin de donner à voir l'aspect le plus contemporain de cette partie de notre collection.
FranceFineArt : Pour rester dans l'histoire qui se construit, quelle est pour le Musée national d'art moderne la dimension des prix d'art contemporain comme le prix de la Fondation d'entreprise Ricard avec une œuvre du lauréat qui entre dans les collections ou encore le prix Marcel Duchamp où le lauréat 2015, Melik Ohanian, sera présenté à partir du 1er juin dans les espaces du 4ème étage ?
Christine Macel : Pour nous cette collaboration qui a été entamée il y a quinze ans avec ces deux prix, sont des aspects indispensables et stimulants de notre travail envers la scène artistique très contemporaine en France. Le prix Ricard nous permet de faire entrer une oeuvre d'un jeune artiste dans la collection, cette année le duo David Raffini et Florian Pugnaire, ce qui avec le temps constitue une partie non négligeable de nos acquisitions envers la scène en France. Le prix Marcel Duchamp nous permet également de réaliser chaque année une exposition d'un artiste vivant en France, et cette année, nous passerons à la vitesse supérieure avec 4 artistes exposés parmi lesquels sera choisi le Lauréat. Après Melik Ohanian, lauréat de l'année 2015 exposé de mai à août prochains avec une sorte de constellation qui fera voyager dans le temps et l’espace, ce seront Kader Attia, Yto Barrada, Barthelemy Toguo et Ulla Von Brandenburg que nous allons montrer dans les espaces reconfigurés de la galerie Sud à l’automne.
FranceFineArt : Quand on connaît la conjoncture actuelle et les budgets de la culture en baisse, quelle est l'importance des donations pour un musée ? Et par les donations, un musée peut-il être et rester représentatif de toutes les disciplines et des tendances de ce qui se passe dans le monde de l'art ?
Christine Macel : Les donations ont toujours été un moyen d’acquisition majeur pour les musées et le Mnam en particulier, que cela soit grâce aux collectionneurs, ou aux artistes. D’années en années, de nombreux groupes d’amis se sont créés du Projet pour l’art contemporain suscité à l’époque par Alfred Pacquement et François Trêves, aux nombreuses fondations privées comme la Centre Pompidou Foundation. Cette année nous allons également inaugurer en juin l’exposition au musée de la Collection Thea Westreich Wagner et Ethan Wagner, un promises gift majeur de 350 œuvres d’artistes européens fait à la centre Pompidou Foundation dont près de 85 œuvres sont déjà en cours de donation effective. Une première version a déjà été montrée au Whitney qui a reçu 500 œuvres américaines et j’ai eu le plaisir de concevoir l’exposition avec ma collègue en charge de la photographie Elisabeth Sussman, amie de longue date du couple. C’est la plus importante donation du genre ces dernières années avec bien sur celle des dessins de la Fondation Guerlain. Dans Cher(e)s ami(e)s vous voyez également des œuvres données par des artistes, comme Mireille Kassar, Navid Nuur, ou Susan Hefuna pour n’en citer que quelques uns. La générosité des artistes prouve aussi combien ils sont attachés à ce que leur œuvre soit bien représentée au musée, malgré ces temps en effet plus difficiles. Nous conservons notre budget annuel d’acquisition qui nous permet de poursuivre notre politique et multiplions les amis du monde entier, afin justement de conserver une envergure internationale qui est au cœur de notre mission. Pour cela le Cercle International des Amis du Musée créé par Jacques Boissonnas et dynamisé par notre président Didier Grumbach et notamment le groupe du Middle East Patrons Group né il y a deux ans, ont permis d’élargir aux scènes qui nous intéressent. Notre vocation n’est pas de tout collectionner mais de faire des choix parmi les scènes. Par exemple dans les dernières années nous avons volontairement développé des focus sur l’ancienne Europe de l’Est, le Liban et les pays du Moyen Orient, l’Amérique latine ou encore la Chine.
FranceFineArt : Et pour parler plus concrètement du nouvel accrochage "Cher(e)s Ami(e)s", quels sont les aspects, les tendances de l'art contemporain que les visiteurs vont pouvoir découvrir à travers le regard expert des donateurs ?
Christine Macel : Les donateurs et les conservateurs travaillent de concert, dans une relation d’amitié et de proximité. On remarque de nombreux artistes américains, représentatifs des dernières recherches des artistes, soit dans une poursuite d’une esthétique Pop au regard du monde médiatique contemporain, comme par exemple Alex Israël ; soit dans une direction abstraite plus conceptuelle, avec notamment Wade Guyton ou Josh Smith. La scène française est également bien représentée avec des artistes aussi différents que Télémaque, François Morellet, Katinka Bock ou Tatiana Trouvé. De nombreux artistes du Moyen-Orient sont également entrés en collection comme le jeune saoudien Nasser Al-Salem, la turque Hale Tenger ou encore le libanais Akram Zaatari, dont nous possédions déjà deux œuvres. Il est très important pour nous de compléter des engagements auprès d’artistes qui nous paraissent les plus pertinents de leur époque. Les donations nous ont également permis de faire entrer des artistes dont nous espérions une œuvre depuis longtemps, comme Karla Black, Kara Walker ou Miriam Cahn, de nombreuses artistes si talentueuses et jusqu’alors absentes de nos collections. Plus de tendances on pourrait parler de sensibilités ou de familles d’artistes. Ainsi l’accrochage a permis des rencontres inattendues d’artistes comme Davide Balula et Navid Nuur, Zhang Enli et Frederik Vaerslev, Tanja Auerbach et Sergej Jensen qui gagnent tous à être exposés non loin des autres. N’oublions pas les donations d’architecture et de designs, particulièrement généreuses, avec notamment l’ensemble du designer Marcel Wanders. Le musée suscite d’ailleurs de tous nouveaux groupes comme ceux dédiés à la photographie et au design qui ont de belles heures devant eux et déjà de solides amitiés.
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extrait du communiqué de presse :
Commissariat «Cher(e)s Ami(e)s»
Christine Macel, conservatrice en chef, Musée national d’art moderne, chef du département « Création contemporaine et prospective »
avec Frédéric Migayrou directeur adjoint, musée national d’art moderne, chef du département architecture et création industrielle
avec Marie-Ange Brayer, Conservatrice, musée national d’art moderne, chef de service pour la création industrielle
À partir du 23 mars 2016, le Centre Pompidou présente, dans les espaces renouvelés du musée national d’art moderne, un accrochage inédit des collections contemporaines. Cette présentation met à l’honneur les donateurs qui, par leur générosité, leur passion et leur engagement contribuent à l’enrichissement de la collection du Centre Pompidou. L’ accrochage met en avant les œuvres contemporaines entrées en collection depuis les cinq dernières années, réalisées par des artistes du monde entier et de toutes les générations. Grâce à ces « Cher(e)s ami(e)s », le Centre Pompidou offre ainsi une lecture de l’art au présent.
Depuis son ouverture en 1947, le musée national d’art moderne a toujours pu compter sur la générosité de mécènes et de donateurs. Grâce à eux, aujourd’hui comme hier, toutes les disciplines artistiques sont représentées, des arts plastiques à la vidéo, au film, à la photographie, au dessin, à l’architecture et au design. Le Centre Pompidou a choisi cette année de rendre un hommage particulier aux donateurs en montrant comment, dans un dialogue constant avec les conservateurs, la collection a pu garder toute sa vitalité grâce à leurs libéralités. Ces donateurs, personnes privées, artistes, galeristes, fondations et groupes d’amis, viennent de tous les horizons. Le Projet pour l’art contemporain, la Société des Amis du Musée national d’art moderne, le groupe Perspectives constitué de jeunes collectionneurs, le Cercle internationale – réunissant des collectionneurs du monde entier et notamment un groupe dédié au Moyen-Orient – les amis japonais, la Centre Pompidou Foundation mais également les Fondations philanthropiques et les nombreux collectionneurs privés, tous témoignent de l’effort collectif, français et international, accompli autour de la collection du Centre Pompidou.
Cette dynamique s’illustre par des dons exceptionnels.
Récemment, des oeuvres majeures ont ainsi fait leur entrée au Centre Pompidou, comme l’émouvant dispositif de films d’Anri Sala, Unravel (2013), ou l’étonnante installation de l’artiste chinois Xu Zhen, Corporate (4 knives groups).
Le musée peut aussi compter sur l’engagement des artistes eux-mêmes : Adel Abdessemed, Saâdane Afif, Isabelle Cornaro, Mireille Kassar ou Navid Nuur, pour ne citer que certains de ceux dont les oeuvres sont exposées à l’occasion de cette première présentation. Certains jeunes artistes dont les oeuvres n’auraient pu rejoindre la collection sans ces soutiens seront exposés : ainsi des œuvres de Farah Atassi, Karla Black, Alex Israel ou encore Ciprian Muresan. D’autres dons renforcent la présence d’artistes majeurs dans la collection avec, notamment, des oeuvres de François Morellet et de Tadashi Kawamata, Joseph Kosuth, Louise Lawler, Sean Scully ou Haim Steinbach. D’autres encore ouvrent de nouveaux horizons, comme l’environnement exceptionnel de l’architecte japonais Junya Ishigami ou la salle consacrée au design des années 1990 avec un ensemble d’oeuvres de Marcel Wanders qui renouvela l’approche du design à travers une démarche transgressive et ludique dans un décloisonnement entre artisanat et industrie.
Une sélection d’oeuvres vidéo est également présentée dans l’espace des collections Vidéos, Films, Sons, au sein du parcours du musée.
Cette présentation est l’occasion de solliciter le témoignage de ces donateurs, artistes et mécènes qui à travers leurs histoires personnelles et grâce à leur passion permettent d’enrichir les collections nationales.
Premier volet d’une série d’hommages à venir, « Cher(e)s Ami(e)s » se déploie au cours de l’année 2016 offrant au public une collection vivante témoignant de la diversité de la création contemporaine.
Introduction*
par Christine Macel, Conservatrice en chef et directrice du département « Création Contemporaine et Prospective » du Centre Pompidou.
« L’amitié est, selon le philosophe Aristote, le bien le plus précieux car elle est le principal fondement de la société. Elle dépasse la simple utilité en y ajoutant la notion de plaisir. Rien de plus juste, donc, que d’intituler ce nouvel accrochage des collections contemporaines, dédié à des oeuvres données au musée ces cinq dernières années, « Cher(e)s ami(e)s ».
Nos amis et amies sont en effet nombreux et indispensables, généreux et attachants, ils accompagnent depuis toujours et de plus en plus la vie du musée, permettant de renforcer notre collection, le patrimoine d’aujourd’hui et de demain. Si le musée n’a cessé d’exposer régulièrement ces dons, il a choisi cette année de rendre un hommage particulier aux donateurs en montrant combien la collection, dans un dialogue constant avec les conservateurs du musée, a pu abondamment s’enrichir grâce à leurs libéralités.
Tous les secteurs de la collection sont concernés, des arts plastiques à la vidéo, au film, à la photographie, au dessin, à l’architecture et au design. Les donateurs, personnes privées, artistes, galeristes, fondations et groupes d’amis, sont d’une grande variété. Du Projet pour l’art contemporain des Amis du Mnam au groupe Perspectives constitué de plus jeunes collectionneurs, du Cercle international – avec des collectionneurs du monde entier, et notamment le groupe dédié au Moyen-Orient – aux amis japonais, de la Centre Pompidou Foundation à la Fondation d’entreprise Ricard, aux nombreux collectionneurs privés qu’on ne saurait tous citer, les sources sont d’une grande diversité qui révèle l’immense effort collectif, français et international, autour du musée. »
* Texte paru dans le Code Couleur N°24, Magazine-programme du Centre Pompidou
Hommage aux donateurs*
par Bernard Blistène, Directeur du musée national d’art moderne.
Depuis son ouverture en 1947, le musée national d’art moderne – alors situé au palais de Tokyo – n’a cessé de bénéficier de la générosité exceptionnelle de donateurs soucieux de voir réunies en son sein des oeuvres témoignant de l’art du temps. Grâce aux donations successives, notamment celles suscitées par son premier directeur, Jean Cassou, et ceux qui ont suivi, les collections du musée national d’art moderne ont pu bâtir leur identité sur de grands ensembles uniques au monde. Ainsi, les fonds Brancusi, Braque, Chagall, Delaunay, Dufy, González, Kupka, Laurens, Matisse, Pevsner, Picasso ou Rouault ont dans une large mesure été constitués grâce aux dons et legs consentis par les artistes, leurs familles ou les collectionneurs qui leur étaient proches. La nouvelle présentation des collections modernes, inaugurée au printemps dernier, a permis de mesurer combien ces donateurs avaient, au fil de quelque soixante-dix années, contribué à leur richesse et à leur éclat. Aujourd’hui, cette générosité et cet engagement participent tout autant à l’enrichissement du patrimoine national. C’est pourquoi le Centre Pompidou salue les donateurs de tous horizons, habités par la même passion pour l’art et le sens du partage. La Société des amis du musée national d’art moderne (voir ci-contre) permet à ceux qui le souhaitent de s’engager à la mesure de leurs désirs et de leurs choix : le groupe « Perspective », qui réunit les jeunes amis, a ainsi récemment acquis pour le musée une oeuvre remarquée de Christodoulos Panayiotou. La Centre Pompidou Foundation, quant à elle, fédère depuis 1977 ceux qui, depuis les États- Unis, souhaitent défendre la présence des artistes américains dans les collections. En témoigne, entre autres, la superbe oeuvre d’Edgar Arceneaux exposée en majesté dans la grande allée du niveau 4. L’engagement, bien sûr, dépasse le cadre des groupes constitués. Artistes, galeries, mécènes d’entreprises, fondations et innombrables passionnés d’art témoignent chaque année à titre individuel de leur attachement à l’institution. Voyez Daniel Cordier, Aube Elléouët Breton, Florence et Daniel Guerlain ! Voyez la Scaler Foundation ! Voyez aussi comment, en 2015, d’importantes oeuvres d’artistes contemporains dont Ding Yi, Wang Jianwei ou Zhang Enli sont entrées en collection grâce à d’ardents défenseurs de l’art chinois. Par cette présentation exceptionnelle, premier volet d’hommages désormais régulièrement renouvelés, le Centre Pompidou souhaite saluer l’engagement et la passion de tous ces acteurs indispensables à la vie de la collection, une collection unique en Europe qui leur doit tant. Merci !
* Texte paru dans le Code Couleur N°24, Magazine-programme du Centre Pompidou
A venir, parcours dans les Collections, Niveau 4
À partir du 10 juin 2016 :
La collection Thea Westreich Wagner et Ethan Wagner
Dans le prolongement de « Cher(e)s Ami(e)s », cette exposition consacrée à la collection de Thea Westreich Wagner et Ethan Wagner rend hommage à la générosité de ce couple de collectionneurs new yorkais et à leur promesse de don, promised gifts, de plus de huit cent cinquante oeuvres dont cinq cents au Whitney Museum of American art et trois cent cinquante à la Centre Pompidou Fondation. Les deux institutions présentent au public deux expositions consécutives d’une sélection d’oeuvres de cette exceptionnelle donation : au Whitney Museum jusqu’au 6 mars 2016, puis au Centre Pompidou, à partir du 10 juin 2016 (commissaires : Christine Macel, conservatrice en chef au MNAM/CCI, en charge du département « création contemporaine et prospective », Elisabeth Sussman, conservatrice « Sondra Gilman » de la photographie au Whitney Museum avec Elisabeth Sherman, assistante conservatrice au Whitney Museum). À cette occasion, près de 150 oeuvres sont dévoilées au public. La présentation parisienne met l’accent sur la part européenne de la promesse de don et rassemble les oeuvres d’une cinquantaine d’artistes en faisant bonne place aux grandes figures déjà reconnues de la scène contemporaine - Eija-Liisa Ahtila, Martin Barré, Philippe Parreno… - ainsi qu’à des artistes dont la pratique s’est plus récemment affirmée - Claire Fontaine, Josephine Pryde, Danh Vo…
À partir du 14 septembre 2016 : Présentation d’un ensemble d’oeuvres contemporaines russes
Le Centre Pompidou dévoile un ensemble d’oeuvres soviétiques et russes issues d’une récente et généreuse donation. Ce remarquable don centré sur les années 1970 et 1980 vient amplifier un fond déjà significatif d’oeuvres présentes dans les collections du Musée national d’art moderne.
Et aussi a partir du 1er juin 2016 : Melik Ohanian, Prix Marcel Duchamp 2015
Melik Ohanian, prix Marcel Duchamp 2015, expose son travail dans les espaces du 4e étage.
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