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“Paul Klee” L’ironie à l’oeuvre
au Centre Pompidou, Paris

du 6 avril au 1er août 2016



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, séance de tournage, le 4 avril 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Paul Klee, Insula dulcamara, 1938. Huile et couleur à la colle sur papier sur toile de jute - 88 x 176 cm. Zentrum Paul Klee, Berne.
2/  Paul Klee, Ohne Titel (Zwei Fische, ein Angelhaken, ein Wurm) - Sans titre (Deux poissons, un hameçon, un ver), 1901. Plume et aquarelle sur carton - 16,2 x 23,2 cm. Collection privée, Suisse. En dépôt au Zentrum Paul Klee, Berne.
3/  Paul Klee, Bild aus dem Boudoir - Image tirée du boudoir, 1922. Décalque à l’huile et aquarelle sur papier sur carton 33.2 x 49 cm (feuille). Zentrum Paul Klee, Berne.

 


1858_Paul-Klee audio
Interview de Angela Lampe, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 4 avril 2016, durée 13'09". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat : Angela Lampe, Conservateur au musée national d’art moderne, Centre Pompidou



Le Centre Pompidou propose une nouvelle traversée de l’oeuvre de l’un des artistes les plus emblématiques du 20è siècle, figure singulière de la modernité : Paul Klee. Il s’agit de la première rétrospective importante présentée en France depuis l’exposition de 1969 au musée national d’art moderne.

Réunissant environ deux cent cinquante oeuvres, provenant du Zentrum Paul Klee, Berne, des plus grandes collections internationales et de collections particulières, cette rétrospective pose un nouveau regard sur l’oeuvre de Klee. Elle met en évidence la façon dont Klee pratique l’ironie selon une démarche qui trouve son origine dans le premier romantisme allemand. Il s’agit d’un balancement constant entre satire et affirmation d’un absolu, fini et infini, réel et idéal. A cet égard, Paul Klee s’inscrit dans la pratique de l’ironie inspirée par le philosophe Friedrich Schlegel : « Tout en elle doit être plaisanterie, et tout doit être sérieux, tout offert à coeur ouvert, et profondément dissimulé ».

L’exposition se déploie en sept sections thématiques qui mettent en lumière chaque étape de l’évolution artistique de Paul Klee : « Les débuts satiriques » (les premières années) ; « Klee et le cubisme » ; « Théâtre mécanique » (à l’unisson avec Dada et le Surréalisme) ; « Klee et les constructivismes » ; « Regards en arrière » (les années 1930) ; « Klee et Picasso » (la réception par Klee après la rétrospective de Picasso à Zurich en 1932) ; « Années de crise » (entre la politique nazie, la guerre et la maladie).

Cette exposition est dédiée à Pierre Boulez.




Publications
Trois ouvrages sont publiés aux Editions du Centre Pompidou pour accompagner la rétrospective. Sous la direction d’Angela Lampe, commissaire, un catalogue de 312 pages comportant 300 illustrations, réunit les contributions inédites de spécialistes internationalement reconnus de Paul Klee ; un album bilingue français/anglais retrace en images le parcours de l’exposition et une anthologie « En souvenir de Paul Klee » présente dix-neuf témoignages traduits de contemporains ayant été proches de l’artiste : Kandinsky, Feininger, Kahnweiler, son fils Felix, des étudiants, parmi d’autres.

Un colloque international
Organisé en partenariat avec le Goethe-Institut de Paris et le Centre allemand d’Histoire de l’art, un grand colloque avec des spécialistes internationaux portant sur les recherches récentes sur l’œuvre de Paul Klee, se tiendra les 19 et 20 mai 2016 :
- jeudi 19 mai, 11h – 13h et 14h 30 - 19h, Centre Pompidou, Petite salle, niveau -1
- vendredi 20 mai, 11h - 13h, 14h 30 – 19h, Goethe-Institut, Auditorium, Paris




Extrait du catalogue : Paul Klee. L’ironie à l’oeuvre par Angela Lampe

“Il y a des poèmes, anciens et modernes, qui exhalent de toutes parts et partout le souffle divin de l’ironie. Une véritable bouffonnerie transcendantale vit en eux. À l’intérieur, l’état d’esprit qui plane par-dessus tout, qui s’élève infiniment loin au-dessus de tout le conditionné, et même de l’art, de la vertu et de la génialité propres : à l’extérieur, dans l’exécution, la manière mimique d’un bouffon italien traditionnel.” Friedrich Schlegel

« Je suis Dieu », affirme Paul Klee, à l’âge de 22 ans. Peu de temps après, l’artiste écrit à sa fiancée Lily Stumpf qu’il pourrait désormais se contenter de « la belle chose auto-ironie ». Cet état d’esprit l’accompagnera tout au long de sa vie. « Chez lui, le goût de la satire a toujours été très fort, de l’ironie, de toutes ces choses qui manquent un peu de sérieux », commentera plus tard son fils Felix. En témoignent de manière frappante les autoportraits de Klee. À l’issue de la guerre, à un moment où l’artiste s’interroge sur son identité de créateur, il réalise une série de quatre autoportraits, caricaturaux et espiègles, dans lesquels il se représente tour à tour en artiste pensant, sensible, pesant le pour et le contre, ou en pleine création (voir ci-contre). S’y ajoute un cinquième dessin, intitulé Versunkenheit [Méditation] (1919), figurant une tête de mystique ou de bouddha dont les grands yeux clos et l’absence d’oreilles trahissent un état visionnaire et introverti. Publiée la même année en pleine page dans une revue d’art, la lithographie réalisée d’après ce dessin (Nach der Zeichnung 19/75 fait dès lors figure de portrait officiel de l’artiste. Le fait que, de surcroît, les traits de ce visage semblent aussi bien évoquer des organes sexuels féminins qu’un buste de Homère conservé à la Glyptothèque de Munich révèle à quel point Klee aime à brouiller son image en la revêtant de postures d’emprunt. Pour le grand théoricien de la littérature Peter Szondi, cette distance ce détachement dont fait preuve « l’homme isolé, devenu son propre objet », serait la première condition de l’ironie romantique. La seconde résiderait selon lui dans la prise de conscience que l’aspiration à « l’unité et l’infinitude », dans un monde « fissuré et fini », prive l’homme de « la puissance d’agir ». L’ironie serait alors « la tentative d’endurer sa situation critique par le recul et par le renversement ». À regarder de plus près la série des autoportraits, on remarque d’ailleurs que les feuilles posées devant les artistes, sosies parodiques de Klee, sont toutes vierges.

(…)

L’exposition « Paul Klee. L’ironie à l’oeuvre » se propose de relire pour la première fois l’ensemble de l’oeuvre de Klee à l’aune des correspondances que celui-ci présente avec les concepts romantiques de l’ironie. Partant d’un constat négatif et pessimiste quant au statut de l’art actuel, Klee développe une attitude indépendante et détachée qui lui permet de renverser cette situation. « Je sers la beauté en dessinant ses ennemis (caricature, satire) », écrit-il dans son journal. Tout au long de sa vie, l’artiste affine cette stratégie dialectique, fondamentale dans la définition du procédé esthétique de l’ironie romantique oscillant entre affirmation et négation, création et destruction de soi ; Klee développe un art qui intègre une réflexion sur ses propres moyens et principes, qui porte en lui des qualités d’abstraction et de construction. Selon lui, l’art devrait être « un jeu avec la loi » ou, selon une expression qui lui est chère, « une faille dans le système ». Notre exposition dévoile comment, au fil des différentes périodes de sa vie, Klee parvient à dénoncer avec ironie les dogmes et les normes de ses contemporains, de ses débuts satiriques aux dernières années d’exil à Berne. Arme redoutable, l’ironie lui sert non seulement à défier le système mais aussi à affirmer sa liberté totale, qui se situe au fondement de son idéalisme humaniste. Pour Pierre Boulez, l’insoumission de Klee, sa façon de poser simultanément « le principe et la transgression du principe », serait la plus importante des leçons de l’artiste.