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“Habiter le campement” Nomades, voyageurs, infortunés, éxilés, conquérants contestataires
à la Cité de l’architecture & du patrimoine, Paris

du 13 avril au 29 août 2016



www.citechaillot.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 12 avril 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Ton Koene, Les nomades, Campement d’Inuits au pôle Nord. © Ton Koene.
2/  David Ducoin, Les voyageurs, Pèlerinage hindou de la Maha Kumbh Mela, 2013, Allahabad. © David Ducoin/Gamma-Rapho-Keystone.
3/  Brendan Bannon, Les éxilés, Camp de Dadaab, plus grand camp de réfugiés au monde avec les 500 000 réfugiés qu’il accueille au Kenya. © UNHCR/Brendan Bannon.

 


1869_campement audio
Interview de Fiona Meadows, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 12 avril 2016, durée 14'34". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire le l’exposition :
Fiona Meadows, Architecte, responsable de programmes à la Cité de l’architecture & du patrimoine et enseignante à l’ENSA Paris La Villette.

Comité scientifique :
Michel Agier, anthropologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Marc Bernardot, professeur de sociologie à l’université du Havre.
Saskia Cousin, anthropologue, maitresse de conférences à l’université Paris-Descartes, attachée au Centre d’anthropologie culturelle (CANTHEL).
Clara Lecadet, anthropologue, chercheuse associée au sein de l’IIAC-LAUM, à l’EHESS.
Arnaud Le Marchand, maître de Conférences en sciences économiques à l’université du Havre.
Michel Lussault, géographe, professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon.




Introduction par Fiona Meadows, commissaire de l’exposition.

Avant même de penser à l’architecture, c’est la question de « demeurer » qui se pose. Comment habiter dans des zones insalubres, inhospitalières ? Comment habiter en toute liberté, avec les moyens du bord ? Peut-on habiter autrement ? En ce temps de crise il est plus que nécessaire de se poser la question.

« Tant que t’as un toit au-dessus de la tête. » Qu’il s’agisse d’une discussion entre étudiants, travailleurs pauvres ou sans-domicile fixe, cette expression, à valeur presque incantatoire, rappelle que l’abri, dont le toit est le symbole, est un élément de survie premier. L’abri, c’est l’écart entre notre corps et un environnement potentiellement hostile, ce qui nous protège des aléas. Depuis que l’homme est homme, il cherche le refuge idéal – comme tous les êtres vivants. Dans la préhistoire humaine ou dans la jungle de Calais, les premiers abris sont construits avec les ressources environnantes : grottes, branchages ou déchets urbains. Le toit « en dur » est récent, comme l’est, dans l’histoire humaine, la sédentarisation.

Le campement, c’est le rassemblement temporaire des abris, mais c’est aussi bien plus : comme le rappelle Saskia Cousin, c’est la possibilité de faire clan, communauté, société, un « raccourci de l’univers » écrivent Marcel Mauss et Émile Durkheim en 1903. L’abri nous parle d’architecture, le campement d’urbanisme. Sans lieu fixe ni durée déterminée, ce dernier s’inscrit dans un temps et un espace temporaire : c’est un endroit où se poser, se rassembler, avant de reprendre la route.

Pour explorer les formes et ces manières de vivre le campement, nous avons mené un patient travail de collecte de ses traces photographiques, principalement à travers le photojournalisme. Ce corpus rassemble l’architecture dite « savante » ou « populaire », traditionnelle ou contemporaine, bricolée ou industrielle, d’ici et d’ailleurs. Cette méthode inductive a permis de déstabiliser nos a priori quant à la définition et les pratiques du campement, mais aussi quant au rôle qu’y joue l’architecture. En effet, l’immense majorité des humains qui vivent dans des campements ne rencontre l’architecture professionnelle que lorsque celle-ci se fait industrielle, voire carcérale : les dizaines de milliers de tentes blanches du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés-UNHCR, les baraquements visant à contenir, contrôler, enfermer.

À la suite de cette collecte, nous avons identifié six manières d’habiter le campement : les nomades, les voyageurs, les infortunés, les exilés, les conquérants et les contestataires. Cette typologie s’intéresse moins aux formes matérielles du campement qu’aux manières de l’investir, de l’habiter, de le subir, de le transformer. Chacune des thématiques a été approfondie avec les membres du comité scientifique réuni à cet effet : Arnaud Le Marchand (Nomades), Saskia Cousin (Voyageurs), Marc Bernardot (Infortunés), Clara Lecadet (Exilés), Michel Agier (Conquérants), Michel Lussault (Contestataires).

Nous souhaitions également donner à expérimenter le campement, sentir ce que vivent les humains soumis à la condition du mouvement ; mais aussi interroger les codes de l’exposition, questionner l’objet architectural à l’ère post-industrielle. Pour troubler les visiteurs, l’exposition « Habiter le campement » accueille donc le collectif 1024 pour une installation cinétique et sonore apparait par intermittence, pour quelques minutes, perturbe la lecture, efface les contenus.

En guise de refuge, une série d’espaces plus confinés, plus calmes, des cellules propices à la découverte des situations, à l’écoute d’un parcours sonore proposé par Jean Bellorini et Marion Canelas.

« Habiter le campement » est un travail sur les marges. En anthropologie, on parle d’espace liminaire ou de « zone de marge » : le moment ou le lieu d’une déstabilisation des identités collectives et individuelles. Qu’il s’agisse d’un choix pour des voyageurs en quête d’expérience, ou d’une épreuve parfois fatale pour les populations déplacées, les humains abrités ou parqués dans des campements vivent cette déstabilisation. En interrogeant la marge, nous déplaçons notre regard du centre, de la norme, pour mieux l’interroger. C’est la question même de l’habiter qui se pose, celle aussi de l’architecture contemporaine et de ses présupposés.