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“Marco Poloni” Codename : Osvaldo
au Centre culturel Suisse, Paris

du 22 avril au 10 juillet 2016



www.ccsparis.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Marco Poloni, le 22 avril 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Marco Poloni, The Pistol of Monika Ertl. © Les auteurs et Marco Poloni / Courtesy Galerie Campagne Première, Berlin.
2/  Marco Poloni, Noah Stolz, The orgosolo laboratory project 87, archivio Nicola Dettori 071 dxofp. © Marco Poloni and Noah Stolz / Courtesy Galerie Campagne Première Berlin.
3/  Marco Poloni, Une Cuba mediterranea, film, 2016. © Marco Poloni.

 


1877_Marco-Poloni audio
Interview de Marco Poloni,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 avril 2016, durée 17'23". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

L’oeuvre de Marco Poloni va du cinéma à la photographie en passant par le texte et l’installation. En 2014, l’artiste a établi une agence dans l’objectif de rassembler quinze ans de travail, « The Analogue Island Bureau ». L’agence tente de construire un index de trames, problèmes et tropes de la Mer Méditerranée. Cette archive documente et reformule un certain nombre de scénarios et de récits géopolitiques touchant à cette région, en se concentrant sur des relations entre invisibilité et pouvoir, subjectivité et idéologie. L’oeuvre la plus récente de Poloni, « Codename : Osvaldo », se compose de plusieurs études de cas, actuellement juxtaposées en une constellation de grand format présentée au Centre Culturel Suisse de Paris. « Codename : Osvaldo » se déploie à partir d’un fil biographique, celui de la figure complexe et charismatique de Giangiacomo Feltrinelli. Millionnaire italien et révolutionnaire guévariste, Feltrinelli fonda la maison d’édition qui porte son nom à Milan en 1954 et participa activement aux mouvements anti-impérialistes Européens des années 1960 et 1970 sous le nom de guerre de compañero Osvaldo. Dans cette oeuvre, Poloni aborde la figure de Feltrinelli comme la ligne d’ombre d’un récit rhizomatique qui concerne des chapitres refoulés de la construction de l’identité nationale italienne.

La première étude de cas, « The Pistol of Monika Ertl » est une constellation en grand format composée de photographies, de films 16 mm et de textes reconstruisant l’assassinat en 1971 de Roberto Quintanilla, consul général de Bolivie à Hambourg, par une jeune femme allemande du nom de Monika Ertl. En tant que chef de la police secrète bolivienne, Quintanilla avait capturé Che Guevara dans la jungle bolivienne en octobre 1967 et avait ordonné son exécution sommaire. Pour le mouvement révolutionnaire, Quintanilla devait être éliminé. Monika Ertl était fille du caméraman et photographe Hans Ertl, directeur de la photographie du controversé documentaire Olympia de Leni Riefenstahl (1931). Ertl s’était installé à La Paz avec sa famille à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Vers la fin des années 1960, Monika avait rejoint l’armée de libération nationale de Bolivie et reçu sa formation militaire au Chili et à Cuba. Le revolver qu’elle utilisa pour tuer Quintanilla lui avait été donné par Feltrinelli.

La seconde étude de cas est un atlas de photographies, textes, films et objets intitulé « The Orgosolo Laboratory Project », élaboré conjointement avec le curateur suisse Noah Stolz. Il s’agit d’un examen visuel des événements qui se sont déroulés à la fin des années 1960 dans le village d’Orgosolo, au coeur de la Sardaigne. En novembre 1968, la population imposa la dissolution du conseil municipal, qui fut remplacé par une assemblée populaire – un évènement connu comme les « quatre jours de la république d’Orgosolo », cas unique d’auto-gouvernance dans l’Italie de l’après-guerre. En juin 1969, la population d’Orgosolo réussit à bloquer un exercice de guerre dans le village voisin de Pratobello, remportant ainsi une victoire sur l’état italien et prenant position contre cet épisode de colonialisme interne italien. Les traces visuelles de ces évènements sont visibles dans les nombreux graffitis de propagande d’Orgosolo, dont le langage pictural est fortement influencé par la tradition des murales sud-américains, et dans les nombreux opuscules militants que Feltrinelli avait publié et distribué dans la région.

La troisième étude de cas, « Una Cuba mediterranea », est un essai filmique écrit et structuré comme un long-métrage. Le point de départ du film est la tentative de Feltrinelli de transformer la Sardaigne en une Cuba de la Méditerranée en distribuant des armes et des ressources financières à ceux qu’on appelait les bandits locaux. « Una Cuba mediterranea » est le film d’un court voyage à travers l’île : Antonia, cinéaste, et son amie Eleonora, anthropologue visuelle, voyagent en compagnie de Giuliano, un ami sarde qui devient leur guide. Une camérawoman et un preneur de son les accompagnent. Le film suit le voyage de ces personnages à bord d’une Citroën DS – la voiture de Feltrinelli – à travers divers sites historiques, en filmant les paysages et en enregistrant les conversations des personnages sur les problèmes de l’île. Le film prend les dimensions d’une méditation anthropologique sur l’asservissement économique, l’autonomisme sarde, et la condition insulaire de la Sardaigne et du « sud » en général.

La quatrième étude de cas, « Not how things are real, but how things really are », est un petit ensemble composé de photographies et d’un texte articulant l’opposition entre les visions du monde de Michelangelo Antonioni et de Giangiacomo Feltrinelli : la première idéaliste et métaphysique, la seconde marxiste et dialectique. Les deux hommes étaient fascinés par la Sardaigne, mais pour des raisons différentes : Antonioni pour y construire sa villa futuriste, une sorte d’utopie privée, alors que Feltrinelli voulait y réaliser son utopie politique.

La syntaxe spatiale du Centre culturel suisse de Paris sera en outre articulée en un nombre de variations autour de cactus de différentes formes et tailles, dont un cactus transformé en antenne radio pirate – une référence à GAP, la radio de Feltrinelli –, des cactus sortant de mégaphones et un cactus portant l’inscription « coidadu », mot sarde signifiant « attention ! ».


“La constellation de Poloni assemble images fixes et en mouvement, objets et fragments de texte appartenant à différents genres – police, presse, ethnographie, histoire, mode, ainsi que le langage de la fiction cinématographique – pour former une composition expérimentale qui devient un commentaire de culture visuelle. Dans ‘Codename: Osvaldo’, les images ne se prêtent pas à être organisées en une séquence indexicale produisant un sens narratif. Elles composent plutôt un flux de conscience qui met en lumière des moments spécifiques exclus des narrations collectives. L’espace d’exposition devient ainsi un projet de laboratoire qui ne se limite pas à aborder des évènements historiques mais devient une réflexion sur la connectivité décousue de la galaxie révolutionnaire de l’époque, sur notre connaissance fragmentaire de cette période, ainsi que sur la structure de notre mémoire personnelle et prothétique”
Nina Lucia Groß