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“Jean-François Joly” Terres d’exil
à la Maison Européenne de la Photographie, Paris

du 6 avril au 5 juin 2016



www.mep-fr.org

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 5 avril 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jean-François Joly, Carol Czanca, 43 ans, et Katalin Otvos, 41 ans. Cluj-Napoca, Roumanie, 1998. © Jean-François Joly.
2/  Jean-François Joly, Mikhi Gravila, 42 ans. Décharge municipale de Cluj-Napoca. Roumanie, 1998. © Jean-François Joly.
3/  Jean-François Joly, À 10km à l’ouest de Pristina. Obilic, Kosovo, 1999. © Jean-François Joly.

 


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Interview de Jean-François Joly,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 5 avril 2016, durée 11'28". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire d’exposition : Cristianne Rodrigues



L’exposition de Jean-François Joly à la Maison Européenne de la Photographie présente pour la première fois au public une trentaine de tirages noir et blanc, réalisés à travers l’Europe entre 1998 et 2013. Dans le prolongement de son travail sur les naufragés politiques, sociaux et ethniques, Jean-François Joly s’est interrogé dans cette série inédite sur la condition des Roms en Roumanie, au Kosovo, en France et en Macédoine. Il livre un témoignage puissant, parfois dérangeant, sur ces populations souvent marginalisées et stigmatisées, à travers une galerie de portraits qui rend toute leur dignité à ces exilés sans terre.


Terres d’exil, l’Europe Rom par Jean-François Joly

« À la fin du Moyen-Âge, d’étranges voyageurs arrivent en Europe, qui se disent originaires de la “petite Égypte”, faisant à rebours l’itinéraire des Croisades. D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ?

On les appelle “bohémiens”, ou “Égyptiens”. D’emblée, le mystère de leur origine fascine. Commence alors un temps de splendeur. Du 16 ème au 18 ème siècle, en Occident et en Orient, les Roms sont serviteurs de la grande noblesse, maîtres dans l’art militaire comme dans l’art divinatoire, experts en chevaux et musiciens de cour. Au 19 ème siècle, le vent tourne. Le mystère laisse place au soupçon, la fascination à la défiance : le déclin matériel, la crainte populaire et le harcèlement des gendarmes bientôt relayés par une législation d’exclusion en font des “romanichels”.

Implantés en Europe pour nombre d’entre eux depuis six siècles, les Roms ont connu des vagues successives de migration suite aux bouleversements politiques en Europe centrale, et notamment l’effondrement des régimes communistes. La dernière grande vague de migration vers l’Europe de l’Ouest a été provoquée par la chute du mur de Berlin. Leur présence parmi nous ravive les craintes et les réactions que peut susciter la différence culturelle, quand elle réside non pas dans les traits d’une culture, mais dans ses principes mêmes : le peuple rom possède une solide construction culturelle, sans être soudé par les caractères habituels d’une nation que sont l’histoire, la langue, la religion ou le territoire.

Aujourd’hui, la situation des Roms reste problématique, ils forment la première minorité transnationale en Europe, forte de plus de dix millions de personnes. Ils sont confrontés en Europe occidentale aux problèmes d’intégration et en Europe orientale à une ségrégation de plus en plus violente.

La “question rom” est ouverte à nouveau par les ultranationalismes d’Europe qui contestent leur droit à l’existence. Les communautés de Roms sédentaires sont pour la plupart marquées par la pauvreté. La vie en ghetto, à l’écart des agglomérations urbaines, entraîne des conflits tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des communautés. La discrimination raciale dont ils sont victimes entraîne un fort taux de chômage et la pratique de la mendicité augmente encore le phénomène d’exclusion sociale.

La question du statut des Roms n’est pas non plus réglée : les pays de la communauté européenne n’ont pas encore adopté une attitude unique à leur égard, sédentaires ou voyageurs. Certains pays attribuent un statut juridique particulier à toute personne affichant une particularité comme le nomadisme ou l’absence de nationalité, d’autres ne pratiquent guère de distinction avec l’ensemble des citoyens. Le point de vue rom lui-même n’est pas simple. Ils sont partagés entre deux désirs opposés et difficilement conciliables : l’affirmation du droit de citoyenneté individuelle à l’intérieur de chaque nation et le principe d’une reconnaissance collective en tant que minorité nationale dans toute l’Europe. Ces divergences s’expriment dans le conflit latent qui se développe entre les nouveaux immigrants orientaux, cherchant la terre promise occidentale, et des familles roms parfaitement intégrées. La tentation est grande pour certains de réclamer un statut de minorité transnationale qui leur permettrait d’échapper à toute discrimination juridique, sociale et nationale. Mais la création artificielle d’une collectivité transnationale, disposant d’un droit à part, présente le danger de donner prise aux réclamations d’expulsion professées par les partisans du nationalisme. Ceux-ci, dont on constate depuis quelques années le succès grandissant dans l’opinion publique, sauraient sans aucun doute retourner l’argument à l’encontre de ces populations.

La communauté européenne a pris des résolutions qui visent à améliorer les conditions de vie des Roms en matière d’éducation, d’assistance et de circulation des populations à l’intérieur de ses frontières. Le parlement européen a reconnu l’Union Rom Internationale (Romani Union) comme un organisme représentatif consultatif. Depuis peu, les Roms s’organisent, se mobilisent, prennent des initiatives pour défendre leurs intérêts et luttent pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Une génération d’intellectuels Roms devenus par la force des choses porte-parole de leur communauté anime un mouvement qui se cherche encore.

Intrinsèquement, il n’est pas de peuple plus européen que les Roms de par leur histoire et leur culture.»